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19/11/08 Bernard Martoïa

Causes et remèdes des faillites bancaires

Au début de mon article du 30 août 2008 relatif à la responsabilité particulière de Fannie Mae et Freddie Mac dans la débâcle des prêts hypothécaires, j'avais dressé la liste des neuf banques régionales américaines qui ont fait faillite depuis le début de l'année. Sans surprise, la liste s'est allongée depuis : Silver State Bank à Henderson dans le Nevada, Ameribank à Northfork en Virginie de l'Ouest, Washington Mutual Bank à Park City dans l'Utah, Main Street Bank à Northville dans le Missouri, Meridian Bank à Eldred dans l'Illinois, Alpha Bank & Trust à Alpharetta en Géorgie, Freedom Bank à Bradenton en Floride, Franklin Bank à Houston au Texas et Security Pacific Bank à Los Angeles en Californie.

Leur faillite n'a pas eu le retentissement médiatique de Lehman Brothers, une banque d'investissement qui était un pilier de Wall Street. Comme le rythme de faillite des banques régionales s'accélère, on ne peut échapper à la comparaison avec la crise de 1929... En 1930, 904 banques américaines firent faillite dans le sillage du krach boursier. A la fin de la présidence de Herbert Hoover, le total s'élevait à 4004 !

La création du FDIC

Voté le 16 juillet 1933, le Glass-Steagall Act était une loi cadre bancaire. En sus de la séparation des activités des banques dites commerciales (clientèle privée) et d'investissement (entreprises) il a créé le FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) Ce fonds fédéral agit comme un assureur. Si une banque fait faillite, le fonds s'engage à indemniser les particuliers à hauteur d'un plafond révisable. En 1933, ce plafond fut fixé à 10.000 $ par compte. Il est maintenant de 250.000 $. Le but de ce fonds est de prévenir un "bank run", car la rumeur de faillite d'une banque entraîne inévitablement un raz-de-marée des déposants pour retirer leur argent.

La critiquable collectivisation du risque

Franklin Delano Roosevelt était opposé à cette approche car il pensait qu'elle déresponsabiliserait les banques. Il céda en raison de l'urgence de trouver une solution. Sur le principe, il n'avait pas tort car le collectivisme est une source permanente de déresponsabilisation. Alain Dumait, l'ancien patron des Quatre Vérités a écrit, le 15 octobre 2008, un bon article intitulé "Sauver la France plutôt que les banques." Il a raison de fustiger la cupidité et la crasse ignorance des banquiers à l'égard des produits dérivés, que Warren Buffett, le sage d'Ohama, a surnommé les armes de destruction massive de richesse. Mais la crise actuelle demande des mesures exceptionnelles car la situation est comparable à celle de 1930, quand l'attentisme prévalait.

Le conseil d'administration du FDIC

Il fixe le ratio de participation des banques commerciales. A la fin de l'année 2007, le FDIC disposait de 52.4 milliards de dollars. Cela représentait une réserve de 1.22% pour assurer les dépôts des particuliers, qui s'élevaient à 4.3 trillions de dollars. Présidé par Mme Sheila Bair, le conseil d'administration du FDIC, qui s'est réuni, à la fin du premier semestre 2008, a constaté que la réserve était tombée à 1.01 %. Au dessous du seuil de 1.15%, le FDIC est tenu de faire appel aux banques pour un renflouement. C'est ce qu'il est train de faire. Il n'y a donc pas lieu de gaspiller l'argent du contribuable par des renflouements indiscriminés. C'est ce que vient de comprendre Henry Paulson, le secrétaire au Trésor américain.

La discipline du FDIC

Pour bénéficier de l'assurance du FDIC, les banques se conforment à des critères de liquidité et de réserve. Elles sont classées en cinq groupes selon leur capitalisation par rapport au risque encouru.

1) les banques bien capitalisées avec un ratio supérieur à 10%.
2) les banques adéquatement capitalisées avec un ratio compris entre 8 et 10%.
3) les banques sous-capitalisées avec un ratio inférieur à 8%.
4) les banques significativement sous-capitalisées en dessous de 6%.
5) enfin les banques critiquement sous-capitalisées en dessous d'un seuil de 2%.

Dès qu'une banque descend au dessous du seuil de 8%, elle reçoit un avertissement du FDIC. Quand elle descend en dessous de 6%, le FDIC force la banque à prendre des mesures correctives. Enfin, quand la banque est critiquement sous-évaluée (<2%), le FDIC déclare la banque insolvable et se substitue à sa direction.

La réforme du FDIC

Le FDIC a été épargné par la désastreuse dérégulation financière. Il a fait néanmoins l'objet d'une réforme importante en 2005. Le Federal Deposit Insurance Reform Act a créé la fusion du Bank Insurance Fund (BIF) et du Savings Association Insurance Fund (SAIF) dans un nouveau fonds appelé Deposit Insurance Fund (DIF)

Le SAIF fut la réponse apportée à la crise des Savings & Loan des années 1980.

Il coûta la bagatelle de 150 milliards de dollars au contribuable américain. 747 associations de Savings & Loan firent faillite. L'origine de cette crise hypothécaire que l'on a vite oubliée, est imputable à la dérégulation de 1982 instituée par le Garn & Saint Germain Depository Institutions Act, sous la houlette de l'administration Reagan. Ces associations caritatives, qui dataient du début du XIX siècle pour aider les pauvres à acquérir un bien immobilier, sortirent de leur mission traditionnelle et se lancèrent dans des opérations réservées jusque là au secteur bancaire. Ce fut une erreur car le métier de banquier ne s'improvise pas.

A cela, il faut ajouter la décision démagogique de l'administration Carter de garantir les prêts hypothécaires en question à hauteur de 100.000 $. En sus, elle s'engagea à aider non plus à hauteur de 70% mais de 100% les gens qui faisaient défaut sur leur prêt !

Ces Savings & Loan accordaient un prêt à taux fixe de 5%. Quand le nouveau gouverneur de la Fed, Paul Volker, mit en oeuvre en 1979 sa politique monétariste de réduction de l'agrégat M2 pour casser l'inflation, les Savings & Loan durent se refinancer à 10 % sur le marché interbancaire. Sur les 3800 Savings & Loan recensées en janvier 1981 à la passation de pouvoir entre Carter et Reagan, 3300 étaient dans le rouge. Reagan leur offrit la potion libérale. Ce fut le coup de grâce porté à ces organisations caritatives qui se trouvèrent directement en compétition avec les banques commerciales. La même erreur fut commise en 1999 avec la disparition du Glass-Steagall Act. Les banques d'investissement ne purent lutter à armes égales avec les banques commerciales qui disposaient des fonds colossaux de leur clientèle privée. Cela est en train de se retourner contre les mastodontes européens qui essuient des pertes énormes.

Pour la création d'un "Glass-Steagall Act" à l'échelle de l'Europe

L'Europe a une monnaie unique - l'euro - mais il lui manque cruellement les institutions et les régulations nécessaires à sa survie dans la tempête que nous traversons. On l'a bien vu quand les États européens se sont portés à la rescousse de leurs banques nationales. Ils agissent en rangs dispersés alors que la crise appelle une réponse commune.

Il faut une loi cadre comparable au Glass-Steagall Act de 1933 aux États-Unis.

1) instaurer une séparation stricte des activités entre banques commerciales et banques d'investissement. Les banques seraient sommées de choisir leur statut juridique dans un laps de temps très court.

2) créer, sur la lancée, un fonds européen basé sur le modèle américain FDIC pour venir en aide uniquement aux banques commerciales.

Bernard Martoïa

 

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