Un jour nous paierons la note, et
nous la paierons cher !
Tout à l’heure, à midi, le président de la République annoncera un plan de
relance pour l’économie française. Les mots disent bien la situation : s’il
faut relancer, c’est parce que nous sommes proches de la panne. Ne rien
faire serait coupable. Il faut donc relancer. Et relancer comment, s’il vous
plaît, quand on n’a pas d’argent ? En s’endettant. Pas moyen de faire
autrement. Donc, il faut le faire. Et comment rembourserons-nous ? Voilà
bien une question déplacée, qu’il est inutile, voire saugrenu, de poser.
Il y a longtemps, si longtemps, la politique était définie par la phrase
suivante : gouverner, c’est prévoir. Les gouvernants sont incapables
aujourd’hui, et on ne peut pas vraiment leur en vouloir, de prévoir. Ce qui
est une autre manière de dire que nous ne sommes pas gouvernés mais
ballottés par des évènements qui nous dépassent.
Au fond de l’action publique, il y a un état d’esprit qui la guide, la
sincérité ou l’insincérité. Quand l’Etat français, constamment, depuis
trente ans, a dépensé davantage qu’il n’a gagné, avec pourtant un niveau
élevé de fiscalité, il s’est, en fait, enfoncé dans l’insincérité. Il l’a
fait avec notre accord, celui des citoyens, accord tacite, accord implicite,
mais aussi accord formel car plusieurs fois, au carrefour de l’histoire, le
suffrage universel a désavoué les rares personnalités qui tentaient de
s’approcher de la sincérité.
Les déficits publics ne sont pas un concept. Ils sont une philosophie du
renoncement et de la démission, expression de la peur et du refus des
épreuves. Ils ont été, en France, le choix politique de la communauté pour
régler les problèmes immenses que posaient aux économies occidentales les
chocs pétroliers des années soixante-dix. C’est à ce moment là que le
mensonge s’est installé.
L’histoire n’est pas pressée. Seulement un jour, elle règle les comptes. La
crise actuelle, plus grave dans son intensité que celle provoquée par les
chocs évoqués, nous trouve démunis et fragilisés. Nous emprunterons encore
pour tenter de passer le cap, nous creuserons encore des trous déjà béants.
Mais nous savons déjà, ou nous devons savoir, qu’un jour nous paierons la
note, et nous la paierons cher. C’est le lot, inévitable, des peuples qui ne
sont pas gouvernés.
Jean-Michel Aphatie
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