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Nous sommes à l'heure où Ceausescu s'aposte à son balcon |
27/11/04 | Claude Reichman |
Racontez l'histoire d'une famille pauvre. Tel était le sujet de
rédaction donné à ses jeunes élèves par l'instituteur de cette école située dans un
quartier cossu. L'une des copies était ainsi rédigée : " C'était une famille
pauvre. Tout le monde était pauvre. Les parents étaient pauvres, les enfants étaient
pauvres, la cuisinière était pauvre, le maître d'hôtel était pauvre, le chauffeur
était pauvre, les jardiniers étaient pauvres, tout le monde était vraiment très
pauvre. " Cette famille, c'est la France et l'on ne voit pas comment elle pourrait
s'en sortir sans licencier la plus grande partie de ceux qui vivent en principe au service
des autres, en fait à leurs crochets. La pire façon de considérer le problème consiste à discuter de l'utilité de chacun. C'est ainsi que se déroule le débat actuellement. A cette aune, on ne trouve que des gens indispensables. Et du coup on ne voit pas comment on pourrait s'en passer. C'est la raison pour laquelle tout le monde ne cesse de s'appauvrir. La bonne méthode est radicalement différente. Elle consiste à faire payer les services de chacun directement par ceux qui les utilisent. A partir de ce moment, tout le monde sait ce que cela lui rapporte et lui coûte et peut donc considérer le problème en fonction de ses revenus. C'est ce que voulait dire Verlaine quand il regardait dans sa bourse pour voir s'il avait encore soif. Et c'est ce qu'on appelle la solution libérale. Bien entendu, ce n'est pas par hasard que le débat est biaisé, voire empêché. Quand dans un pays tout le monde fait un travail dont l'utilité est vérifiable par chacun, personne ne craint d'être mis sur la sellette et si cela se fait - car l'être humain a souvent une vision spontanément étroite et donc fausse - la vérité finit par se faire jour, fût-ce à l'issue d'un conflit où tout a été mis sur la table. Mais quand au contraire le quart de la population active travaille, comme c'est le cas en France, à des fonctions dont aucun de ceux qui les paient ne peut vérifier dans les faits l'utilité ni la façon dont elles sont remplies, et quand en outre la quasi-totalité des habitants reçoit des allocations de toutes natures, dont la plupart n'ont qu'un rapport très lointain - voire pas de rapport du tout - avec une activité présente ou passée, il n'existe aucun moyen pour quiconque d'y voir clair et le pays s'enfonce dans la malgouvernance, le gâchis et la pauvreté. Tel est le cas de la France contemporaine, après plus d'un demi-siècle de croissance ininterrompue de l'Etat et de la société d'assistance. Et les Français sont dans la situation des prisonniers de la caverne, tels que les décrit Platon. Ce qu'ils voient sur le mur de leur cachot n'est qu'un jeu d'ombres auquel ils ne comprennent rien. Une bave malsaine coule des naseaux de l'Etat Très différente serait la situation si les hommes politiques et les médias faisaient leur travail. Ce qu'on attend de ceux qui, par leurs fonctions, savent mieux que les autres, soit parce qu'ils disposent des meilleures sources d'information et de l'intelligence nécessaire pour comprendre, soit parce que c'est leur métier de s'informer et de faire savoir, c'est une volonté sans faille d'être dignes de leur mission. Or, en France, on compte sur les doigts d'une main les hommes politiques et les journalistes qui répondent à cette définition (et encore la main compte-t-elle trop de doigts pour cet usage). Le résultat est un abaissement dramatique du débat démocratique, quand ce n'est pas sa disparition pure et simple. Ajoutons à cet ensemble de causes mortifères la véritable intoxication pratiquée avec autant de mauvaise foi que d'impudence par les clercs d'Etat que sont devenus la plupart des universitaires, qui publient des monceaux de livres et d'articles où ils fustigent le libéralisme par crainte de devoir un jour rendre des comptes sur la réalité de leur travail et le bien-fondé de leur rémunération. Du coup on ne voit plus que la faillite comme solution. C'est évidemment le cas de la famille décrite par la rédaction enfantine. Elle n'a pas pu durablement employer autant de personnel et, très vite, tout le monde a dû faire face à la situation créée par le manque de ressources. Dans le cas de l'Etat, les choses vont plus lentement. D'abord parce qu'à la différence du chef de famille, il peut soutirer par la force de l'argent à tout le monde. Et ensuite parce que si cela n'est pas suffisant, il peut s'endetter au-delà de ce qui serait raisonnable pour n'importe quel particulier ou n'importe quelle entreprise. Mais l'exercice finit par trouver ses limites. Et celles-ci sont en train de se laisser apercevoir en France. Le secteur privé est en quasi faillite. Il ne reste en vie qu'à coups de licenciements et de délocalisations, et chaque jour qui passe apporte son lot de mauvaises nouvelles. Or l'Etat obèse et dispendieux qui pèse sur la France ne peut, tel le Minotaure, vivre sans son énorme ration quotidienne de chair fraîche. Sans elle, il dépérit. On le voit déjà s'allonger sur le flanc, tandis qu'une bave malsaine coule de ses naseaux. La faillite de l'Etat va suivre inévitablement celle du secteur privé. Parce qu'il en
est à vendre les bijoux de famille pour payer son fonctionnement et parce que ses
prêteurs les plus nombreux ne sont autres que ceux qu'il ruine, à savoir les
travailleurs et épargnants français. L'heure de vérité approche pour tout le monde en
France. Claude Reichman
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