Jean-Michel Aphatie ne
décolère pas
Jean-Michel Aphatie est de nouveau très en colère : contre l’invitation de
Kadhafi en France, contre l’augmentation envisagée du nombre de nos députés,
contre le cumul des mandats et l’irresponsabilité qui en découle, contre les
journalistes qui acceptent des médailles en chocolat … Bref, ça barde ! Et
maintenant chiche qu’il le dise à l’antenne de RTL !
Nous publions ci-après les réflexions de Jean-Michel Aphatie sur son blog
(https://blogs.rtl.fr/aphatie/) à la date du 7 décembre 2007.
Morale râle, éthique tique
Visiteur. A partir de lundi, la République française, celle des
Droits de l'Homme et de la Révolution, l'unique et grande Révolution,
déroulera le tapis rouge pour le colonel Mouammar Kadhafi, chef de l'État
libyen depuis 1970, longtemps chef d'orchestre du terrorisme, certains s'en
souviennent encore dans leurs chairs, responsable récemment des tortures
subies dans ses geôles par les infirmières bulgares. Cette carte de visite
aurait dû suffire à rendre la visite impossible. Normaliser les relations
avec l'État libyen est une chose, recevoir son chef en grande pompe en est
une autre. Le programme de la visite, encore flou, encore imprécis, fait
frémir. Mouammar Kadhafi pourrait être accueilli à l'Assemblée nationale,
lieu symbolique entre tous de la démocratie. Inconcevable. Il aurait demandé
à aller se recueillir sur la tombe du général de Gaulle, à Colombey.
Inimaginable. Durant ces trois jours de visite, combien subirons-nous de
longues minutes de honte et de confusion ?
Colère. Invité de RTL, ce matin, à 7h50, Bernard-Henri Lévy a
stigmatisé assez violemment le projet de cette visite d'État. Dans son
raisonnement, il a pointé la distance qui existait entre les gestes et les
choix d'aujourd'hui, par rapport aux mots d'hier, aux mots du candidat
d'hier. Il faudra d'ailleurs, à partir de lundi, regarder attentivement la
scène diplomatique. Où sera Bernard Kouchner ? Participera-t-il à l'accueil
du Colonel Kadhafi, à l'aéroport ? Courtoisie et poignées de main ? Sourires
et parles de bienvenue? Et la secrétaire d'État aux
droits de l'Homme ? Quelle attitude adoptera-t-elle ? De quels poids
pèseront les pensées issues de la conscience face aux obligations liées à la
charge ? Chaque être humain est responsable des réponses qu'il apporte parce
qu'il est libre des réponses qu'il choisit.
Diplomate. Le conseiller de l'Élysée, Jean-David Lévitte, a été
auditionné la semaine dernière par la commission de l'Assemblée nationale
qui enquête sur la libération des infirmières bulgares. Il a assuré que la
visite d'État du colonel Kadhafi n'avait pas été négociée lors de cette
libération. Puis il a ajouté ceci: "Il n'y a aucune raison de ne pas
recevoir à Paris un chef de l'État quia renoncé aux armes de destruction
massive, au terrorisme, et qui, sur le plan des droits de l'Homme, a certes
un long chemin à parcourir mais qui a la volonté de parcourir ce chemin." Il
faut saluer ici le professionnalisme de ce grand diplomate. Sa longue phrase
induit qu'il est un dictateur mais assure, sur des bases connues de lui
seul, qu'il veut cesser de l'être. Ne vaudrait-il donc pas mieux que la
République française attende qu'il cesse de l'être avant de le recevoir ?
Proportionnelle. C'est le jour, la morale défaille à tous les étages.
Le Figaro rapporte que finalement Nicolas Sarkozy pourrait accepter
d'introduire un peu de proportionnelle pour désigner les députés de la
prochaine Assemblée nationale, normalement en 2012. Les experts qui
planchent sur le sujet dans les cercles du pouvoir précisent au quotidien
que dans ce cas, et pour éviter de se lancer dans une opération complexe de
redécoupage des circonscriptions, le nombre de députés pourrait être
augmenté et non pas diminué. "Après tout, écrit Le Figaro, en Grande
Bretagne, pays comparable à la France, il y a 659 élus à la Chambre des
communes, explique un expert électoral." Formidable ! Voilà donc que l'on
commence à rôder les arguments qui pourraient faire passer la pilule.
Augmenter le nombre de députés dans un pays, ou de l'aveu même de quelqu'un
qui sait de quoi il parle, il n'y a plus d'argent dans les caisses ? Rigolo,
non. Tant qu'on y est, en termes de comparaison internationale, chacun prend
celle qui l'arrange. Personnellement, je choisirai les États-Unis, 100
sénateurs quand nous en avons plus de 300, dont plus de 200 qui dorment, et
environ 300 "représentants", quand nous avons déjà 577 députés. Le tout pour
une population quatre fois supérieure là bas par rapport à ici. Au fait,
tiens, combien de députés dans l'admirable démocratie
lybienne?
Emploi du temps. Lu dans Le Parisien, cette fois, sous le titre: "Estrosi
veut changer de ministère". Actuellement, Christian Estrosi est secrétaire
d'État à l'Outre-mer, ce qui, dit-il, l'oblige à beaucoup de déplacements.
Alors, il changerait bien de ministère, prendrait volontiers la Santé, ou le
Développement durable, s'il était élu en mars maire de Nice. Mais comme il
dit, c'est le président qui décide. Extraordinaire! Pour pouvoir mieux
cumuler, changeons donc de ministère. La Santé et la mairie de Nice, voilà
qui est compatible. La Santé deux tiers de temps, la mairie le reste. Ce
n'est pas si important que cela, la Santé, dans un pays développé de
soixante millions d'individus. Fastoche comme ministère. Le sang contaminé,
la canicule, c'est une fois tous les dix ans, faut ne pas exagérer quand
même. En écrivant cela, tiens, je me souviens. L'enquête sur le scandale du
sang contaminé avait établie que le secrétaire d'État à la Santé de
l'époque, Edmond Hervé, était accaparé par la mairie de Rennes et déléguait
beaucoup à son administration pour la gestion du ministère. Des dizaines de
milliers de personnes ont été infectées dans des conditions scandaleuses et
finalement, la leçon de tout cela, c'est qu'un ministre peut continuer à
cumuler des tâches, des fonctions, des honneurs. Pourquoi donc, mais
pourquoi donc, les citoyens français acceptent-ils ce type de comportements
? Maire de Nice, c'est du 100%. Du 120%. Il y en a du travail. Si Christian
Estrosi se dévoue pour Nice, chapeau, on le remplacera au gouvernement. Un
peu de morale, que diable! On n'est pas en Libye, quand même.
Hochet. Vu dans le journal de France 2, hier soir. Images à l'appui,
David Pujadas raconte que Véronique de Saint Olive, journaliste au service
politique de la chaîne publique, a reçu je ne sais quelle médaille en
chocolat de la Légion d'honneur. Et sur les images, on voit Jacques Chirac
accrocher au revers du tailleur de la journaliste les insignes de la
médaille en chocolat. Une bise, la cérémonie se déroule au Conseil
constitutionnel, bravo Véronique, félicitations, David Pujadas a l'air
presque ému. Quand donc une loi interdira-t-elle aux journalistes d'accepter
des médailles, des rosettes, des hochets et des sucettes ? Quand ? Quand
Christian Estrosi ne sera plus ministre, peut-être…
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