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2/7/09 Jean-Michel Aphatie
Nicolas Sarkozy est-il dépassé par les évènements ?

Nicolas Sarkozy dans le Nouvel Observateur. Thème général : « J’ai changé ». Vieille baderne de la politique et du journalisme politique. Le chef change, il mute sous l’épreuve. Le nombre de fois où on nous a fait le coup avec Jacques Chirac... Impossible à dénombrer tellement il a « changé », Jacques Chirac. Et Nicolas Sarkozy n’est pas le dernier à tirer sur la ficelle. Au lancement de sa campagne présidentielle, il avait eu cette phrase : « J’ai changé ». Eh bien, il vient de rechanger, c’est le Nouvel Obs’ qui nous l’apprend.

La soirée du Fouquet’s ? « J’ai eu tort ». Le bling-bling ? C’est fini. Commentaires en boucle. Analyse. Décryptage. L’important, le plus important, est pourtant ailleurs, dans cette phrase étrange et glaçante, énigmatique, peu rassurante. « Il faut un temps, explique le chef de l’Etat, pour entrer dans une fonction comme celle que j’occupe, pour comprendre comment cela marche, pour se hisser à la hauteur d’une charge qui est, croyez-moi, proprement inhumaine. »

Je ne saurais personnellement citer un autre chef de l’Etat qui qualifie ainsi sa fonction d’ « inhumaine ». A quoi exactement pense Nicolas Sarkozy quand il prononce cette phrase devant les responsables du Nouvel Observateur ? Nous ne le savons pas. Mais son « croyez-moi » inclus dans la phrase signale bien que des émotions particulières, des faits précis, peut-être des souvenirs douloureux, légitiment dans son esprit l’emploi de cet étonnant adjectif.

Faute de mode d’emploi, demeure le décryptage, l’analyse, la pensée extérieure appliquée à une réalité inconnue. Autant dire la marche à tâtons dans un tunnel sombre. Risquons-nous tout de même, par intérêt intellectuel, et aussi par souci de comprendre le mécanisme de pensée de celui qui s’est hissé au faite de l’édifice démocratique.

Qualifier ainsi son travail, « inhumain », signale d’abord la difficulté éprouvée, la douleur ressentie. Première alerte. Nicolas Sarkozy cherche-t-il par là à dire qu’il ne se sent pas toujours à la hauteur de sa fonction ? Qu’il éprouve parfois ce sentiment vertigineux, dont il ne peut évidemment s’ouvrir à personne, et dont il laisse seulement entrevoir la possibilité, d’être dépassé par les événements, vieille formule du langage populaire qui trouverait là une application littérale?

« Inhumain ». Si le mot vient à l’esprit, c’est que cet esprit-là n’est ni serein, ni apaisé, ni épanoui. On ne peut pas aimer une fonction que l’on dépeint ainsi. On ne peut pas y trouver, au moment du bilan, ou bien quand on passe en revue la totalité de l’activité, du plaisir et du bonheur. Pour la première fois peut-être, un président de la République en exercice en France dit publiquement, au détour d’une phrase noyée dans une interview noyante, qu’il n’est pas heureux. On en connaît qui s’ennuient dans leur travail. On en connaît d’autres qui ne l’aiment pas. Faut-il ranger Nicolas Sarkozy dans cette dernière catégorie?

L’aveu est assurément important. Nous aurions tort de le négliger. Il inquiète pour le présent. L’homme a-t-il au fond de lui, dans la sincérité de sa réflexion, la ressource mentale et psychologique suffisante pour assumer la « charge » qui est la sienne? L’aveu, toujours, interroge pour le futur. Un homme qui décrit ainsi sa fonction peut-il solliciter le renouvellement de son mandat ? Est-ce souhaitable pour lui ? Est-ce souhaitable pour nous ?

Jean-Michel Aphatie

 

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