Le mouvement anti-mondialiste ATTAC publie sur son site
    internet un long article dans lequel il reconnaît (pour la critiquer) la fin du monopole
    de la Sécurité sociale. Nous le reproduisons ci-après. 
    Europe et sécurité sociale  
     
    Si, dans le texte du projet de traité constitutionnel européen, on recherche les mots
    " sécurité sociale ", on découvre qu'ils n'apparaissent qu'une seule fois
    (pour 263 pages) à l'article 234 : 
     
    " L'union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité
    sociale et aux services sociaux assurant une protection dans le cas tels la maternité, la
    maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu'en cas de
    perte d'emploi, selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations
    et pratiques nationales ". 
     
    En clair, pour les rédacteurs du projet, la sécurité sociale n'est un droit que selon
    les règles déjà établies par l'Europe et les règles nationales. 
     
    Il est donc légitime de vérifier où en sont les directives européennes et les lois
    françaises. 
     
    Les objectifs de l'Union européenne étant, toujours selon le même projet de traité
      "d'offrir ... un marché unique ou la concurrence est libre et non
    faussée ", il est important de voir comment les directives européennes
    concilient ce principe avec celui de la sécurité sociale, c'est-à-dire celui de la
    solidarité. 
     
    Ce principe de solidarité : " chacun cotise selon ses revenus et reçoit selon
    ses besoins ", s'oppose à la logique de l'assurance privée ou chacun cotise
    selon ses risques potentiels : jeune et en bonne santé, la cotisation sera faible, vieux
    et malade, la note sera salée. 
     
    Pour fonctionner, la sécurité sociale doit disposer d'un monopole de couverture de
    l'assurance maladie, sinon, ceux qui présentent le moins de risques iront vers les
    assurances privées (moins chères pour eux) et la sécurité sociale, privée de
    ressource disparaîtra.  
     
    Très logiquement ce monopole est donc le premier obstacle que les libéraux ont tenté de
    lever : 
     
    Dés le 11 août 1992, la directive 92/49/CEE du Conseil, portant coordination des
    dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance
    directe était publiée au Journal officiel des Communautés européennes. Elle stipule : 
     
    " Considérant que le marché intérieur comporte un espace sans frontières
    intérieures et implique l'accès à l'ensemble des activités d'assurances autres que
    l'assurance sur la vie dans toute la Communauté et, dès lors, la possibilité de couvrir
    n'importe quel risque parmi ceux visés à l'annexe de la directive 73/239/CEE ; qu'à cet
    effet il est nécessaire de supprimer tout monopole dont jouissent certains organismes
    dans certains Etats membres pour la couverture de certains risques. " (Point
    10). 
     
    Au cas où il subsisterait une ambiguïté, la directive 73/239/CEE, publiée au Journal
    officiel des Communautés européennes du 16 août 1973, précise que " Les
    risques visés à l'annexe sont notamment ceux- ci : " 1. Accidents (y compris les
    accidents du travail et les maladies professionnelles) prestations forfaitaires
    ,prestations indemnitaires, combinaisons, personnes transportées. 2. Maladie prestations
    forfaitaires, prestations indemnitaires, combinaisons. " 
     
    Le 9 décembre 1992, la directive 92/96/CEE du Conseil publiée au Journal officiel des
    Communautés européennes en rajoutait une couche : 
     
    " Considérant que, dans le cadre d'un marché intérieur, il est dans
    l'intérêt du preneur d'assurance que celui ci ait accès à la plus large gamme de
    produits d'assurance offerts dans la Communauté pour pouvoir choisir parmi eux celui qui
    convient le mieux à ses besoins. " (Point 20). A cet effet, il convient
    " de permettre à tous les preneurs d'assurance, qu'ils prennent l'initiative eux
    mêmes ou non, de faire appel à tout assureur ayant son siège social dans la
    Communauté. " (Point 3). 
     
    Restait à faire passer ces directives dans le cadre de la loi française : Les lois n°
    94-5 du 4 janvier 1994 et n° 94-678 du 8 août 1994, portant transposition des directives
    92/49/CEE et 92/96/CEE des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des Communautés
    européennes, ont modifié le code des assurances et le code de la sécurité sociale : 
     
    L'article L.931-1 du code de la sécurité sociale stipule : " Les institutions
    de prévoyance sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif,
    administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants
    définis à l'article L. 931-3. Elles ont pour objet : a) de contracter envers leurs
    participants des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, de
    s'engager à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants ou de faire
    appel à l'épargne en vue de la capitalisation et de contracter à cet effet des
    engagements déterminés ; b) de couvrir les risques de dommages corporels liés aux
    accidents et à la maladie ; c) de couvrir le risque chômage. " 
     
    Mais ce premier texte ne suffisant pas, la Cour de Justice des Communautés Européennes
    (CJCE) a, par un arrêt du 16 décembre 1999 (affaire C 293/98), condamné la République
    française " pour avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des
    directives. " 
     
    Le gouvernement français s'est donc fait attribuer par le Parlement le droit de
    légiférer par ordonnances (Loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001), parue au Journal officiel
    du 4 janvier 2001. C'est ainsi qu'a paru au Journal officiel du 22 avril 2001 l'ordonnance
    n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les
    directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992. 
     
    L'article 3 de l'ordonnance stipule : " Sont abrogées les dispositions de nature
    législative du code de la mutualité dans sa rédaction issue de la loi n° 85 773 du 25
    juillet 1985 portant réforme du code de la mutualité, ainsi que les textes qui l'ont
    complétée ou modifiée. " 
     
    L'article L. 111-1 du code de la mutualité annexé à l'ordonnance stipule : "
    Les mutuelles peuvent avoir pour objet : 1) De réaliser les opérations d'assurance
    suivantes : a) Couvrir les risques de dommages corporels liés à des accidents ou à la
    maladie ; b) Contracter des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie
    humaine, verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, faire appel à
    l'épargne en vue de la capitalisation en contractant des engagements déterminés ; c)
    Réaliser des opérations de protection juridique et d'assistance aux personnes ; d)
    Couvrir le risque de perte de revenus lié au chômage. " 
     
    Claude Reichman, animateur d'un groupe poujadiste pourfendeur de la sécurité sociale
      (et qui à rappelé tous ces textes sur son site internet) pouvait ainsi conclure
    un article paru dans le Figaro : " Il ressort clairement de tous ces textes que
    les Français peuvent s'assurer librement, pour tous les risques relatifs à la maladie,
    la vieillesse, les accidents du travail et le chômage auprès de la Sécurité sociale,
    d'une société d'assurance, d'une institution de prévoyance ou d'une mutuelle. De
    nombreuses mutuelles françaises ont obtenu l'agrément des pouvoirs publics mais aucune
    à ce jour ne propose de contrats d'assurance maladie susceptibles de se substituer à la
    Sécurité sociale. Aucune société d'assurance française n'en propose non plus. Seules
    certaines sociétés d'assurance européennes pratiquent à l'heure actuelle les
    opérations ci-dessus décrites. " 
     
    Le cadre législatif est donc en place, le monopole de la sécurité sociale sur
    l'assurance maladie est déjà sérieusement entamé. Gouvernement et Medef n'ont plus
    qu'à parachever le dispositif en mettant en place toutes les mesures qui vont inciter les
    Français à " choisir " les assurances privées, au départ en proposant des
    tarifs attractifs, mais ensuite, comme le montre le modèle américain, en s'assurant de
    substantiels profits et en laissant à la collectivité le soin de boucher les trous
    béant ouverts dans la protection sociale collective. 
     
      
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