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15/5/09 Marc Mennessier
Procès AZF : la « chaîne pyrotechnique » a déjà                      perdu plusieurs maillons

Le problème avec les chaînes, c’est qu’elles se brisent dès qu’elles perdent un seul de leur maillon. Ce genre de mésaventure se produit aussi bien avec les chaînes de collier ou de vélo qu’avec les « chaînes pyrotechniques », comme celle qui est censée être à l'origine de l'accident qui a endeuillé Toulouse, le 21 septembre 2001.

J’ai longuement décrit dans le chapitre 5 de mon livre («Un sandwich qui ne passe pas ») ce scénario invraisemblable inventé par les experts judiciaires pour soutenir la thèse de l’accusation. Un improbable mélange de produit chlorés et de nitrates déversé sur la dalle humide du box du hangar 221 aurait provoqué la formation d’un produit très instable, le trichlorure d’azote, qui a détoné. L’onde de choc se serait alors propagée, tout en s’amplifiant, à deux petits tas de nitrate d’ammonium industriel qui se trouvaient là tout contre puis à un tas plus gros d’ammonitrate avant de se transmettre par « sympathie » au stock de 300 tonnes de nitrate situé dans la partie principale du hangar de l’autre côté d’un muret de deux mètres de haut ! Je sais, c’est compliqué, mais c’est pourtant comme ça que la justice nous dit que les choses se sont passées.

Or voilà qu’en à peine deux jours d’audience, cette chaîne pyrotechnique, élaborée à grand peine par les experts judiciaires pendant les cinq années de l’instruction, a déjà perdu au moins trois de ses maillons. Normalement avec un vélo et une chaîne dans cet état, il est impossible de pédaler ou de ne pas tomber...

A lui tout seul, Michel Manent a fait sauter deux maillons. Mardi, cet ancien salarié de la MIP, une entreprise sous-traitante d’AZF a déclaré devant le tribunal que le sol du box était « complètement sec ». Jean-Louis Cramaussel, le conducteur de l’engin qui avait râclé le sol le matin du 21 septembre, vers 6h15, confirmera lui aussi qu’il n’y avait pas d’humidité à cet endroit. Or pour s’enclencher, la réaction d’amorçage entre le nitrate et le produit chloré a besoin d’eau, de beaucoup d’eau, à une concentration d’au moins 12 %, ce qui est énorme. Pour les besoins de la cause, l’expert Didier Bergues avait même postulé que le sol de ce box était « boueux » et recouvert de « flaques » de nitrates.

Deuxième maillon à avoir cédé : Michel Manent a pris tout le monde de court, y compris les avocats de la défense, en révélant qu’il n’a pas déposé ses deux petites bennes contre le gros tas d’ammonitrate mais à une dizaine de mètres de celui-ci. Pire, il invalidera le schéma que lui présente le président Thierry Le Monnyer : "Le 1er octobre 2001, quand je suis interrogé par le SRPJ, j'indique que j'ai l'habitude de verser mes bennes les unes à côté des autres, ou les unes sur les autres, les experts ont extrapolé mes propos. Ils m'ont placé mes bennes à côté de celles de M. Fauré". Précisons que lesdits experts se sont bien gardés de recontacter M. Manent lorsqu’ils ont entrepris, avec l’aide d’un géomètre, de repositionner les différents tas disposés le matin du 21 septembre dans le box. On les comprend : si les deux petites bennes de M. Manent sont distantes de plusieurs mètres, la chaîne pyrotechnique s’interrompt et le hangar 221 n’explose pas…

Enfin, tous les témoins auditionnés jusqu’à présent ont déclaré, à l’exception de ceux qui, huit ans après, ne se souviennent plus, que le gros tas de 300 tonnes de nitrates situé dans la partie principale du hangar était distant d’au moins dix mètres du fameux muret de séparation. Soit beaucoup trop loin pour que l’explosion initiée dans le box se transmette par sympathie. Sur leur schéma, les experts avaient dessiné ce fameux tas touchant ce muret de deux mètres de hauteur, quand il ne débordait pas carrément par-dessus…

Visiblement surpris par ces déclarations, pourtant prévisibles s’ils s’étaient donnés la peine de bien étudier le dossier d’instruction, certains avocats de la partie civile ont cru bon mettre en doute la bonne foi et la loyauté de ces témoignages. "Nous avons constaté que les représentants de (Total) manifestaient un intérêt pour les victimes de la catastrophe et singulièrement pour celles qui viennent témoigner", a insinué l’ancien bâtonnier Thierry Carrère, après la déposition de M. Manent. Me Carrère a raison de s'inquiéter : la thèse accidentelle ne tiendra pas jusqu'à la fin des débats.

Marc Mennessier

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