www.claudereichman.com |
A la une |
16/11/11 | Claude Reichman |
Au Club LCI, autopsie d’une catastrophe ! Chaque mois, Eric Revel anime sur LCI, la chaîne d’information télévisée qu’il dirige, une émission en public et en direct, le Club LCI. Lundi dernier y étaient invités José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et Michel Pébereau, président de BNP Paribas. L’Europe et les banques étaient donc à l’ordre du jour de l’émission. On n’a pas été déçu. Car ce que les deux personnalités invitées ont dit, avec une fermeté inhabituelle dans un débat télévisé, c’est que le drame actuel de la zone euro était entièrement de la faute des hommes politiques. Pour Barroso, ils n’ont pas joué le jeu de la construction européenne en n’assumant pas dans leur pays leurs engagements communautaires, et pour Pébereau, auteur en 2005 d’un rapport sur la dette publique française, ils n’ont à aucun moment pris les décisions qui s’imposaient pour ramener la France à l’équilibre en 5 ans au maximum, comme le recommandait le rapport. L’éclatement en cours de la zone euro est tout entier contenu dans ces deux analyses. Il était possible - mais pas certain - que l’union monétaire parvînt à surmonter l’erreur initiale de sa conception à condition de respecter la règle du jeu commune. L’erreur historique fut de créer une monnaie sans Etat : elle avait peu de chances de survivre aux différences de développement de ses parties constitutives. L’erreur politique fut que la discipline commune représentée par le Pacte de stabilité et de croissance n’a pas été respectée, à commencer par les deux principales puissances économiques de la zone, l’Allemagne et la France. A partir de là, la catastrophe était inéluctable. Sa survenue a été hâtée par la crise financière partie des Etats-Unis en 2007 et qui a obligé les Etats à augmenter leur dette, mais celle-ci était là depuis longtemps et ne cessait de s’accroître. L’Occident reposait sur une montagne de dettes qui ne pouvait que s’écrouler ! Les deux intervenants ont voulu exprimer leur foi dans la poursuite de la construction européenne, mais sans dissimuler qu’il appartenait à chaque Etat de rétablir la situation chez lui. C’était souligner cruellement le contresens qu’a constitué - et constitue encore - la tentative de régler le problème de la dette au seul niveau communautaire. Les marchés, c’est-à-dire les organismes sollicités pour prêter de l’argent aux Etats, réclament avant tout des emprunteurs fiables. A de très rares exceptions près, les pays européens ne le sont pas, à commencer par la France qui a tout juste été capable de présenter ces dernières semaines deux plans de réduction du déficit d’une vingtaine de milliards d’euros au total alors que son budget affiche un solde négatif de 100 milliards ! Les deux cents personnalités du monde économique présentes dans le grand studio de TF1 où se déroulait le Club LCI ont chaleureusement applaudi le présentateur et les deux invités. En entendant cet hommage, je me suis demandé si finalement il ne saluait pas surtout l’ère nouvelle qui allait s’ouvrir en Europe, une ère où le Vieux Continent, purgé de beaucoup d’illusions et débarrassé d’autant d’hommes politiques irresponsables, respecterait l’injonction d’André Chénier : « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques », c’est-à dire s’efforcerait enfin de concilier la modernité et les leçons du passé. Grâce soit rendue à Eric Revel d’avoir ainsi permis qu’une brise d’espoir
se lève sur le paysage dévasté où gît une nouvelle génération perdue.
|