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16/1/09 Jean-Michel Aphatie
 Remaniement : l’écologie n’est plus une priorité

L’évènement du remaniement gouvernemental ? Dans le détail, parce que le diable s’y niche.

Hier matin, Nathalie Kosciusko-Morizet est devenue secrétaire d’Etat à l’économie numérique, c’est à dire à pas grand chose, au sens où l’action politique à ce poste est réduite à la place que veut bien vous laisser le ministre de l’Economie. En revanche, pour prendre son poste à trois sous, Nathalie Kosciusko-Morizet a dû quitter une fonction essentielle, stratégique, fondamentale, celle de secrétaire d’Etat à l’Ecologie qu’elle occupait auprès de Jean-Louis Borloo dont le titre à rallonge est : ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Il n’y a aucune ironie dans ces lignes. Quand il s’installe, en mai 2007, le nouveau pouvoir fait de l’écologie l’alpha et l’oméga de son action politique. Deux preuves. Le ministre de l’écologie sera ministre d’Etat, avec un portefeuille à tiroirs et bretelles, confié initialement à Alain Juppé qui y croit, puis très vite à Jean-Louis Borloo qui savait à peine ce qu’était un arbre. Deuxième preuve, l’immense chantier du Grenelle de l’environnement, qu’est-ce qu’on nous a bassiné avec ça, une négociation majeure, historique et tralala, qui débouché sur des engagements majeurs et historiques et tralala.
Pour faire ce travail, justement, Nathalie Kosciusko-Morizet a été nommée secrétaire d’Etat à l’Ecologie pour cette raison simple qu’elle a consacré une large partie de sa vie politique à étudier ces dossiers. Tous les acteurs du fameux Grenelle ont témoigné de son intérêt et de son implication dans les négociations, de sa connaissance des enjeux et de la finesse de son analyse. Architecte et mémoire de ce chantier, il aurait été juste et cohérent qu’elle demeure en poste pour poursuivre une action qui ne fait que commencer.

On le sait depuis longtemps, la politique et la cohérence sont deux choses incompatibles. Ou plutôt, la politique n’a de constance que dans l’inconstance. Quelqu’un a-t-il noté combien le plan de relance oublie, néglige et bafoue les conclusions du Grenelle de l’environnement ? Quelqu’un a-t-il relevé comment un dispositif lié, nous a-t-on dit, à la survie de l’espèce, rien que ça, est occulté par une crise somme toute conjoncturelle ? Relance de l’automobile, construction d’autoroutes, renforcement du tissu industriel, primauté du nucléaire : dans les milliards que nous n’avons pas et que notre président sort de son chapeau comme un magicien des foulards, il n’y a pas grand chose, sinon rien, d’écologique. D’ailleurs, chacun peut constater que Jean-Louis Borloo est redevenu muet, invisible, absent, exilé de son propre gouvernement. Même Nicolas Hulot a disparu. Se pourrait-il, la chose nous ayant échappé, que la planète soit désormais considérée comme sauvée ?

Dans ce contexte, l’abandon de poste de Nathalie Kosciusko-Morizet s’explique. L’écologie a cessé d’être une préoccupation gouvernementale, elle n’est plus une priorité, donc elle va voir si son intelligence ne serait pas mieux utilisée ailleurs. Bravo, très bien, bon vent. Les seuls qui restent, finalement, les bras ballants, ce sont les citoyens, ceux qui ont tendance à croire aux discours politiques, qui ont pris au premier degré les propos écologiquement enthousiastes du chef de l’Etat lors de la conclusion du Grenelle de l’environnement.

Pourtant, nous le savons tous : un discours d’un homme politique, s’il est toujours prononcé avec sincérité, a une durée de vie limitée. Les pages, dans ce monde, se tournent à une vitesse sidérante, tout est prioritaire, rien n’est hiérarchisé, ou en tout cas rien ne l’est sérieusement. C’est par là, bien sûr, que la politique pèche, qu’elle fabrique davantage de méfiance que de confiance, donc plus de malaise que de sérénité, ce qui au bout du compte nourrit l’abstention et l’extrémisme. Sous cet angle, en France, nous sommes gâtés.

Jean-Michel Aphatie

 

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