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21/4/09 Jean-Michel Aphatie
    La crise rend impossible le financement de la                            protection sociale

Prévoir n’est pas une science, mais une obligation. L’activité économique qui découle de l’action de millions d’intervenants n’est certes pas facile à réduire à un chiffre de croissance ou de décroissance. Mais il faut bien tenter de se repérer dans la brume et c’est en cela que le travail des organismes spécialisés, FMI, OCDE, OFCE, est utile au débat public.

Aujourd’hui, tous les chiffres convergent. Sur les bases d’activités constatées au cours d’un détestable quatrième trimestre 2008 et d’un exécrable premier trimestre 2009, les conjoncturistes prévoient, avec toutes les précautions d’usage, une horrible année 2009, encore plus horrible que celle qu’ils avaient déjà prévue. En chiffres, le charabia donne ceci. En Allemagne, par exemple, la prévision d’activité élaborée au début de 2009 établissait un recul du PIB de 2,5 %. Révisée à la faveur des derniers indices disponibles, elle s’établit désormais à – 4,5 %, voire 5 % selon les calculs du FMI. Les autorités allemandes ont annoncé une révision de leur budget sur la base de ces dernières indications.

Qu’en est-il en France? Après avoir beaucoup tâtonné, quatre collectifs budgétaires témoignant de ces errements, le gouvernement a fait voter par le parlement un document prévoyant une perte de PIB de 1,5 %. Ce chiffre est loin du consensus des économistes, qui tablent eux sur 2,5 %, voire 3 % de recul du PIB. Invité ce matin de RTL, à 7h50, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a indiqué que, selon ses propres observations, les estimations des économistes devraient être prises en compte, ce qui devrait amener le gouvernement à des initiatives en ce sens.

En quoi cette demande est-elle légitime ? S’impose d’abord un principe, celui de la sincérité dans le débat public. Il est normal, en effet, de demander à ceux qui assument la charge de régler les problèmes de la communauté, et qui bénéficient pour cela des moyens de la puissance publique financés par l’impôt, de la transparence et de la vérité. Si la réalité de l’activité économique invalide les projections effectuées, alors celles-ci doivent être revues. Il ne sert à rien, à l’évidence, de situer l’action publique dans un cadre irréel. Il ne peut découler de cette situation qu’incompréhension et frustration au moment inévitable où la vérité des faits s’imposera.

De l’observation de ce principe découle une conséquence importante pour l’organisation du débat public. En effet, prendre en compte la réalité telle qu’elle est conduit à se poser les problèmes tels qu’ils se présentent. Moins d’activité prévisible, hélas, signifie davantage de chômage d’une part, et d’autre part de moindres rentrées fiscales pour les caisses de l’Etat, et sociales pour les organismes de solidarité. La crise, ressentie par chacun de manière différente, présente cette conséquence pour l’instant invisible et silencieuse d’un déséquilibre profond du pacte social qui structure la Nation depuis des décennies. La situation, telle que nous la vivons aujourd’hui, rend impossible à financer la protection sociale et les régimes de retraites qui assurent la solidarité des Français face à la maladie ou au vieillissement.

Des dispositions doivent être prises, plus ou moins rapidement, mais leur éventualité pèse déjà sur la confection du budget 2010, et modifie les conditions dans lesquelles se présentera la reprise économique annoncée pour le début de l’année prochaine, ce cycle de dépression et de reprise potentielle très rapprochée témoignant d’ailleurs de la singularité de la crise actuelle, notable au fond par la violence des mouvements qui la caractérise.

Prendre en compte la réalité de la situation, s’astreindre à un discours de vérité, constitue le seul moyen d’installer la confiance entre les citoyens et leurs représentants, et d’éviter ainsi que la difficulté des temps ne dégénère en crise sociale, révolte ou révolution, que certains, parfois totalement improbables, paraissent appeler de leurs voeux, sans paraître toujours mesurer ce que recouvrent ces mots si complaisamment utilisés.

Jean-Michel Aphatie
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