www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

16/3/09 Jean-Michel Aphatie
     Le miraculé du procès Colonna

Un mot sur le procès d’Yvan Colonna où se joue, répétons-le, une certaine conception de la justice dans la république française. Vendredi, un policier se trouvait à la barre. Il s’agissait de Georges Lebbos, acteur important de la procédure puisque c’est lui qui, en 1999, dans des conditions dénoncées plus tard par la défense d’Yvan Colonna, a recueilli les aveux de l’un des membres du commando assurant que le berger en cavale était le tueur du préfet.

Un miraculé, ce Georges Lebbos. En effet, le 4 février, soit cinq jours avant l’ouverture du procès en appel, le président de la cour d’assises spéciale, Didier Wacogne, reçoit un certificat médical. Georges Lebbos, selon ce document, est gravement dépressif, il ne pourra pas comparaître, impossible, il ne tiendrait pas le coup, son témoignage n’aurait aucune valeur, aucun sens. Plutôt que d’en informer la défense, qui faisait de cette audition l’un des temps forts de son travail, le président Wacogne garde secrète cette information et ne divulguera l’existence de ce certificat que le 23 février. La partialité de l’attitude créera un incident d’audience mémorable.

Les jours passant, le procès s’enfonce dans la confusion, jusqu’au coup d’éclat qui voit Yvan Colonna quitter son propre procès et congédier ses avocats. Et brusquement, c’est à ce moment-là que réapparaît Georges Lebbos. Le Parisien de samedi le décrit « en pleine forme lorsqu’il s’approche de la barre ». Envolée la dépression, mais envolés aussi les avocats de la défense qui auraient pu le cuisiner.

Cet épisode pose plusieurs questions qui, jusqu’à présent, ne le sont pas. Quel est donc ce médecin qui soit fait un certificat de complaisance pour éviter à quelqu’un un témoignage en cour d’assises, soit un diagnostic totalement défaillant ? Quelqu’un, au sein d’une justice ainsi bafouée, cherchera-t-il à éclaircir ce point qui n’est pas mince ? Disons que pour l’instant, personne ne semble y penser.

Georges Lebbos est donc policier. Est-il digne de quelqu’un qui appartient à une institution aussi prestigieuse de chercher à se dérober à son devoir ? Est-il admissible qu’un fonctionnaire au service du public puisse imaginer se soustraire à la justice ? Quelqu’un envisage-t-il de sanctionner, ou bien de rappeler à l’ordre, ce fonctionnaire qui semble faire peu de cas de ses obligations ? A priori, non, personne n’y songe.
Et que dire de la justice et de ses serviteurs ainsi bafoués, moqués, roulés dans la farine ? Ne se trouve-t-il pas un magistrat, au procès ou ailleurs, pour stigmatiser de tels comportements ? La ministre de la Justice n’a-t-elle rien à dire sur un épisode aussi consternant ?

C’est cela qui trouble au procès d’Yvan Colonna. Que ce dernier soit condamné s’il le mérite, si sa participation au crime est prouvée, soit. Que la justice fasse son travail, car un homme est mort et cela ne doit pas rester impuni. Mais s’il apparaît que les pouvoirs et les institutions se liguent pour faire apparaître une vérité qui n’est qu’une commodité, un arrangement qui camoufle les fautes et évite les humiliations, alors les citoyens ne doivent pas accepter cette conception de la justice qui déshonore la République et souille la citoyenneté.

Pour l’instant, ce procès a révélé trop de travers, trop de partialité, trop d’arrangements avec la sincérité, pour que l’on se satisfasse du spectacle donné par la justice française. Et au passage, ce qui trouble aussi, c’est le consternant silence du commentaire, de la politique, de l’observation. Faut-il donc pour la stabilité de la République que l’accusé désigné soit à tout prix coupable ? Si c’est le cas, qu’on nous le dise. Tout sera alors plus simple.

Jean-Michel Aphatie

 

Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme