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21/7/09 Jean-Louis Caccomo

Revenus : qu’est-ce qu’un juste partage ?

Le revenu global d’un pays est nécessairement la contrepartie de sa production. En ce sens, au niveau agrégé de l’économie nationale, le revenu national et le produit national sont deux dimensions d’une même grandeur. Au niveau individuel, le revenu économique est la contrepartie de la contribution de l’agent à l’effort global de production. Dans une économie en nature, le produit et le revenu sont identiques. Robinson sur son île ne pourra consommer que ce qu'il aura produit.

Dans une économie monétaire composée de millions d'individus, l’agent économique doit recevoir sous forme monétaire l’exacte contrepartie de ce qu’il a produit. Cependant, dans la réalité, l’estimation exacte de cette grandeur est problématique. Si on interroge n’importe quel individu, il estimera toujours que son revenu est insuffisant, qu’il ne gagne pas ce qu’il mérite réellement. Dans l’économie moderne, la production est un phénomène socialisé dans le sens où, en raison de la division sectorielle toujours plus fine du travail – entre les entreprises et dans l’entreprise elle-même -, personne ne peut plus produire isolément sans le concours des autres acteurs économiques (privés et publics).
Les principaux acteurs du système économique moderne sont ceux qui apportent les facteurs de production (capital, travail, matières premières, compétences, services publics) et ceux qui les combinent à l’intérieur d’une entreprise (l’entrepreneur). La mobilisation des facteurs de production dans l’entreprise donne lieu à la création et à la distribution d’un revenu économique. Ainsi, le processus de production de richesses est dans le même temps un processus de répartition des richesses, sous la forme de distribution directe de revenu.

Le revenu qui ne dépend d’aucun effort productif est considéré comme une rente. Par contre, les salaires rémunèrent le travail, ce dernier pouvant être manuel, physique et/ou intellectuel. Les intérêts rémunèrent l’apport des capitaux (c'est un service bancaire), via le système bancaire. Les dividendes rémunèrent l’apport des capitaux (c'est un service financier), via les marchés financiers. Les profits rémunèrent l’entrepreneur. Tous ces revenus étant le fruit d’une décision (un arbitrage) et d’un acte économiques, ils sont tous nécessaires et légitimes. Rien ne sert d'opposer les revenus entre eux sauf à entretenir la confusion mentale et morale qui règne aujourd'hui et entretient la crise économique.

Si un travailleur ne reçoit pas un salaire à la hauteur de sa productivité, il y a un risque de démotiver le travailleur qui pourra quitter l’entreprise à la moindre proposition qui s’avèrera plus intéressante. Ce turn-over représente un coût pour l’entreprise dans la mesure où un travailleur expérimenté contribue à la performance globale de l’entreprise. Plus le travailleur est compétent, plus il mobilise un capital humain qu’il a dû lui-même acquérir au terme d’un processus de formation souvent long et coûteux.

De la même manière, un acteur économique doit payer des intérêts s’il veut pouvoir emprunter de l’argent, s’il veut être crédible au sens littéral du terme (obtenir du crédit). Honorer le service de la dette fait partie intégrante de la crédibilité qui permet à l’entreprise de lever des fonds. C’est pour cette même raison que l’entreprise cotée en bourse doit aussi distribuer des dividendes si elle veut garder la confiance de ses actionnaires, sans laquelle elle ne pourrait augmenter son capital. Enfin, sans des profits suffisants, aucun entrepreneur ne se lancerait dans ce processus hautement risqué de combinaison des facteurs. Ce processus est pourtant au cœur du fonctionnement même de l’économie car, sans les entreprises, tous les autres revenus seraient virtuels.

La machine économique implose lorsque les travailleurs veulent obtenir un salaire sans fournir en contrepartie du travail et/ou des compétences réelles et évaluées, ou lorsqu’ils veulent recevoir des dividendes sans acquérir les actions correspondantes qui seules donnent droit à une partie des bénéfices. La machine économique implose lorsque les entrepreneurs perçoivent des profits sans prendre en contrepartie le risque de la création d’entreprise et de l’innovation. La machine économique implose lorsque les banques perçoivent des intérêts sans fournir en contrepartie des capitaux aux investisseurs tout en assumant le service non seulement de l’intermédiation mais en évaluant au mieux les projets économiques qui seront financés à l’aide de l’épargne des ménages déposée dans les établissements bancaires.

Dans un contexte d'implosion économique, le fonctionnement économique harmonieux laisse la place à un champ de bataille à l’intérieur duquel chacun cherche à vivre aux dépens des autres.

Jean-Louis Caccomo

 

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