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Les buralistes viennent de déclencher la révolution

28/11/03 Claude Reichman
La moitié d'une profession dans la rue, cela ne s'était jamais vu en France. Et qui plus est manifestant avec des slogans bien davantage politiques que corporatistes. Pour le gouvernement, il s'agit de quelque chose de plus grave qu'un avertissement. D'une déclaration de guerre. En occupant à une bonne vingtaine de milliers les rues de la capitale, le 24 novembre, les buralistes ont en fait donné le coup d'envoi de la grande révolution des classes moyennes. Qui aboutira fatalement au renversement du pouvoir technocratique et prédateur que subit la France depuis trois décennies.

Comme la plupart des révolutions, celle-ci a pour origine une crise financière. L'Etat français est aussi impécunieux qu'endetté. Incapable de réduire ses dépenses, il ne vit plus que d'expédients et ne peut que tricher face aux difficultés. Dans le cas des buralistes, il eût été très facile d'éviter la révolte. En décidant d'augmenter brutalement et très fortement - officiellement pour des raisons de santé publique, en fait pour trouver de l'argent - le prix du tabac, le gouvernement a rompu le contrat passé avec la profession réglementée chargée de la vente de ce produit. En effet la très importante baisse du chiffre d'affaires des débits de tabac se traduit non seulement par une chute du revenu de ces professionnels mais aussi par celle de la valeur de leur fonds de commerce, acheté à un prix correspondant à un volume d'affaires normal. En bonne pratique démocratique, la suppression d'un statut légalement acquis - et qui plus est contre espèces sonnantes et trébuchantes - se rachète. Les militaires qui ont dû quitter l'armée après sa réforme de 1996 l'ont fait moyennant de substantielles - et légitimes - indemnités. On a même donné beaucoup d'argent aux dockers pour qu'ils quittent une profession qui ne devait son statut particulier qu'à des coups de force illégaux de ses syndicats. Pour les buralistes, rien ! A cela deux raisons. La première, c'est bien entendu le manque d'argent. Mais après tout, quand il s'agit d'éteindre un incendie, l'Etat finit toujours par trouver les fonds nécessaires. La seconde raison est en fait la seule véritable : le pouvoir énarchique s'est toujours refusé et se refusera toujours à accorder ne fût-ce que leur droit aux classes moyennes, tout particulièrement quand elles sont non salariées.

Une insistante odeur de poudre

J'ai analysé et révélé dans mon dernier livre, " Le secret de la droite ", les motifs et la logique délétères d'une telle attitude. Se sachant illégitimes, les hauts fonctionnaires qui dirigent la France depuis trente ans ont tout à redouter de la partie la plus entreprenante de la population. C'est la raison pour laquelle ils l'assomment d'impôts, de taxes et de règlements, de manière à ce qu'elle ne songe même pas à protester et encore moins à se rebeller. Dans cette optique, il n'était pas question de faire la moindre concession, autre que de façade, aux buralistes. Ces derniers l'ont parfaitement compris - enfin une profession qui comprend ! - et ont décidé d'engager les hostilités avec le pouvoir. Un combat qui ne se terminera qu'avec la défaite de l'un des protagonistes, tant est fondamental leur antagonisme.

Le plus probable est que les buralistes trouvent rapidement des relais dans d'autres professions. Le mécontentement des classes moyennes est si ancien et si profond - et si forte leur indignation face aux turpitudes d'une classe politique sans morale ni principes autres que son enrichissement personnel et l'extension sans fin de ses privilèges -que la première vraie révolte contre les princes qui nous gouvernent sonnera comme un branle-bas de combat.
Le pouvoir est aujourd'hui si faible et méprisé qu'il ne résistera pas longtemps à la formidable poussée qui va se produire. Et ce ne sont pas les bourgeois roses du parti socialiste qui pourront faire quoi que ce soit pour sauver un régime auquel ils doivent eux aussi tant d'enrichissement et de confort. En réalité, l'affrontement se fera entre ceux qui travaillent et font vivre le pays et ceux qui ne rêvent que de le détruire, c'est-à-dire toute l'engeance trotskiste et gauchiste, que les gouvernants actuels comblent de prévenance et d'argent tant elle lui est utile à faire peur aux laborieux en leur donnant à penser qu'ils ont plus à craindre de leurs exactions éventuelles que de celles, bien réelles, des politiciens en place.

De ce combat, nul ne peut douter que les classes moyennes sortent victorieuses. A deux conditions. La première est d'utiliser l'arme fatale dont elles disposent : l'argent de leur travail. En le retirant au pouvoir - et il y bien des façons de le faire, en commençant par ne plus le prêter à l'Etat par le biais de l'assurance-vie -, elles s'assureront la maîtrise de la situation et obtiendront sans mal la fuite - oui, la fuite - de tous les mauvais gouvernants. La seconde, est de se donner un programme ferme et clair, afin que les nouvelles élections se fassent sur ce fondement et sur lui seul et que nul ne puisse s'aviser ensuite de le trahir, comme cela est toujours le cas quand on ne s'est engagé que sur des généralités.

En voyant passer le cortège des buralistes, le 24 novembre 2003, j'ai su immédiatement que ce jour servirait à dater une nouvelle ère. Ils étaient calmes et disciplinés, mais il flottait dans l'air une insistante odeur de poudre. Qui n'était pas due seulement à l'explosion des pétards.

Claude Reichman

 

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