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11/3/09 Jean-Michel Aphatie
      Total : vrai ou faux scandale ?

Donc Total. Le groupe pétrolier a annoncé hier... tiens, au fait, qu’a annoncé le groupe pétrolier ? « Des suppressions d’emplois », écrit ce matin le journal Le Parisien. « Des suppressions de postes », répond Total, notamment par l’intermédiaire de son secrétaire général, Jean-Jacques Guilbaud, invité ce matin de RTL.

La sémantique peut dissimuler, c’est vrai, pas mal d’hypocrisie. Dans cette affaire, prenons donc les faits. A partir de 2010 et jusqu’à 2013, 555 salariés de Total se verront proposer d’autres tâches que celles qu’ils accomplissent aujourd’hui dans l’entreprise, ou bien, en fonction de leur âge, seront mis à la retraite ou en préretraite. Cette opération est présentée par la direction du groupe pétrolier comme une adaptation à l’évolution des marchés, notamment celui du raffinage et serait largement contrebalancée, toujours selon la même source, par un volume important d’investissements, entre 700 millions et 1 milliard d’euros, qui devrait garantir et développer l’emploi en France.

Malgré tout, cette annonce a déclenché une assez vive polémique. Les salariés de Total, notamment sur les sites concernés, par exemple à Gonfreville, en Seine-Maritime, ont fait part de leur stupéfaction, voire de leur colère. Et ces sentiments ont été relayés avec une certaine force au plus haut niveau puisque le secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez, a expliqué que cette annonce « lui restait en travers de la gorge ».
Courte incise à ce propos. Il est difficile, pour l’heure, de savoir si la réaction de Laurent Wauquiez engage ou non le gouvernement, car aucun autre ministre n’a encore relayé son indignation.

Quoiqu’il en soit, fondée ou pas, la polémique est là. Sur le fond, elle ne paraît pas très pertinente. En revanche, elle révèle parfaitement les sentiments qui traversent la société française en ces temps de crise. Total a réalisé l’année dernière des bénéfices extraordinaires, 13,9 milliards d’euros. Procéder, dans ce contexte, à des ajustements salariaux peut apparaître comme l’expression de cet égoïsme du capitalisme qui sape le socle moral sans lequel aucun système politique ne peut durer. En outre, cette décision du groupe pétrolier avive l’angoisse et l’incertitude professionnelles que chacun ressent, soit pour lui même, soit pour ses proches, soit pour ses amis ou connaissances.

On perçoit bien ainsi, en période de crise, comment la rationalité ou la froide conduite des affaires peut entraîner des réactions assez fortes, dont nul ne peut d’ailleurs, sur le champ, mesurer l’intensité ou les effets. Cela ne se veut pas une légitimation des réactions enregistrées hier. Il s’agit plus de pointer l’une des formes d’écriture de l’histoire des hommes, le plus souvent passionnelle et impulsive. Mais comment reprocher aux hommes d’être ce qu’ils sont ?

Jean-Michel Aphatie

 


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