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29/10/11  

Chacun renfloue tout le monde !

Le projet européen apporte quelque chose à chacun, sauf qu’il ne règle pas le vrai problème.

Quelqu'un est-il surpris de ce que l'Europe a forgé ? Contrairement aux titres des journaux, les décideurs politiques européens n'ont pas quitté hier matin Bruxelles avec le plan "final révolutionnaire" mettant fin aux crises d'endettement de la zone euro qu’ils avaient promis plus tôt dans la semaine. Les détails sont encore fragmentaires sur la plupart des mesures annoncées, y compris celles destinées à augmenter la puissance de feu du fonds de sauvetage de l'Union européenne et à soutenir les banques du continent. Les désaccords restants sont graves. Cela signifie que nous sommes loin d’en avoir fini avec les sommets de la « dernière chance. »

Ce que ce sommet met en évidence, c’est que l’approche à petits pas n’apporte pas une solution réelle et durable si les décideurs européens continuent d'ignorer l'anémie économique sous-jacente qui dure depuis des décennies. « Le patient s’est levé de son lit et il n’est pas tombé. » C'est leur définition du progrès.

L’accord de jeudi matin offre le genre de fourre-tout familier à Bruxelles. La Grèce reçoit un autre paquet d'urgence pour un montant de 130 milliards d’euros. Des conduits sont rafistolés pour augmenter le débit de l’usine à gaz mais le roi est nu.

La plus grande réalisation de l'accord est d’imposer une décote « volontaire » de 50% sur la dette grecque. C'est un progrès pour un continent qui, il y a quelques mois seulement, n’osait pas prononcer ce mot.

Mais c’est une maigre consolation maintenant que la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et les gouvernements de la zone euro détiennent environ 40% de l'ensemble de la dette grecque, un chiffre qui ne fera que croître avec la maturation des obligations du secteur privé. Tant que ces institutions refuseront de prendre leurs pertes sur leurs avoirs grecs, le secteur privé de la Grèce restera étouffé par la surcharge de la dette. Tenez-vous bien les côtes : « L’effacement volontaire d’une partie de la dette devrait permettre de réduire l'encours de celle-ci à 120 % de son PIB en 2020… » Cela permet de botter en touche dans le meilleur des scénarios.

Pour éviter que la dépréciation de la dette grecque entraîne la faillite des banques européennes, l'accord prévoit une série de mesures pour les recapitaliser. L’une demande que les banques de la zone euro atteignent un ratio de fonds propres de 9 % en juin 2012. L'Autorité bancaire européenne (A.B.E) estime que cela équivaut à une recapitalisation de 106 milliards des plus grandes banques européennes. Que cette nouvelle exigence règle le problème des banques reste à voir. Chacun se souvient que la banque franco-belge Dexia avait atteint cette exigence avant de se déclarer en faillite.

Autre volet de la recapitalisation des banques : les gouvernements nationaux devront augmenter leurs garanties. La déclaration de l'ABE souligne que ces garanties publiques sont nécessaires pour soutenir les banques "dans le contexte de préoccupations croissantes en matière de dette souveraine." La traduction en langage clair est la suivante : « Plus de capitaux publics et de garanties des contribuables sont nécessaires pour désamorcer les craintes alors que ces mêmes gouvernements d'Europe sont surendettés. »

Cela nous amène au dernier volet du sommet : un accord pour gonfler l’effet de levier du Fonds européen de stabilité financière de 440 milliards d’euros. Bien entendu, les détails de sa mise en œuvre seront négociés plus tard, mais le fonds est désormais autorisé à agir comme un assureur obligataire, en garantissant les pertes pour un montant non encore déterminé sur les nouvelles émissions d’obligations souveraines.

La base juridique est douteuse au regard du Traité de Rome, qui interdit explicitement aux États membres de garantir mutuellement leurs dettes. Et l'assurance ne sera pas bon marché quand les obligations des États solvables seront mélangées avec celles des États insolvables. Une garantie mutuelle peut réduire la probabilité de défaut mais elle augmente considérablement son coût.

En bref, tout le monde va renflouer tout le monde. Le plus grave problème de cet accord est que les dirigeants européens continuent d’agir comme s’ils étaient confrontés à une crise de confiance qui pourrait être résolue avec toujours plus de plans de sauvetage de grande envergure. Est absente des communiqués de cette semaine une réforme économique structurelle, à la fois à la périphérie et au centre de la zone euro, qui pourrait susciter une réelle confiance sur le long terme. Le nouveau plan de sauvetage de la Grèce ne fixe aucune condition à la mise en œuvre de réformes structurelles.

Sans surprise, les marchés ont salué la bonne nouvelle, l'euro gagnant 2,4 % par rapport au dollar. Ce n'est pas la première fois qu'un sommet de Bruxelles provoque un soulagement des marchés. Mais sans une croissance économique qui passe par une réforme fondamentale, ce sommet ne restera qu’un énième palliatif dans l’histoire mouvementée de la zone euro.

Editorial non signé du Wall Street Journal du 29 octobre 2011



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