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6/10/09 Jean-Michel Aphatie

De l’art de mentir aux citoyens !

Quelques papiers dans la presse du jour signalent le début de divorce qui existe entre l’administration Obama et l’état-major de l’armée américaine. L’objet de la querelle ? L’Afghanistan. Le propos est classique. Aucun pays, démocratique ou pas, ne peut soutenir une guerre longue au point d’en paraître interminable. Les buts du conflit échappent au fil du temps à la population comme aux dirigeants. Et chaque mort enregistrée dans ces opérations lointaines ravive le désir d’en sortir.

Le débat américain est simple. Les militaires disent que s’il faut rester - ils y sont prêts - il faut des troupes. Les décideurs politiques ont une autre vision du problème. Ils savent que partir est impossible, sauf à livrer cette région du monde, Afghanistan et Pakistan nucléaire mêlés, à l'extrémisme religieux. Mais le prix à payer pour rester semble déjà très élevé, d’autant que ni l’issue ni le terme n’apparaissent clairement. Alors, décider d’accroître encore l’effort militaire paraît difficile à Barack Obama qui hésite, tergiverse, lambine, au risque de se couper avec l’institution cardinale de l’Etat qu’il dirige.

Dans le cas présent, la situation est doublement intéressante. Candidat à la présidence des Etats-Unis, Barack Obama opposait volontiers l’Irak à l’Afghanistan. Quittons rapidement le premier pays cité, disait-il, puisque nous n’aurions jamais dû y aller. Et concentrons l’effort sur le second où se trouve le foyer purulent qui menace l’Amérique et l’Occident.

Comme toujours, le discours de campagne, construit en l’occurrence comme un négatif de l’action de George Bush, ce qui n’était ni sot ni injustifié, résiste malgré tout assez mal à la réalité du pouvoir. L’Afghanistan semble être un puits sans fond où pourraient s’engloutir des armées entières sans que rien ne change vraiment. Et l’on peut comprendre les militaires qui aimeraient des précisions stratégiques avant d’y envoyer mourir des soldats. Or, pour l’instant, Barack Obama peine à définir les buts qu’il poursuit. Et ce chancellement de la grande puissance devrait nous intéresser davantage qu’il ne le fait, car il nous concerne plus que nous le pensons.

Malgré tout ce qui précède, l’info du jour est peut-être ailleurs. Le Figaro publie dans sa dernière page un indiscret qui est davantage une déception qu’une surprise. Son titre : « DSK moins optimiste en privé qu’en public. » Quant au texte, le voici:

« Lors du dîner des banquiers français, en marge de l’assemblée annuelle du FMI, Dominique Strauss-Kahn a insisté sur la fragilité de la reprise mondiale. Elle sera cahoteuse, à un rythme inférieur à ce qu’elle était avant la crise, a-t-il dit à Istanbul. Il a mis en avant les pertes d’emplois et d’équipements industriels qui vont sensiblement amputer la «croissance potentielle» des pays européens et des États-Unis. L’auditoire, moins optimiste en privé qu’en public, réunissait autour de Christine Lagarde, notamment François Pérol, Frédéric Oudéa et Michel Pébereau. »

Cela, bien sûr, nous ne le découvrons pas. Les usines qui ferment et les emplois qui disparaissent nous feront défaut pour longtemps. A l’occasion de la crise, le monde bascule, et c’est le leadership de l’Occident, vieux de cinq siècles mais qui ne peut pas être éternel, qui se trouve questionné.

D’où vient alors l’amertume à la lecture de cet écho ? Evidemment de l’écart entre le discours public et les propos privés. Que les deux ne coïncident pas parfaitement, on peut le comprendre. Qu’en revanche, l’éloignement soit tel qu’on en arrive au constat d’un double discours est plus décevant. S’approcher de la vérité, à défaut de la dire tout à fait, relève de la responsabilité publique. Comment susciter, sinon, une confiance durable auprès des citoyens ?

Il faudra longtemps dénoncer, pour nous en débarrasser, cette pente naturelle de la culture française qui conduit la politique et les décideurs à nier les réalités, à les recouvrir de discours volontaristes et optimistes, et à évacuer ainsi, peu à peu ou tout d’un coup, la sincérité pourtant indispensable à l’acceptation des difficultés et à l’adhésion aux solutions censées les résoudre. Cette mauvaise culture, aux manifestations multiples, est un frein, un blocage, une souffrance. Il nous reste à en prendre conscience pour espérer, un jour, nous en extraire.

Jean-Michel Aphatie

 

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