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3/6/09 | Jean-Michel Aphatie |
Européennes : sur un
air de
mandolines ! Voilà donc des semaines que le débat européen est engagé dans l’ensemble des pays composant la Communauté, et donc aussi en France. Parlons des projets, et de l’Europe. Quelle idée neuve, originale, forte, a marqué l’opinion publique ? Quelqu’un a-t-il la réponse à cette question ? Quelle proposition précise, concrète, s’est imposée dans le débat ? Qui l’a remarquée ? Quel mot d’ordre, quel slogan s’est -il détaché dans le flot des meetings, prises de parole, émissions ? L’un de vous l’a-t-il entendu ? Certes, des propositions sont faites. Défendre les services publics en Europe, disent les socialistes. Pourquoi pas, bien sûr, oui. Une politique de grands travaux. Ah tiens, oui, cela fait vingt ans que l’on en parle. Un grand emprunt européen. Les socialistes, Michel Barnier le Modem y sont favorables. Après avoir endetté les Etats, endettons l’Europe. Pas mal comme idée, et consensuelle en plus. D’autres choses sont dites ici ou là, en fonction des sensibilités, créer des emplois verts en Europe, par exemple, dix millions d’emplois lit-on même dans une estimation généreuse, regrouper des budgets nationaux dans tel ou tel domaine, définir et appliquer une préférence communautaire, d’autres choses encore, interdire les licenciements, limiter les hauts salaires, etc., etc. Qu’est-ce qui cloche, quand on entend tout cela ? Le manque de crédibilité. Intuitivement, ou de manière plus raisonnée, on comprend bien que ces propositions n’engagent personne. Elles sont trop vagues, trop générales, trop convenues, déjà mille fois entendues, pour que l’attention et l’esprit se fixent sur elles. Et puis, ces généralités-là sont le fait de candidats français à des fonctions qui ne leur permettront pas de mettre en oeuvre un programme. Ceux des électeurs qui connaissent bien les institutions européennes - ils ne doivent pas être les plus nombreux - savent que les députés français se fondront dans un ensemble plus vaste. Ils savent aussi que leur activité législative sera à la fois le produit d’un consensus encore à définir entre eux, et lié aussi aux propositions de la Commission et du Conseil européen. Dans ces conditions, un programme de candidat à la fonction de député européen n’a pas grand sens. Il embraye sur le vide, et cela, chacun le sait ou le sent. D’où l’absence d’intérêt spontané, d’où l’absence de débat qui renforce l’absence d’intérêt, d’où la prévision massive d’abstention. D’où, également, le repli sur les débats nationaux et les polémiques de l’actualité. Pour être équitable, il faut ajouter que le constat de l’artificialité du débat européen concerne l’ensemble des pays de l’Union, d’où la prévision d’une abstention massive le 7 juin. La France, hélas, n’est pas dans cette affaire qu’une mauvaise élève. Il s’agit plutôt d’une application maladroite d’un principe démocratique, l’élection du parlement au suffrage universel, à une réalité qui ne correspond pas à cet état démocratique. L’ennui, c’est que c’est l’idée européenne, et la légitimité de sa construction, qui s’en trouvent atteintes. Revenons tout de même au théâtre français. Si les idées et les projets ne passionnent guère les foules, cela pourrait être compensé par la force, le charisme, le talent des candidats. Franchement, nous en sommes loin. Les trois partis classés en tête dans les sondages ne présentent au suffrage que des seconds et troisièmes couteaux, ou bien des éclopés de l’action gouvernementale, ou encore des recalés des diverses élections nationales. Pas un chef de parti, pas une personnalité légitimée par son action publique précédente, ne postulent à la députation européenne. Mieux, ou pire. Jacques Toubon pour l’UMP, Gilles Savary pour le PS, Jean-Louis Bourlanges pour le Modem, possédaient tous trois une expertise européenne réelle et reconnue. Les deux premiers ont été écartés des listes de leur parti pour d’obscures raisons liées à la logique des appareils politiques. Le troisième s’est lassé du peu d’intérêt de son parti pour son travail. Au total, le personnel présent dans cette élection paraît fade et de peu d’intérêt pour l’opinion publique. Et quand au déficit des programmes s’ajoute la faiblesse du facteur humain, on comprend que le rendez-vous électoral n’électrise pas les foules. Jean-Michel Aphatie
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