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9/4/09 Jean-Michel Aphatie
     Séquestrations : en attendant les                agressions physiques !

C’est le nouveau débat que nous soumet la crise et ses conséquences. La séquestration des dirigeants d’entreprise est-elle condamnable ou peut-elle être défendue ?

Il suffit d’écouter tous ceux qui s’expriment sur le sujet pour percevoir l’embarras que suscite la question. La position de principe devrait clore toute discussion. Il n’est pas légitime de retenir quelqu’un contre son gré, de le priver de sa liberté de mouvement, d’en faire un prisonnier, ou un otage. Cela, la loi le réprime.

Confrontons maintenant ce principe à la réalité du terrain, telle qu’elle s’offre dans cette crise. Sony, Caterpillar, 3M, hier encore dans une usine de l’Ain, des dirigeants ou des cadres d’entreprise ont été retenus en otages par des salariés en colère. Chacune de ces scènes, pourtant singulières, présentent des similitudes.

Le déclencheur, bien sûr, est un plan social. Souvent, il se produit dans des entreprises bénéficiaires. Il relève donc d’une anticipation qui est un signe de bonne gestion, mais qui est difficilement explicable à un moment où la crise avive l’angoisse. Dans plusieurs des scènes observées, la prise d’otage, que l’on peut qualifier autrement mais qui peut aussi être appelée ainsi, est le fait de salariés qui débordent leurs représentants syndicaux. Cela sans doute signale la véritable radicalisation des esprits.

Par ailleurs, il faut noter que souvent (Sony, Caterpillar, 3M), les dirigeants avec lesquels dialoguent ou tentent de dialoguer les salariés ne sont en fait eux mêmes que des représentants des vrais patrons. Ceux-ci sont le plus souvent loin de ce terrain de conflit, aux Etats-Unis, ou ailleurs. Leur décision de restructuration, sans doute rationnelle, est froide, et cela ne peut qu’aviver la frustration de ceux qui en sont les victimes.

L’ensemble de ces paramètres expliquent les prises de position publique des différents responsables politiques. Ségolène Royal, puis Martine Aubry, ont tenté une impossible synthèse en condamnant le principe de la séquestration mais en ajoutant aussitôt des éléments d’explication du phénomène. Mardi, en déplacement dans les Bouches-du-Rhône, le président de la République a choisi de demeurer strictement sur le terrain légal. « Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'aller séquestrer des gens ? a-t-il questionné. On est dans un État de droit. Je ne laisserai pas faire les choses comme ça. » Certes. Mais dans aucun des cas constatés les forces de l’ordre n’ont reçu la consigne d’intervenir. Et même par la suite, pas une plainte n’a été déposée, ni une action judiciaire entamée.

On ne peut que constater dans cette affaire l’embarras général. La violence de la crise, la rapidité avec laquelle elle produit des déséquilibres majeurs et inattendus, font vaciller les repères. Confrontées à des attitudes anormales, inhabituelles, indéfendables sur le plan des principes, les autorités politiques ou morales de la société évitent pour l’instant de trop s’avancer dans le débat. Tous, dans le secret de leur conscience, doivent redouter une seule chose : que l’une de ces séquestrations, motivées par la colère et le ressentiment, ne débouche sur des agressions physiques. Alors, c’est certain, le débat serait posé dans des termes très différents de ceux que nous manions aujourd’hui.

Jean-Michel Aphatie


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