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8/908 | Jean-Michel Aphatie |
Le tragique de l’économie Ce sont des informations éparses, qui toutes convergent pour dessiner une réalité à laquelle nous sommes, hélas, largement indifférents. La Poste, le plus ancien service public en France, juge que trois milliards d'euros lui sont indispensables pour assurer son développement et faire face à la prochaine concurrence européenne. Seulement, ces trois milliards, son actionnaire, l'Etat, est bien incapable de les lui fournir. Il a beau en prélever des centaines sur la richesse nationale, il ne lui reste même pas un billet de dix euros pour financer son plus ancien service public. Alors la Poste va se ravitailler en argent frais sur le marché boursier par l'intermédiaire d'une ouverture du capital que le gouvernement devrait annoncer à la fin de l'année. Du point de vue des dirigeants de la Poste, c'est ça ou c'est la mort. Et les dirigeants de la Poste ont raison. Du point de vue de la collectivité, c'est un appauvrissement consécutif à une gestion calamiteuse des finances publiques. La SNCF, l'autre grand service public de la société française, accumule les pépins techniques. Voilà quelques semaines, la Cour des comptes avait tiré la sonnette d'alarme, assurant que les problèmes financiers de la SNCF et du gestionnaire de ses infrastructures, Réseau ferré de France, pouvaient déteindre sur la qualité du service, voire sur la sécurité des voyageurs. La prédiction commence à s'incarner avec la répétition des incidents techniques qui inquiète grandement la direction de la SNCF. Hier, lors du Grand Jury, Christine Lagarde, ministre de l'Economie, a confirmé la panne de l'économie française. Le budget, calculé sur une croissance de 1,7 % à 2 %, ne sera finalement alimenté que par une croissance de 1 %. Ceci pourrait correspondre à des recettes fiscales inférieures de près de dix milliards à ce qu'avait escompté le gouvernement. Et l'année 2009 ne s'annonce pas franchement plus riante. Dans ce contexte, la prévision de retour à l'équilibre des finances publiques, programmée jadis à 2008, puis repoussée à 2010, avant d'être finalement renvoyée à 2012, devient carrément impossible. Le poids de la dette qui déjà asphyxie notre économie devrait peser plus lourd encore dans les prochaines années. Personnellement, je demeure ébahi qu'à peu près tout le monde se moque de ce problème. La catastrophe est repérable. D'ores et déjà, la situation des finances publiques dicte sa politique au gouvernement. Le financement du RSA comme l'ouverture du capital de la Poste en portent le spectaculaire témoignage. Dans les mois et les années qui viennent, la dette et son indispensable remboursement contribueront à comprimer encore une activité économique qui s'étiole. Durant la même période, l'incapacité de la France à maîtriser ses déficits publics tendra inévitablement les rapports avec ses partenaires de l'euro. La crise politique qui se dessine pourrait alors déboucher sur une crise financière. Face à tout cela, que dit ou fait le pouvoir ? Il se propose, rien de moins, de racheter le tiers des Chantiers de l'Atlantique ! Pour quel montant ? Avec quel argent ? Cette phrase de Michel Rocard, hier, dans le Journal du Dimanche, mérite un instant de méditation : "Nicolas Sarkozy partage avec François Mitterrand une méconnaissance et un mépris tragique pour l'économie." Ce n'est pas la comparaison qui importe dans la phrase. Ce serait plutôt juste cette notion du "tragique" de l'économie qui, un jour, se vengera d'avoir été traitée trop légèrement. Jean-Michel Aphatie
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