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20/2/09 Jean Bonsujet

Chronique du Grand Merdier

Inapte 1er bat en retraite aux Isles des Mers Lointaines

Quelle erreur ! Mon Dieu, quelle erreur ! Notre souverain Inapte 1er se doutait-il de ce qui allait arriver lorsqu’il envoya vers les Isles du Grand Merdier, où la crise commençait de sévir, Yves Gigot, son sinistre des Mers Lointaines. Chacun sait au Grand Merdier que Sa Sautillante Majesté est affligée de transpiration. A plus forte raison devait-il se douter que ce mal frapperait naturellement le sieur Gigot à peine aurait-il posé le pied sur l’Isle de Guadeloupe, où la température est chaude d’un bout de l’année à l’autre.

Et ce qui devait arriver arriva. Il ne fallut que quelques journées d’harassantes conversations avec les protestataires pour que le pauvre Gigot se lamentât d’avoir perdu dix livres de son poids. L’effet sur les populations fut immédiat et terrible. Chacun comprit dans l’Isle qu’un Gigot ainsi réduit n’annonçait rien de bon, mais un surcroît de privations.

Depuis, plus rien ne va. La méfiance règne. Les Isliens, dépités de n’avoir reçu qu’un cadeau rétréci, ne démordent pas de leurs requêtes, auxquelles le Vizir François Filons (qu’on sait sempiternellement sur le départ) n’a pas cessé d’opposer le plus ferme refus, au motif qu’il n’appartient pas à l’Etat impérial de payer les desservants des fabriques privées.

Oui, mais voilà : avec Inapte 1er, un non n’est jamais définitif. Il suffit de soutenir fermement sa protestation pour que Sa Sautillante Majesté fasse amende honorable et engage une retraite en rase campagne. C’est exactement ce qui s’est passé dans l’affaire des Mers Lointaines.

L’Isle de Guadeloupe, que certains appellent affectueusement le Petit Merdier, parce qu’elle est au fond le modèle réduit et exagéré de notre Grand Merdier national dont elle présente tous les vices, du plus petit au plus grand, s’est si bien arrêtée de vivre, toutes voies carrossables interdites aux coches et aux calèches, toutes boutiques privées de subsistances, toutes écoles empêchées d’accueillir les jeunes ignorants destinés à le rester, toutes administrations, d’ordinaire si avenantes, n’offrant que portes closes aux malheureux Petitmerdiens venus chercher en leur sein un peu de chaleur humaine, que l’Empire s’est vu sur le point de chavirer pour peu que la révolte des Mers Lointaines s’en vînt à contaminer tous ses peuples. Alors notre Souverain, l’Empereur Inapte 1er en personne, s’est résolu à prendre en main la querelle et à la trancher en faveur de la réclamation.

A l’heure où cette chronique se rédige, nul ne sait encore, aux Isles des Mers Lointaines ou dans le Grand Merdier profond, comment cette fièvre va aboutir. L’abcès va-t-il crever ou la gangrène va-t-elle gagner tout le territoire de l’Empire ? Inapte ne décolère pas contre le malheureux Gigot, qui n’avait pourtant contre lui qu’un patronyme inapproprié et une nature fongible. Mais qui pourrait sérieusement reprocher à ce pauvre sinistre, englué dans une querelle qui dépassait ses modestes forces, d’avoir, même maladroitement, tenté d’apaiser l’émeute, en cédant, à la fin des fins, aux demandes de subsides des Isliens de Guadeloupe, quand Sa Sautillante Majesté, Inapte 1er, n’a fait, avec quelques journées de retard, qu’emboîter le pas à ses solutions.

Allons, tout n’est pas perdu quand il demeure encore des espaces où puissent s’organiser les plus audacieux reculs. Les grands peuples ne sont-ils pas ceux qui toujours ont su trouver en leur sein d’illustres stratèges pour concevoir tant de géniaux replis et abandonner d’immenses portions du territoire grandmerdien à de malheureux adversaires incapables de les administrer ?

Jean Bonsujet

 

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