Jean-Michel Aphatie :
"Rupture ? Vous avez dit rupture ? Moi, je ne la vois pas !
"
Jean-Michel Aphatie a changé pour un jour, sur RTL, sa place
d’interviewer pour celle d’interviewé. Très franchement, on n’est pas déçu
du voyage.
Voici le texte de son interview du 28 décembre 2007.
Nicolas Sarkozy est installé depuis 7 mois, maintenant, à l'Elysée. Il
avait promis de provoquer une rupture avec tout ce qui se passait avant.
Est-ce que cette promesse a été tenue ?
Oui, si on prend en compte le style, la présence de Nicolas Sarkozy. Mais
si on regarde le fond de la politique menée, on a plutôt l'impression d'une
très grande continuité, plutôt que d'une rupture.
Ce qui marque cette continuité, c'est la politique économique de Nicolas
Sarkozy, sa relation à la dépense publique, à ce que l'Etat peut faire ou ne
pas faire. Comme ses prédécesseurs, comme Jacques Chirac, comme François
Mitterrand, Nicolas Sarkozy règle les problèmes en dépensant beaucoup
d'argent, en ne tenant pas compte de ce que gagne vraiment l'Etat français,
en continuant à faire vivre ce pays, largement au dessus de ses moyens. Et
cela c'est concret. Dit comme cela, cela ne parait pas très concret, mais
c'est concret justement. C'est-à-dire que de ce fait, l'imposition fiscale
en France demeure importante, l'endettement demeure important, la
compétitivité des entreprises françaises est en train de se dégrader, les
délocalisations sont en train d'augmenter, et tous ces problèmes là, qui
sont devant nous, qui auraient dû justement motiver une politique de
rupture, ne paraissent pas, ou paraissent mal pris en compte, encore, par le
Président Nicolas Sarkozy.
Et là-dessus, vraiment, c'est une continuité, il n'y a pas de rupture.
Dans le domaine particulier de la politique étrangère, à présent, qui
est le domaine du président de la République par excellence, est-ce que
cette rupture a eu lieu ?
Non, là c'est encore plus clair. La continuité est absolument éclatante.
Par exemple, l'un des premiers visiteurs à l'Elysée, si ce n'est le premier,
parmi les responsables étrangers, c'est Omar Bongo. 40 ans de pouvoir au
Gabon, Omar Bongo exprime toute l'ambiguïté que la France maintient depuis
30 ans, 40 ans, avec les pays africains. Vraiment l'ambiguïté. Et il est le
premier visiteur.
Et le premier voyage que Nicolas Sarkozy fait sur le continent africain, il
va saluer Omar Bongo.
Nicolas Sarkozy a beaucoup reproché à Jacques Chirac sa proximité avec
Vladimir Poutine, sa complaisance avec Vladimir Poutine, et on a vu, à
plusieurs reprises, que Nicolas Sarkozy lui-même, en fonction, devenu
président de la République, était comme fasciné par le personnage, la force
ténébreuse qui émane de lui.
Et la récente visite du colonel Kadhafi a montré qu'entre une politique
étrangère, qui est sans doute indéfinissable d'ailleurs, appuyée sur les
valeurs et les droits de l'Homme, et une politique pragmatique appuyée sur
les contrats, Jacques Chirac et François Mitterrand avaient choisi la
deuxième, et de la même manière, Nicolas Sarkozy a privilégié les contrats
aux droits de l'Homme.
Donc là aussi, vraiment, on chercherait la rupture.
Il faut parler aussi de la fameuse communication présidentielle.
Est-ce que de ce point de vue là, les choses ont radicalement changé ?
C'est important, la communication. Comment un président de la République
qui est un personnage important, un peu intimidant dans une société,
s'adresse à ses concitoyens ? Avec simplicité ou pas. Alors la
communication, elle peut changer, parce qu'évidemment, Nicolas Sarkozy est
réactif, présent, évidemment ce n'est pas le style congelé de ses deux
prédécesseurs, notamment Jacques Chirac et François Mitterrand.
Mais en même temps, quel classicisme ! Quand il doit parler aux Français,
Nicolas Sarkozy ne sort pas de l'Elysée. Il fait venir les journalistes à
lui. C'est quand même une position très archaïque.
Et puis il y a toujours TF1, trois grandes interventions du président de la
République, il y a toujours TF1, qui a même été à la fin du mois de juin,
jusqu'à présenter son journal de 20 h depuis l'Elysée, comme le symbole
d'une collusion totale des pouvoirs. Donc, là aussi, vraiment, la rupture,
la modernité, la simplicité dans l'expression, on les chercherait quand
même.
La conclusion de tout cela ?
La conclusion, c'est qu'on pense que le changement générationnel fait que
les individus sont différents, et en fait les individus expriment toujours
une culture, et que faire une rupture au plan de la culture et des
comportements, cela, c'est beaucoup plus compliqué
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