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29/4/09 | Jean-Michel Aphatie |
Un manque de discernement accablant Si la grippe porcine, pardon mexicaine, pardon nouvelle, ne nous tue pas tous, en tout cas nous, Français, nous sommes super bien préparés, les masques, le tamiflu, tout ça, donc il faudra qu’elle soit super forte la grippe porco-mexicano-nouvelle pour nous tuer tous, nous les Français, il nous restera un big problème à régler, celui des finances publiques. Pourquoi j’en parle encore ? Un, parce que j’en ai envie. Deux, parce que je sais que cela en énerve deux ou trois. Trois, parce que je suis convaincu que c’est un débat pour demain. Quatre, parce qu’en fait ce débat se déroule déjà aujourd’hui, mais de manière feutrée, parfois incohérente, et toujours instructive. Depuis hier, dans les différents journaux, on peut lire ces recommandations de l’OCDE (Organisation de coopération de développement économique). Pour l’essentiel, ceci : « Dès que la reprise économique sera engagée, il sera urgent de mettre en application », en France, « un programme de réduction du déficit public. » Pourquoi ? Parce que ce déficit public, selon l’organisation, fait peser de telles charges sociales et fiscales sur les acteurs de l’économie que sa bonne marche s’en trouve considérablement entravée, tant sur le plan de la consommation à l’intérieur, que sur celui des exportations à l’extérieur. En clair, l’OCDE explique que l’économie française est en train de piquer sacrément du nez et que si rien ne peut être fait pendant la crise, beaucoup doit être fait après. Comment faire ? Bonne fille, l’OCDE fournit un début de solution. Surtout, lit-on dans ses recommandations, ne pas augmenter les impôts. Non, ce qu’il faut, c’est réduire les dépenses, celles de l’Etat, celles des collectivités territoriales, celles de la Sécurité sociale, précise-t-elle. C’est justement ce que disait aussi le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, hier, dans le journal Les Echos. « Le stock de la dette est abyssal, assurait-il, mais augmenter les impôts casse la croissance (...) On peut l’éviter si nous avons le courage, après la crise, de baisser de manière drastique les dépenses publiques inutiles et de rechercher de nouvelles voies pour alimenter la croissance. » Le propos est intéressant pour au moins deux raisons. Il montre d’abord que le débat est ouvert, que la réflexion est engagée et que nous n’échapperons, quel que soit son nom de baptême, à une rigueur politique dans la gestion de la dépense publique. Le deuxième enseignement contenu dans ces propos se dégage des mots employés. « Baisser de manière drastique les dépenses publiques inutiles » relève du non sens. Si les dépenses sont inutiles, il faut les supprimer, tout simplement. En fait, l’idée que veut faire passer Jean-François Copé est différente, mais il n’ose pas la formuler simplement. Son idée est la suivante : si l’on veut réduire les déficits sans augmenter les impôts, il faut baisser les dépenses, point, pas les dépenses inutiles, mais les dépenses. Seulement, le dire aussi simplement est impossible. C’est un chiffon rouge. Alors, il faut habiller le propos d’adjectifs inutiles, en parlant justement de dépenses « inutiles ». Prolongeons le raisonnement un instant. Est-il possible de résoudre le problème du déficit annuel, qui n’est pas celui de la dette, seulement en coupant dans les dépenses ? Rappelons que le déficit annuel navigue dans une fourchette qui va de trente milliards d’euros à cinquante milliards d’euros selon les hypothèses de faible ou de moins faible croissance. La fameuse RGPP, Revue générale des politiques publiques, a pu dégager jusqu’ici des économies potentielles, et non réalisées, de 5 à 7 milliards d’euros. C’est dire que pour résoudre le problème qui nous est posé, et sur lequel l’OCDE attire justement notre attention, il faudra couper les dépenses inutiles, les dépenses utiles, et même au-delà si l’on ne veut pas vivre un déclin rapide et dangereux de l’économie française. Ecrire cela, ce n’est pas jouer au noir corbeau. C’est juste synthétiser en quelques mots l’ensemble des alertes qui nous sont adressées ou qui sont perceptibles à propos d’un défi qui engage notre avenir. Saurons-nous le voir ? Sans doute pas. Alors même que le déficit est un problème, l’Etat, en son sommet, vient de décider de sacrifier trois milliards de recettes en baissant la TVA de la restauration, sans avoir aucun moyen de vérifier que les bénéficiaires de la mesure n’en garderont pas le produit pour eux. Ce gaspillage à ciel ouvert est glaçant et consternant. Exactement ce qu’il ne faudrait pas faire en prévision de l’immense chantier que nous aurons à traiter bientôt. Que faire, sinon écrire l’accablement, et aussi l’étonnement devant ce manque de discernement? Jean-Michel Aphatie |