L’Elysée resplendissait de mille feux
hier soir, un peu comme le Titanic au début de sa célèbre croisière.
Un peu ennuyeuse, l’émission hier soir. Un peu trop longue, sans doute.
La pédagogie suppose la répétition, et ce que le président de la République
a dit hier de la crise, nous le savions déjà, nous l’avions déjà entendu.
Peu de mesures concrètes. Pourquoi ? Parce que Noël est passé, parce que les
caisses sont vides, parce que la crise est mondiale, et que nous ne sommes
que Français. Distribuer de l’argent ne fait pas une politique. Hélas, la
distribution par l’Etat depuis trente ans de ressources qu’il n’a pas nous
coûte déjà très cher, et finira par nous coûter trop cher. Dans un
argumentaire intelligent, la Cour des comptes notait avant hier que la
France aborde cette crise particulière et violente dans une situation
interne déjà très dégradée. Quand donc sortirons-nous de cette illusion qui
nous tue?
Hier soir, le président a été habile dans sa gestion du désenchantement
social. En proposant une négociation à partir du 18 février aux syndicats,
avec de vrais morceaux de fruits dedans, il les a très probablement mis dans
l’incapacité d’organiser une nouvelle grève dans l’immédiat. Du temps gagné,
c’est sûr, alors que pour le contenu, justement, rien n’est sûr. Donc,
habile, trop habile ?
Et puis toujours en France, la manifestation du pouvoir royal. Et hop! je te
supprime la taxe professionnelle. Effacée, envolée, partie, cette taxe dont
il faut bien dire qu’elle plombe la production des entreprises et réduit
leur compétitivité. A titre d’information pour ceux qui ne le sauraient pas,
le gouvernement annonce ce matin le record toutes catégories de déficit
commercial jamais atteint par l’hexagone : 56 milliards d’euros en 2008.
Encore un témoignage mirobolant de l’exception française.
Donc, supprimer la taxe professionnelle est une idée juste. Mais l’annoncer
comme cela, souverainement, sans pouvoir expliquer ce qui viendra la
compenser, c’est évidemment amoindrir la portée de l’annonce. La taxe
professionnelle, c’est soit 8 milliards d’euros comme l’a dit le chef de l’Etat
hier soir, soit près de 30, comme l’estiment certains spécialistes dans la
presse ce matin. La différence de chiffres procède de l’imprécision de
l’annonce présidentielle. Quoi qu’il en soit, ces milliards devront être
compensés d’une manière ou d’une autre, sauf à piocher un grand coup dans le
grand trou des déficits, ce qui serait irresponsable. Donc, l’annonce se
réduira au bout du compte à un déplacement du prélèvement. Donc,
relativisons.
C’est en prenant un peu de recul que l’on peut mieux comprendre
l’intervention du chef de l’Etat. La crise est violente, elle fait vaciller
notre économie déjà malade, et à part des rustines et des pansements trop
petits, nous n’avons pas vraiment les moyens d’y faire face. Ballottés par
la violence de l’histoire, nous tentons de faire bonne figure. L’Elysée
resplendissait de mille feux hier soir, un peu comme le Titanic au début de
sa célèbre croisière.
Jean-Michel Aphatie
|