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La France est devenue un cercueil volant 

24/9/05 Claude Reichman
De quelque côté que l'on se tourne, on ne voit que des signes d'affolement au gouvernement, dans le parti qui le soutient et dans celui qui alterne avec lui au pouvoir depuis des décennies. Ce n'est donc pas d'une simple crise politique qu'il s'agit, mais bien d'une grave crise de régime comme nous le disons depuis longtemps. La Ve République est entrée dans sa phase terminale.

Pour qu'un régime s'effondre, il faut que soient réunies trois conditions : l'existence d'un très gros problème, un pouvoir politique faible et un lobby puissant opposé à la solution du problème. Ces conditions se sont trouvées réunies à la fin de la IVe République. L'Algérie posait un problème majeur, le pouvoir, miné par les querelles de partis, était faible, et le lobby des pieds-noirs attachés au maintien de l'Algérie française avait trouvé le renfort de l'armée, appelée à lutter contre l'insurrection et désireuse d'effacer l'échec indochinois. On connaît la suite.

Des conditions de même type sont aujourd'hui réunies. Le système social français, construit dans la phase d'expansion économique des " trente glorieuses ", est à présent un obstacle insurmontable à l'adaptation du pays à la concurrence internationale créée par l'ouverture généralisée des frontières. Le pouvoir politique, après trois décennies d'échec dans la lutte contre le chômage, est discrédité et a peur du peuple. Et le pouvoir syndical, appuyé pour l'essentiel sur les fonctionnaires qui peuvent à tout moment bloquer le fonctionnement du pays, se trouve renforcé par la masse immense des assistés en tous genres qui attendent tout de la redistribution étatique.

A moins d'une réforme complète du système social, l'économie du pays ne peut que s'effondrer chaque jour un peu plus. Et c'est ce que l'on constate. Les entreprises déposent leur bilan ou se délocalisent, le chômage n'est contenu qu'à coups d'emplois artificiels qui aggravent la crise par les prélèvements fiscaux supplémentaires qu'ils nécessitent, et les déficits, loin de diminuer se creusent, tandis que l'endettement augmente comme une irrésistible marée, laissant apercevoir avec de plus en plus de netteté le spectre de la banqueroute.

Dans l'attente du choc fatal

Face à ces évènements, le pouvoir est aussi démuni que contre l'offensive allemande en 1940. Et c'est à un véritable exode des populations qu'on est en train d'assister. Les Français ne se jettent pas sur les routes, qui de toute façon ne les conduiraient nulle part, mais ils se replient sur eux-mêmes dans l'attente du choc fatal qui détruira l'existence relativement confortable à laquelle ils s'étaient habitués et qu'ils croyaient destinée à durer éternellement. Ils sont à présent convaincus qu'aucun des partis politiques ni des hommes en place n'est capable de les sauver. Et ils ont raison de le penser. Dans l'actuelle majorité, l'opposition entre Villepin et Sarkozy est complètement artificielle, aucun des deux hommes ne voulant remettre en cause le système sinon à la marge, tandis que le parti socialiste, menacé sur sa gauche par des enragés, s'est lancé dans une surenchère fiscale qui va à l'encontre de ce que les partis de gauche modernes, dans les autres pays, ont fini par admettre, à savoir l'incompatibilité du marché avec des prélèvements obligatoires supérieurs à ceux des concurrents.

Dès lors il n'est pas difficile de prévoir ce qui va se passer. L'aggravation de la crise économique et sociale va rapidement atteindre les organismes chargés de distribuer l'assistance. Déjà, la Cour des comptes, qui prend moins de gants avec les professions libérales qu'avec les salariés, annonce que les régimes de retraite des professions de santé sont " en situation de banqueroute virtuelle ", mais on peut en dire autant de toutes les caisses sociales françaises. Quant à ceux dont les traitements et les pensions sont payés par l'Etat, ils auraient tort de se croire à l'abri : que deviendra la protection publique quand la matière fiscale aura été laminée par la crise économique ?

En un mot comme en cent, le problème français se résume à l'impérieuse nécessité de remettre le pays au travail. Et pour cela de baisser, progressivement mais rapidement, les dépenses publiques et sociales non pas de 10 %, ce qui nous ramènerait au niveau de l'Allemagne qui, même en dépensant moins que nous ne s'en sort pas, mais de 35 %, ce qui nous permettrait de rivaliser avec les pays occidentaux qui réussissent le mieux. Soit dit en passant, cette réduction nous ramènerait à un taux de dépenses publiques d'environ un tiers du PIB, un pourcentage qui rappellera quelque chose à Jacques Chirac, puisque c'est celui que le général de Gaulle estimait qu'on ne devait pas dépasser, comme il le disait à un jeune ministre nommé … Jacques Chirac, lequel a pendant longtemps aimé rappeler ce sage précepte qu'il a si bien bafoué.

Il est clair que le régime actuel est incapable à tous égards de procéder à un changement aussi important de l'organisation économique et sociale de notre pays. Cette tâche incombera à un nouveau pouvoir qui se bâtira sur les décombres de celui qui règne aujourd'hui sur la France et qui la pilote si mal qu'elle est en train de plonger vers l'abîme. Au moment où les passagers aériens refusent de monter dans les avions-poubelles, il serait prudent que les Français renvoient l'équipage qui a fait de leur pays un cercueil volant.

Claude Reichman

 

 

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