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1/10/09 | Jean-Michel Aphatie |
Eric Woerth, un homme placide face aux catastrophes ! Partons des chiffres. Etablissons un constat. Formulons un souhait. Les chiffres, c’est le plus facile, ils sont horribles. Si l’on cumule 2009 et 2010, et si l’on ajoute aux déficits budgétaires (141 milliards d’euros en 2009, 116 en 2010) ceux attendus pour la Sécurité sociale (24 milliards d’euros en 2009 et 31 en 2010), on arrive à l’astronomique et formidable somme de 312 milliards d’euros accumulés par la société française en seulement deux ans. Eric Woerth, ministre du budget et homme placide face aux catastrophes, a un peu haussé les épaules, ce matin, à 7h 50, dans le studio de RTL dont il était l’invité: « Evidemment, si vous cumulez les deux années ». Ben oui, je cumule. Vous me connaissez, d’ordinaire, je déteste les cumuls, sauf les miens. C’est comme ça. Mais enfin, trêve de balivernes, comme l’écrivait le regretté Guy des Cars, à moins que ce ne soit le regrettable Paul-Loup Sulitzer. Pour diverses raisons qui tiennent à la crise, à nos mauvaises habitudes et à nos gouvernants, la société française va accumuler en seulement vingt-quatre mois une dette astronomique, gigantesque, dantesque, abyssale, formidable, énorme, titanesque, choisissez l’adjectif que vous voulez. Pour fixer les idées et les masses, en 2007 le déficit budgétaire était de 37 milliards. Cela semblait déjà beaucoup, nous étions déjà proches de l’incompressible. Avec le recul pourtant, ça paraît le bon temps. La somme dont on parle aujourd’hui est dix fois supérieure. Et donc la question du remboursement se pose avec une acuité aussi dix fois supérieure. Passons au constat. Voilà encore quelques mois, nous n’étions pas si nombreux à dire que la dette était un problème. Des philosophes de haute volée qui sévissent sur la toile ou ailleurs - c’est comme Clearstream, j’ai la liste - caractérisaient les propos alarmistes sur la situation comme étant l’expression d’une pensée de « droite ». Dans ces cas là, il faut se saisir fermement du mot « droite, le prendre bien en bouche, et le dégueuler dans une grimace de dégoût : de « droite », en appuyant à la fois sur le d, le r, le o, le i, le t, le e... Bref, en appuyant partout où ça fait mal... En fait, il faut dire « droite » un peu comme Michel Galabru dit le « Nord » dans « Bienvenue chez les Cht’is ». Effet garanti. Stigmatisation assurée. Disqualification atteinte. Cela, c’était hier. Il faut bien dire que désormais, combattre la dette, en dénoncer l’accumulation, s’alarmer de son remboursement, tout cela est très tendance. Si vous ne le faites pas, vous êtes soit jobard, soit inconscient, soit neuneu, soit sarkozyste, vu que notre président ne veut pas en entendre parler. Je l’ai déjà dit ou écrit, mais je ne résiste pas à ce plaisir mesquin, même Marianne a rejoint le combat. Ce grand hebdomadaire, terriblement musclé à force de nager à contre-courant dans son incessant combat contre la pensée unique, a rejoint le choeur des pleureuses de la « dette », et il l’a fait à sa façon efficace qui le pousse à vouloir décréter obligatoire le grand emprunt stupide que nous prépare le gouvernement. Je ne sais plus qui a dit que si certaines personnes volaient, il y aurait plein de chefs d’escadrille, mais enfin la puissance du raisonnement vous propulse plutôt en tête du peloton qu’à sa queue. Venons-en au souhait. Je ne sais pas si vous le savez - heureusement pour vous les journalistes sont au courant donc ils vous informent -, mais en 2012, on va choisir un président, ou une présidente. Soit on reprend le même, soit on change, c’est comme on veut. Personnellement, si on le reprend, ça ne me gêne pas. Et si on ne prend un autre, ça ne me gêne pas non plus. Donc, 2012. L’habitude, en France, a fait de l’élection présidentielle une gigantesque fête. Il s’agit, en toute modestie, de changer la vie, le monde et l’univers, ou bien encore de résoudre la fracture sociale, économique météorologique, soleil pour tous pluie pour personne, ou bien encore de ne rien foutre et de gagner beaucoup, de faire la sieste et de toucher un max, de travailler plus pour gagner plus. Dans ce grand pays qui est le nôtre, phare de l’univers, le souhaitable écrase toujours le possible et le rêve chasse la réalité. C’est comme cela que nous comprenons la politique, enfants que nous sommes de Louis XIV le soleil, Napoléon Austerlitz et de Gaulle double mètre. Tout en grand, tout en majeur, c’est la France. Si pour une fois, une fois, une seule, on pouvait le temps d’une campagne avoir les pieds sur terre, refuser la démagogie, demander aux candidats d’arrêter de promettre tout et n’importe quoi, leur demander aussi de nous expliquer patiemment, calmement, gentiment, pédagogiquement, les problèmes qui sont les nôtres, les impasses dans lesquelles nous nous sommes fourvoyés, et les efforts que nous devrons faire pour en sortir, alors, mais seulement alors, la campagne de 2012 serait utile et bénéfique. Si nous pouvions cette fois au moins être responsables et lucides et insuffler cela à ceux qui veulent nous représenter, alors oui, la France présenterait au monde le visage d’un grand pays digne de respect. Jean-Michel Aphatie
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