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9/10/09 Jean-Michel Aphatie
    Frédéric Mitterrand : une bombe                politique dégoupillée !

Sur le plateau de TF1, Frédéric Mitterrand a été triste, émouvant, convaincant. Jamais, a-t-il dit, il n’a fait l’apologie du tourisme sexuel qui, a-t-il précisé, est une « honte ». Mais oui, a-t-il confirmé, il a lui-même pratiqué le tourisme sexuel et s’est rendu en Thaïlande pour y rencontrer des hommes contre de l’argent.

La question purement politique est donc celle-ci ce matin: un homme qui a pratiqué le tourisme sexuel peut-il siéger au sein d’un gouvernement qui le combat ? On peut répondre oui, notamment au motif qu’une pratique ancienne n’a pas à être reprochée aujourd’hui à un homme qui s’est amendé. On peut répondre non, en estimant que la contradiction est suffisamment lourde pour risquer d’entraver l’action gouvernementale.

Comment celle-ci peut-elle être entravée ? De plusieurs manières. La première est la plus cocasse : de manière imprévisible. L’histoire de l’affaire « Mitterrand » étant désormais écrite et connue de tous, elle peut ressurgir dans une circonstance et dans des conditions qu’il est impossible de décrire à cet instant. En clair, Frédéric Mitterrand a quelque chose d’une bombe politique dégoupillée, susceptible d’exploser n’importe quand.

On peut d’autre part, si l’on veut jouer aux prévisionnistes, imaginer les réactions des députés UMP, mardi matin, lors de la réunion hebdomadaire de leur groupe, les oreilles encore saturées des récriminations de la partie la plus conservatrice de leur électorat, entendues le week-end dans leur circonscription. Exemple : « Qu’est que c’est que ce bordel à Paris ? » « Mais pourquoi Sarkozy s’embête-t-il avec ce Mitterrand ? » On en passe, et certainement de plus graveleuses, voire de plus insultantes, voire de plus insupportables. La restitution de ces critiques risque d’être sportive mardi. Autrement dit, Frédéric Mitterrand est devenu un facteur de désordre politique.

Cette affaire de « la mauvaise vie » enfin prend sa source dans une autre affaire, dite Polanski. La réaction immédiate et disproportionnée du ministre de la Culture l’avait affaibli en érodant la confiance que doit préserver tout responsable politique. La polémique qui s’est greffée ensuite sur son livre le laisse exsangue et démuni d’autorité.

Il est à peine exagéré de dire que nous n’avons plus de ministre de la Culture en France. Comme il est à peine exagéré d’écrire que sa seule présence dans l’équipe peut compliquer, à l’occasion, l’action d’autres ministres. Un exemple. Imagine-t-on le ministère du Tourisme lancer désormais une campagne contre le tourisme sexuel ? Les ricanements susceptibles d’accompagner la promotion de l’initiative risque fort de ridiculiser leurs auteurs.

Dans ces conditions, maintenir Frédéric Mitterrand relève de l’abnégation chez Nicolas Sarkozy. Certes, quand on dirige un Etat, que donc on dispose d’un considérable pouvoir et que l’on est habitué à vive dans un environnement de célébration de son génie, se déjuger et sembler reconnaître une erreur n’est pas facile. Donc, on maintient, et on se rassure à bon compte en assurant qu’il faut tenir tête à la meute, car dans ce cas-là on ressort le vocabulaire de la chasse, et on se dit que la dénonciation des attaques efface les ravages dans l’électorat. C’est faux, bien sûr. Mais il s’agit là d’un mécanisme de protection des dirigeants par la pensée magique qui, le plus généralement, ne fait que retarder le moment des décisions pénibles.

Jean-Michel Aphatie

 

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