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17/6/13 | Jean-Marie Arnaudiès |
Rendez leur argent aux Français ! Ce qui suit est une réflexion de longue date sur des sujets d'actualité. Parmi eux, les allocations familiales, l'assurance maladie et les cotisations retraite et maladie. Perversité du système français actuel Nous vivons depuis 1945 dans un mensonge national qui lèse profondément les salariés et paralyse les discussions sur la fiscalité des revenus et le sens des diverses prestations sociales. Ce mensonge consiste en le saucissonnage des revenus entrants de toute personne qui tire ses moyens d'existence de son seul travail. En leur donnant des noms différents, on laisse croire que ce qu'on appelle ''revenus directs'' est le seul revenu entrant auquel tout travailleur peut ''moralement'' prétendre. Et que ce qu'on appelle ''charges sociales''' serait autre chose qu'un produit du travail. Ce saucissonnage ne résulte d'aucune loi, il ne s'impose que par l'usage, donc, depuis maintenant 68 ans, est entré dans les inconscients individuels, puis dans l'inconscient collectif. C'est une hypocrisie, qui désarme moralement les individus face à l'Etat. La conséquence principale de cette hypocrisie est la suivante : les Français, dans leur écrasante majorité, tomberaient des nues si on leur révélait qu'ils gagnent bien plus qu'ils ne le pensent ! On se trouve là devant une véritable perversion collective. Cette perversion, bien qu'elle existe universellement, apparaît plus clairement chez les salariés que dans les professions non salariées : ces dernières, en effet, sont au départ maîtresses de la totalité du revenu que leur procure leur travail. Tandis que les salariés ne voient jamais la partie de leur rémunération artificiellement séparée de celle qu'ils peuvent lire au bas de leur feuille de paie. Nous allons donc nous concentrer sur ce cas, largement majoritaire, des salariés français. (Pour les professions non salariées, le fond de l'analyse ne serait guère différent, mais la forme n'est pas la même). Donc la perversion, pour un salarié, consiste à avoir scindé la totalité du salaire brut en deux parties artificielles, ce partage n'ayant d'autre raison d'être que de jeter un savant brouillard sur les énormes prélèvements à la source auxquels l'Etat procède. Pour ne donner qu'un exemple, l'actuel ''débat'' sur les allocations familiales est un scandale de désinformation : l'Etat laisse sciemment courir des bruits du style ''on va chipoter les allocations familiales à ces pauvres gens à peine au-dessus du SMIC pendant qu'on continue à ''donner'' ces allocations à des gens qui n'en ont pas besoin''. J'affirme ici que cette désinformation, en dressant ainsi, sur des bases scandaleusement fausses, des catégories de citoyens contre d'autres, déshonore ses promoteurs. La vérité : le salaire brut total (SBT) Tous les salaires dont il va être question ci-dessous s'entendent comme salaires mensuels. Ce que gagne un salarié est ce qu'il coûte à son employeur : c'est aussi simple que cela. Ce coût total constitue son SALAIRE BRUT TOTAL. Pourquoi brut ? Parce qu'il peut être grevé de prélèvements à la source à divers régimes de protection sociale ou assurances (ces prélèvements à la source seront appelés PLS) qui vont donc diminuer ce qui sera remis effectivement au salarié par virement sur son compte personnel, et dont le montant est indiqué au bas de sa feuille de paie. Ce montant constitue son SALAIRE DIRECT NET (SDN) Prenons par exemple un smicard. Son SBT de juin 2013 est environ 2300 euros net mensuel. Son SDN n'est pourtant que de l'ordre de 1120 euros nets. Les prélèvements sur le SBT en prennent donc plus de la moitié. Pourtant, le salarié, sur sa feuille de paie, peut lire qu'il a gagné seulement 1430 euros ''bruts'' mensuels. Ce qui ramène à environ 20% le montant des prélèvements à la source. Mais 20 % de quoi ? 20 % de ces 1430 euros et non des 2300 euros. Comment cela est-il possible ? Réponse : par le saucissonnage du SBT. Plus précisément, par le saucissonnage de la partie du SBT prélevée à la source. Il consiste à diviser ce prélèvement en deux parties : les ''charges sociales patronales '' (PLSP=prélèvements à la source patronaux) et les ''charges sociales ouvrières'' (PLSO, prélèvements à la source ouvriers). Les premières sont censées être payées directement par le patron lui-même aux divers organismes créanciers, tandis que les secondes sont censées être payées par le salarié lui-même. On a, pour ce tour de passe-passe, inventé une nouvelle notion : celle de ''salaire direct brut''' (SDB). Par définition, le SDB est le SBT diminué des PLSP. Et les PLSO sont rapportées au SDB, ce qui fait, pour notre smicard, dans les 20 % au lieu de plus de la moitié ! Comme on le voit, ce saucissonnage est savant. Déjà, au stade actuel de notre exposé, il faut se faire du café : au lieu d'un SBT et d'un PLS qui laissent un SDN, notions claires accessibles à tous, nos voilà maintenant obligés de jongler intellectuellement avec trois nouvelles grandeurs qui viennent embrouiller ce qui était initialement si clair : les PLSO, les PLSP et le SDB. Pour bien enfoncer ce clou dans la tête collective, ces grandeurs, au nombre maintenant de six au lieu de trois, interviennent, chacune par son petit côté particulier, dans toutes les grandeurs inventées à titre de référence pour tout ce qui dépend du SDB. Par exemple, on a inventé la notion de ''salaire plafond de la sécurité sociale'' (alias le SPSS : c'est le SDB égal à deux smics directs bruts). Ce SPSS sert à définir des seuils de plafonnement de certaines prestations sécurité sociale : ainsi, aucune retraite ''de base''' de la SS ne peut dépasser celle associée au SPSS). Comme on le constate, plus nous avançons dans ce domaine des salaires, plus nous nous trouvons dans une jungle qui s'épaissit à chaque pas et laisse passer de moins en moins de lumière nécessaire à la compréhension par tout le monde. Que nos lecteurs veuillent bien nous en excuser, nous ne sommes pas les auteurs de cette brousse administrative. Notons au passage l'un des mérites de ces complications vaguement sadiques : là où le comprenoir du vulgum pecus aurait suffi si on s'en tenait aux trois grandeurs de base (SBT, SDN et PLS), il va nous falloir à coup sûr des experts, dont les élucubrations seront forcément en langue de bois pour Monsieur tout le monde. Seule justification de cette brousse : elle permet de faire passer en douceur des ponctions d'une ampleur démesurée sur le fruit de tout travail. Des ponctions qui ne seraient jamais passées au grand jour. Comme les cambrioleurs, les ponctionneurs ont besoin d'obscurité! Pour faire la lumière : la feuille de paie vérité La revendication de feuilles de paie vérité n'est pas nouvelle : elle a été formulée de longue date par de nombreuses personnalités et de nombreuses organisations sociales, y compris certains syndicats. En quoi consiste la feuille de paie vérité ? Tout simplement en la suppression, dans toutes les strates administratives et à tous les niveaux, des notions artificielles de SDB et de PLSP, donc aussi de PLSO. La feuille de paie vérité mentionne donc : le SBT, le PLS et le SDN. Le PLS est détaillé sur chaque feuille de paie : assurance maladie, assurance chômage, cotisation retraite de base, cotisation accidents du travail, cotisation pour financer les CAF (caisses d'allocations familiales), cotisations à prévention obsèques, etc. (il y a en tout une vingtaine de rubriques ! qui peuvent varier à la marge suivant la profession considérée). Les pourcentages de chaque poste particulier du PLS sont indiqués par référence au SBT. Rien n'est plus clair qu'une feuille de paie vérité. Rien n'est plus nécessaire, puisqu'elle seule donne les informations nécessaires aux salariés pour comprendre ce qu'ils gagnent, ce qu'ils paient, et à qui ils le paient. Ainsi les syndicats, avec les feuilles de paie vérité, sont bien obligés de tenir compte des arguments des salariés, puisque tout le monde y voit bien clair. Et pourtant, bien qu'elle ait été demandée, jusqu'à environ 1975, par une impressionnante masse de personnalités et d'organismes sociaux, jamais elle n'a pu voir le jour ! Tout ce qui a pu être fait est cette indication d'allure mi-confidentielle mi-honteuse qu'on peut lire sur les feuilles de paie à condition d'être très attentif. Cette indication est celle du coût, pour l'employeur, de certains postes de prélèvements à la source. Mais la notion sacro-sainte de SDB est toujours là, et ces ''coûts pour l'employeur'' ne sont là qu'à regret, marginalisés, sous le statut moralement dévalorisant de ''charges sociales patronales''. Le salarié moyen les lit à peine ou ne les lit pas, il ne les perçoit pas comme un prélèvement opéré sur ce qu'il a vraiment gagné. Pour lui, l'essentiel est toujours là : il ne regarde que son SDB, ses PLSO; et surtout, ce qui lui importe le plus, son SDN. Le trompe l'œil illusionniste des ''négociations'' sur l'avenir des retraites L'actuel gouvernement, qui avait promis juré qu'après les matraquages de 2013, une ère de stabilité fiscale s'ouvrirait, est soudain pris d'un besoin pressant de réformer les retraites et les régimes d'allocations familiales. Il a déjà réduit massivement le quotient familial. Ici, ouvrons une parenthèse : notons que ce quotient familial (QF) était une conquête ouvrière de 1945. C'est François Mitterrand qui lui apporté le premier coup, en le plafonnant en 1982. Néanmoins, le plafond retenu, indexé, était raisonnablement large. C'est notre « ami » DSK qui a porté à ce QF le premier coup de massue, en 1997-98. Il avait d'abord essayé de supprimer les allocations familiales au-delà d'un certain revenu. Mais le Conseil constitutionnel l'avait censuré (à juste titre, nous verrons plus loin pourquoi). Alors pour se venger, DSK (qui avait, comme tous ses congénères, promis de ne pas augmenter les impôts quand il a été nommé par Jospin à son poste de ministre du budget) diminua le plafond Mitterrand de moitié, excusez du peu ! Et maintenant, depuis fin 2012, le plafond de ce pauvre QF vient à nouveau d'être amputé : de 800 euros sur 2300, soit plus du tiers ! Ce qui a pour effet d'avoir divisé exactement par trois le plafond Mitterrand du QF. Autant dire qu'il ne reste plus grand-chose de ce QF : le vieux rêve socialiste de le remplacer par un forfait misérabiliste est aux neuf dixièmes réalisé. On peut à bon droit s'étonner du silence syndical devant cette mise à mort : comment ont-ils pu accepter cette fantastique régression sociale, alors que notre situation est tout de même moins angoissante que celle d'après-guerre en 1945, quand nourriture et chauffage étaient encore soumis au rationnement et que le tiers des Français s'habillaient comme des clochards et n'avaient pas d'eau courante chez eux ? On peut d'autant plus s'étonner que la vraie politique familiale, ce
n'était pas les allocations familiales, c'était le QF. Comme nous le verrons
ci-dessous, les allocations familiales étaient de toutes manières mal
ficelées. En 1945, les bâtisseurs du Conseil national de la résistance (CNR)
- car c'étaient des bâtisseurs, au contraire des démolisseurs actuels -
auraient très bien pu supprimer les allocations familiales à la création du
QF, s'ils avaient institué le droit de compter une part fiscale par enfant,
et non une demi-part. Donc notre gouvernement supersocialiste a, dit la presse, ''entamé'' des ''négociations'' avec les invisibles mais omniprésents ''partenaires sociaux'' en vue de réformer les modes de calcul des retraites et de procéder à de nouveaux tours de vis fiscaux pour tous, retraités comme actifs. Les Français, comme d'habitude, seront les spectateurs de ces palabres, mais des spectateurs non éclairés. Ils penseront, cependant. Et leur pensée sera décrite par les sondeurs. S'ils en étaient empêchés, nous pourrions ici écrire leurs oracles à leur place. Voici quelques propositions de titres : '' Les Français devront tous consentir des efforts, mais ils en comprennent la nécessité.'' ''A condition que ces efforts soient répartis de façon juste.'' ''D'après un sondage tout frais, 85 % des Français se disent prêts à des sacrifices pour sauver le système social.'' ''72 % des Français prêts à se serrer la ceinture pour préserver le droit à la retraite à 60 ans.'' ''58 % des Français pensent que les riches devraient contribuer davantage au redressement des comptes sociaux.'' On reste perplexe devant de tels sondages, alors même que l'écrasante majorité partie des Français reste dans l'ignorance de la vérité salariale du pays, par suite de la désinformation qui empêche la feuille de paie vérité. Si le gouvernement était sincère, s'il voulait du bien aux salariés français, il commencerait par décréter la feuille de paie vérité, en préambule à toute discussion sur l'avenir des pensions. Il ne le fait pas, donc il compte bien, comme tous ses prédécesseurs,
conserver l'avantage que lui confère l'ignorance publique en ces matières
essentielles. Car il est certain qu'avec les feuilles de paie vérité, les
salariés français seraient infiniment moins disposés à accepter les
nouvelles atteintes à leur niveau de vie qu'on s'apprête à leur infliger.
Pour ne pas rallonger outre mesure le présent article, nous allons nous en tenir aux allocations familiales. Ce système a été institué par Daladier en 1938, dans le but avoué de redresser la natalité du pays, mise à mal par ''l'holocauste français'' de 1914-1918 : depuis 1930, la France, en effet, fabriquait chaque année plus de cercueils que de berceaux. Et, bien plus frappant, la classe 40 était MOITIE MOINS (moins de 250 000) que la classe 14 (près de 500 000). Le principe, fort discutable donc talon d'Achille du système, était de créer des caisses départementales dont le rôle serait double : 1) réunir des financements, et 2) redistribuer les fonds aux familles avec au moins deux enfants. Le financement principal prévu consistait en une cotisation proportionnelle forcée sur le salaire brut de tout salarié, mais les caisses avaient néanmoins vocation à recevoir des fonds de l'Etat, c'est-à-dire provenant de l'impôt. Ce système n'a pas été accepté de gaîté de cœur, puisqu'il provoquait une diminution du salaire net qui se rajoutait, pour les fonctionnaires, aux diminutions déflationnistes de 5 % et 10 % imposées par Laval en 1934. De grandes grèves eurent lieu, qui furent réprimées durement. Daladier eut recours à la réquisition, et les sanctions prononcées contre les grévistes les plus en vue allèrent jusqu'à la mutation accompagnée de dégradation. Par exemple, un professeur de mathématiques très coté en classe préparatoire au Lycée Louis-le-Grand fut muté de force à des centaines de km de Paris, dans une classe de sixième, ce qui lui causait, outre l'humiliante baisse de qualification, une désastreuse baisse de traitement ( ce professeur a retrouvé son poste à Louis-le-Grand après 1945, et en 1968, il y exerçait encore). En 1945 et jusqu'en 1970, les CAF distribuèrent aux familles d'au moins deux enfants des allocations non imposables relativement importantes, en principe destinées aux enfants. En outre, elles distribuaient aux familles où n'entrait qu'un seul salaire une ''allocation de salaire unique'' qui compensait le salaire absent à hauteur d'environ 60 % du smic de l'époque, alias SMIG. Cette allocation a été euthanasiée en douceur entre 1971 et 1973, en commençant, comme d'habitude, par sa suppression aux ''familles les plus aisées'', argument qui les fit accepter au départ sans coup férir. Ainsi peu à peu, une dérive double s'est installée : outre la suppression sèche du ''salaire unique'', les allocations n'ont pas été revalorisées pour compenser l'érosion monétaire, et parallèlement, comme les financements ne subissaient pas cette dévalorisation, les financements ainsi libérés furent affectés à autre chose qu'aux enfants des familles. Depuis quelques années, les fonds affectés aux familles pour leurs enfants sont devenus minoritaires dans le budget des CAF : leur pouvoir d'achat relatif a baissé d'au moins 60% depuis 1945. Les autres fonds ont été affectés à d’autre postes : le logement (allocations logements, distribuées, sous seules conditions de ressources, à toutes personnes adultes), les prestations handicap, certaines allocations de dépendance et le RSA sont ainsi financés par les CAF. Le but initial des CAF est donc largement estompé, dans les faits sinon dans la loi. La source principale de financement des CAF reste cette cotisation forcée sur les salariés, qui est de 5,5 % du SDB, c'est-à-dire à peu près 3,65 % du SBT. Cette cotisation pour les CAF est donc l'un des postes les plus importants du PLS. Et contrairement aux allocations familiales pour enfants, qui ne durent que quelques années, ces prélèvements de 3,65 % du SBT durent toute la vie active ! Laissons toute idéologie de côté, pour faire place aux chiffres. Ces chiffres donnent des informations qui montrent que tous les gouvernements, de droite ou de gauche, font depuis des lustres la même politique, un politique fondée sur le mensonge initial que nous essayons ici de disséquer dans le but de réinformer nos compatriotes. Ainsi, lors des prétendues ''discussions entre partenaires sociaux'' concernant les allocations familiales, le gouvernement s'est targué de ne demander des sacrifices qu'aux ''riches'' (ça c'était au début du règne), ou qu' ''aux plus aisés'' (ça c'est maintenant). L'effet produit sur le public est garanti : qui ne serait d'accord pour qu'un ''riche'' paie, plutôt que lui-même ? Mais l'honnêteté consisterait, pour le gouvernement, à combattre la démagogie de jalousie, surtout quand cette démagogie aboutit à des considérations d'une aussi basse injustice. Car en l'espèce, ceux que le gouvernement menace de ne plus percevoir d'allocations familiales, ou de ne plus recevoir que des allocations misérablement tronquées, sont précisément ceux qui contribuent le plus, et durant toute leur vie, au financement des CAF ! Quoi de plus injuste en effet que de forcer des personnes à contribuer au financement d'un système de redistribution alors que la loi obligera à priver de cette redistribution ces contributeurs 'privilégiés'' au dit système ? C'est dans une injustice aussi criante, aussi cynique, qu'on reconnaît un gouvernement autoritaire, insensible à toute considération de la plus élémentaire justice. Un exemple concret Prenons un couple d'instituteurs avec trois enfants séparés de deux fois trois ans. Pour simplifier, supposons-lui un SDN mensuel de 1800 euros/mois pour toute la carrière, qui va durer 40 ans. Ces 5,5 % du SDB font environ 7 % du SDN. Donc chaque mois, du début à la fin de la carrière, ce couple paie aux CAF une cotisation mensuelle totale de 252 euros, soit très sensiblement 3000 euros par an. Raisonnons en monnaie constante valeur 2013. Ces 3000 euros mensuels rapportent donc aux CAF, cumulés sur quarante ans, la somme de 120 000 euros. Maintenant, calculons ce que ce couple va recevoir des CAF au titre de ses trois enfants, cumulé sur toute la durée où il était éligible à recevoir des allocations familiales. Notons 0 l'année de naissance de l'aîné des trois enfants. De 0 à 3 ans, le couple ne perçoit aucune allocation. De 3 à 6 ans, il perçoit 120 euros/mois pour deux enfants. De 6 à 16 ans, il reçoit 350 euros mensuels pour trois enfants. De 16 à 19 ans, il reçoit encore 120 euros mensuels pour deux enfants. Cumul de toutes les allocations perçues : (120 X 36) + (350 x 120) + (120 x 36) = 4320 + 42 000 + 4320 = 50 640 euros. Donc ce couple, qui, vu sa situation, est inéligible à toute allocation servie par les CAF autre que ces allocations familiales, a financé les CAF pour 120 000 euros et n'en a reçu, pour ses trois enfants, en contrepartie, que 50 640 euros. Bénéfice net pour les CAF : 69 360 euros. Les chiffres précis montrent donc que pour ces représentants typiques de la classe moyenne inférieure, à la carrière parallèle aux carrières moyennes de la société (techniciens, gendarmes, chefs de rayon de grands magasins, militaires jusqu'au niveau de capitaine, représentants de commerce, infirmiers-infirmières, secrétaires de direction, clercs de notaires, employés de banque, petits commerçants, chefs de chantiers, etc.) les CAF, initialement prévues pour aider les familles avec enfants, fonctionnent aujourd'hui, bien que ce couple ait élevé trois enfants, comme un impôt ''sec'' très important, puisque ce couple ne reçoit des CAF que moins de 42% de ce qu'il leur a payé sur son SBT tout au long de sa vie active. Autrement dit : En l'état actuel de fonctionnement des CAF, l'immense majorité des Français, qu'ils aient ou non des enfants, auraient objectivement intérêt à ce que les allocations familiales soient purement et simplement supprimées, et qu'en contrepartie, les cotisations qui leur sont prélevées au titre de leur salaire différé leur soient intégralement restituées. Donc si malgré cela, ce système perdure, c'est exclusivement par ignorance de cette vérité Que cette ignorance, dans le milieu des ''partenaires sociaux'', soit voulue ou non, est une autre histoire...... Si le pauvre Daladier voyait ce qui a été fait de sa belle idée d'allocations familiales, nul doute qu'il regretterait amèrement d'avoir laissé salir son nom par ces grèves qu'il a réprimées par la réquisition et la relégation en sixième, dans des campagnes reculées, de professeurs de talent ! Si, au lieu de bavarder en cachant la vérité des feuilles de paie sous des logomachies à prétention moralisatrice, le gouvernement allait à ces discussions devant des ''partenaires sociaux'' armés de ces chiffres et de ces connaissances élémentaires, nul doute qu'il lui serait moins facile de puiser à pleines mains dans les revenus du travail des Français pour financer les largesses dont bénéficient les clientèles de telle ou telle coterie électorale. Conclusion Cette étude est dédiée en priorité à celui qui s'est permis de traiter de ''salauds'' ceux qui fuient aujourd'hui la Sécurité sociale. Je lui réponds : à salaud, salaud et demi ! Qui a commencé ? Qui a grugé l'autre ? Car nous n'avons montré ici que la duperie des allocations familiales. Mais si on analysait de près les autres postes des prélèvements sociaux, on y trouverait des dérives analogues. Ne serait-ce que celle-ci : au début, la construction initiale du CNR, en 1945, n'était pas aussi malhonnête. On peut même dire que son honnêteté compensait la spoliation initiale des petites mutuelles locales parfaitement saines qui fonctionnaient un peu partout en France jusqu'en 1940. Ces mutuelles furent en effet réquisitionnées à la création des caisses primaires d'assurance maladie, ce qui permit de ne pas les faire démarrer à zéro. Mais le système initial mariait de façon intelligente la solidarité et la liberté économique, par le plafond de base des cotisations qui était instauré : les cotisations étaient proportionnelles jusqu'au niveau de salaire correspondant au SPSS (salaire plafond de la SS), et ensuite elles restaient constantes. Ainsi plafonné, le système restait une assurance, c'est indéniable. Même des assurances privées, aujourd'hui, pratiquent ce genre de solidarité à des degrés divers. Solidarité qui consiste à faire payer raisonnablement plus cher à ceux dont la situation est solide et stable pour permettre des tarifs faibles ou presque nuls à ceux qui débutent dans la vie professionnelle ou qui ont été victimes de malchances : il n'y a là-dedans ni droite ni gauche, quel Français refuserait la solidarité à ce niveau-là ? C’est si évident qu'il n'y a même pas besoin d'en débattre ! Pour les allocations familiales, le système était lui aussi assez honnête, parce que seuls les enfants en étaient bénéficiaires. Nous l'avons dit plus haut, au départ, il y avait et le salaire unique et un pouvoir d'achat relatif deux fois et demi plus élevé qu'aujourd'hui. Donc jusqu'en 1970, le système des allocations familiales, en dépit de son caractère socialisant, n'était guère critiquable et en tout cas n'aurait jamais justifié que quiconque tentât de s'y soustraire. Mais voilà, aujourd'hui, les allocations familiales ne sont plus ce qu'elles ont été, et en 1975, les technocrates ont décidé de déplafonner totalement la plupart des cotisations de l'assurance maladie. Là, ce n'est plus de la solidarité, c'est du dévoiement d'assurance. Les CPAM, ce faisant, n'ont plus d'assurance que le nom et fonctionnent comme un impôt proportionnel. On peut en dire autant de la CSG, qui finalement, étend ce principe fiscal, dans le PLS, aux autres postes que la maladie. Ce déplafonnement aboutit à faire payer dix fois plus cher pour les mêmes prestations quiconque gagne dix fois plus. Ce qui est profondément injuste, puisque celui qui gagne dix fois plus paie déjà, au titre de l'impôt dit sur le revenu, entre dix et trente fois plus. Le dévoiement en arrive là à une insupportable discrimination rapidement paupérisante et spoliatrice, au mépris du travail qualifié et de tout ce qu'il implique comme sacrifices initiaux, et permanents tout au long de la carrière. Le comble du cynisme et de l'aliénation mentale est atteint quand ces mêmes fiscalisateurs enragés préconisent d'exclure de tout ou partie des remboursements de la SS ceux qui y contribuent le plus, et combien plus ! Face à un tel cynisme, ce n'est pas être un salaud que de fuir légalement ce système dévoyé, c'est de la légitime défense ! A qui la faute ? Ceux qui s'enfuient ainsi sont des humains comme les autres, parfaitement ouverts à l'idée de solidarité envers les plus faibles. La plupart de ceux qui partent ainsi ne le font pas de gaîté de cœur. Ils ne s'y résignent que lorsque la coupe est pleine et que la menace de spoliation se double de basses insultes à l'endroit de ceux que l'on entend ponctionner et reponctionner. Le sous-entendu péjoratif que véhicule l'adjectif ''riche'' devient vraiment difficile à vivre. Et maintenant, c'est l'adjectif ''aisé'' qui prend le relais de cette proscription organisée d'en haut par les détenteurs momentanés de tout pouvoir ! Les mots ''riche'' et ''aisé'' finissent par revêtir le même sous-entendu infâmant qu'ont revêtu naguère, sous d'autres cieux, mais pour des raisons hélas très voisines, les mots ''juif' et ''sémite''. La solidarité s'en va et il ne reste plus que de la haine, de tous côtés, la haine catastrophique, la haine, comme l'a si bien décrite le poète dans son célèbre poème : ''La haine est le tonneau des pâles Danaïdes ''. Conclusion de la conclusion : ça ne peut plus durer ! Si le gouvernement désirait vraiment remettre de l'ordre dans ce système, il devrait rendre les cotisations CAF aux Français, supprimer toutes les allocations familiales pour enfants, et financer par l'impôt les prestations CAF actuelles qu'il tient à conserver (en particulier, allocations logement, allocations-dépendance, allocations-handicap, aides spécifiques aux rares familles d'au moins cinq enfants - les seules actuellement gagnantes – etc.). Cela coûterait bien moins cher qu'on ne pense : les 7 % d'augmentation des salaires nets augmenteraient la base imposable, et l'augmentation de pouvoir d'achat doperait l'économie, donc diminuerait le chômage. Certes, ces 7 % d'augmentation de salaire net ne diminueraient pas en valeur absolue les actuelles ''charges sociales patronales'', mais elles diminueraient notablement le pourcentage des ces charges dans le SBT, et en même temps diminueraient notablement le pourcentage des prélèvements à la source sur le SBT. Donc à courte échéance, l'érosion monétaire aidant, cette réforme n'aurait que des effets bénéfiques et sur les entreprises et sur les salariés. Parallèlement, le gouvernement devrait corriger son erreur d'avoir encore démoli un peu plus le système du quotient familial, car ce dernier est la seule façon juste d'aborder la question de la politique de la famille sans pénaliser celles qui font le choix de ne pas avoir d'enfant, ou de n'en avoir qu'un. Il suffit de se souvenir que les allocations familiales, c'est Daladier et les ''radsoc'', c'est l'avant-guerre 39-45, alors que le quotient familial, c'est la France du CNR, celle qui a, on l'oublie trop, remarquablement relevé le pays entre 1945 et 1958, celle où même si on abhorre le communisme, on est bien obligé de se souvenir que Maurice Thorez a dit aux ouvriers que l'heure n'était pas à revendiquer mais à ''se retrousser les manches''.... Jean-Marie Arnaudiès
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