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5/5/09 Jean-Michel Aphatie
 Le naufrage de l’Université française

La crise universitaire est déroutante. Par ses formes, d’abord. Combien d’universités françaises sont-elles réellement en situation de blocage ou de conflit ? Et à l’intérieur même de ces universités, ceux qui y mènent des actions sont-ils représentatifs de la communauté des professeurs, ou des étudiants ? Ou s’agit-il seulement de meneurs minoritaires, qui profitent de la passivité de leurs collègues ?

Et sur le fond, quels sont les problèmes, les revendications, les espoirs ? Généralement, ceux qui s’expriment dans ce mouvement affichent leur hostilité à l’autonomie décidée par une loi récente. Mais quoi exactement dans l’autonomie ? Qui peut le dire ? En application de ce statut d’autonomie, un décret récent sur les conditions d’enseignement et de recherche vient d’être pris en Conseil des ministres. Ce décret-là aussi, malgré une réécriture profonde, semble encore poser problème. De quelle nature ? Et d’une telle gravité qu’aucun accommodement, aucun compromis ne soit possible ?

Bien sûr, des réponses existent à ces questions. Nous en avons tous entendu. Mais elles se situent le plus souvent à un tel niveau de généralités qu’on ne les retient pas et qu’on se perd ainsi dans un conflit dont on ne comprend ni la logique, ni le déroulement. Seule surnage l’idée que les diplômes qui seront délivrés cette année dans certaines disciplines n’auront que peu ou pas de valeur. Ce n’est pas en quinze jours que se rattrapent trois mois de cours et d’exercices. Un constat qui rajoute au malaise tant tout paraît irréel, récriminations des grévistes et discours ministériels mêlés.

Voyez d’ailleurs comme tout est opaque. Cette grève et ces blocages n’ont ni visages, ni leaders. Pas une figure ne s’impose dans le débat. Situation anormale, aussi rare qu’étrange. Du coup, les interrogations fleurissent, que Le Figaro de ce matin synthétise de manière affirmative sur sa Une : « Universités, comment l’extrême gauche impose le blocage ».

On peut toujours jouer à se faire peur. L’extrême gauche, mon Dieu, une vieille connaissance dans ce pays, unique en son genre sur la planète, où trois candidats trotskistes se présentent à chaque élection présidentielle et où l’opposant réputé le plus populaire du moment se rattache aussi au vieux Léon. Est-il pour autant crédible de penser que cette extrême gauche est responsable du désordre dans les facultés françaises?  

A défaut d’être juste, l’idée qu’il existe un chef d’orchestre clandestin est rassurante. Au moins, il y a un chef d’orchestre. En réalité, il ne doit pas y en avoir. Cette grève apparaît plutôt comme le long aboutissement de frustrations et d’amertumes diverses, qui ont macéré dans ce lieu clos et préservé qu’est l’université, lieu de savoir bien sûr, mais lieu hors du monde, souvent moche parce que désargenté, amphis combles, salles vétustes, salaires ordinaires, conditions précaires. Ni la foi, ni la flamme, ne s’entretiennent avec des bouts de ficelles. Voilà sans doute le message de ce long mouvement triste qui peut s’observer davantage comme l’expression d’une dépression collective que d’une entreprise festive.

Jean-Michel Aphatie

 

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