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14/5/09 Jean-Michel Aphatie
  Gouvernance : il faut être très fort pour n’être       compris de personne et fâché avec tout le monde !

Projet de loi sur l’Hôpital. Projet de loi nécessaire, nous dit-on, mauvaise organisation, déficits financiers, gaspillage d’argent public. Peut-être vrai, sans doute vrai, donc une loi nécessaire. Seulement, pour l’écrire ce projet de loi, le gouvernement semble avoir privilégié une méthode inédite, révolutionnaire, bouleversante.

D’abord, le gouvernement écrit un texte. Il l’écrit avec son autorité, sa capacité d’expertise et, on l’imagine, un dialogue avec les personnes concernées, à tout le moins leurs représentants. Le président de la République assure sa part d’explication. Ce texte, dit-il, c’est doter enfin l’hôpital d’un patron, c’est indispensable, urgent, donc il faut le faire.

Ce texte, si beau, si propre, est voté par les députés. C’était le 18 mars. Ce n’est pas rien des députés, tous ensemble, ils représentent la Nation. De ce dernier concept, pourtant, les médecins se moquent. Ils descendent dans la rue. Mauvais, ce texte, disent-ils. Il privilégie la rentabilité au détriment de la santé. Symbole de cette inacceptable hiérarchie des priorités : le rôle du directeur, du patron, puissance administrative à laquelle devra se soumettre le pouvoir médical.

Première surprise : le président et le gouvernement donnent raison aux médecins. En clair, ils conviennent que la première mouture du texte n’était pas bonne. Pardon, pardon... Se pourrait-il que quelqu’un au gouvernement ait mal travaillé ? Texte imprécis ? Flou ? Mal adapté ? Et le président, l’aurait-il mal lu, trop vite, pour le soutenir ainsi ?

Pas d’introspection, on fonce. Nouvelle ligne gouvernementale. Puisque de l’avis général le texte est mal foutu, on va le réécrire. Le Sénat est prié d’adopter des amendements, voire d’en ajouter. L’essentiel, c’est que ce texte change. Bien sûr, disent les députés, changeons donc le texte que nous venons de voter, pas d’amour propre, très bien, si nous avons voté des bêtises, on ne s’excuse pas mais on les efface. Mais après le Sénat, dites-nous, aura-t-on le droit de revoir le texte, car tout de même nous représentons la Nation, ne l’oublions pas. Ah non, répond le gouvernement, assez perdu de temps, une lecture au Sénat et fissa, la loi est votée, ça suffit comme ça.

Au passage, mentionnons juste ceci : les médecins ne sont toujours pas contents des modifications apportées. La gouvernance de l’hôpital leur paraît toujours trop déséquilibrée au profit du directeur, au détriment de la médecine. Le gouvernement répond pourtant qu’il ne changera plus rien à son texte. A ce propos, ne jurons de rien, attendons.

Que conclure de ce galimatias ? Il faut évidemment être très fort pour finir par n’être compris de personne et fâché avec tout le monde. Mais il y a plus, et mieux, dans cet épisode. Il y a la démonstration de la fausseté de cet argument perpétuel de la sphère politique en faveur du cumul des mandats. Le cumul, nous répète-t-on à longueur de temps, permet au législateur et plus largement aux responsables politiques de demeurer les pieds sur terre, au contact du terrain, donc toujours proche de la société et de ses problèmes.

Le texte sur l’hôpital prouve largement l’inverse. Ni le président, ni le gouvernement, ni les députés, n’ont anticipé les difficultés avec le corps médical. Le cas des députés est intéressant car en temps que maires, souvent, ils président le conseil d’administration de leurs hôpitaux. Malgré cela, ils semblent bien avoir voté le texte proposé par le gouvernement en méconnaissance de cause. C’est, semble-t-il, le cas aussi avec le texte sur les Universités, et pour une large part encore à propos du téléchargement illégal.

On peut imaginer, à l’inverse, des parlementaires pleinement investis dans leur mandat qui auraient mieux étudié le texte en commission, auditionné des praticiens, cherché à se faire une opinion par eux mêmes, et qui auraient ainsi pu alerter le gouvernement. Là, on le voit, les choses se sont passées très différemment. Le texte est le produit d’une démarche administrative probablement rationnelle, soucieuse de traduire dans la loi l’intuition présidentielle, « il faut un patron à l’hôpital ». La ministre qui porte ensuite ce projet l’impose à des députés occupés ailleurs, donc distraits. Et nous arrivons, au bout du chemin, à une somme de désordres et de malentendus qui ne sont que la traduction de la médiocrité de la gouvernance française.

Jean-Michel Aphatie

 

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