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8/10/06 Florin Aftalion

Le champion de Jacques Chirac a mis un genou à terre.

Le président français Jacques Chirac a inauguré le mardi 16 juillet 2002 à Blagnac, le site d'assemblage de l’avion géant Airbus A380 dont il a fait le symbole de la coopération européenne capable de damer le pion à l’Amérique. Par son discours même il en a fait aussi le symbole de l’interventionnisme étatique.

Quatre ans plus tard le champion de Jacques Chirac a mis un genou à terre.

Alors que le premier A380 devait entrer en service au printemps de cette année, les retards se sont accumulés. A l’heure actuelle on nous annonce qu’un seul A380 serait livré en 2007 et que l’ensemble du projet a pris au moins deux ans de retard. Les clients ayant commandé des avions qui ne leur seront pas livrés dans les délais prévus recevront des compensations financières qui pénaliseront Airbus Industries de 4,8 milliards d’euros. A cette débâcle s’en ajoute une autre : l’A350, un autre avion devant concurrencer Boeing, ne satisfait pas ses utilisateurs et sa conception même doit être revue. Un remplaçant, l’A350 XWB est annoncé. D’où de nouveaux retards, de nouveaux délais et de nouvelles pertes estimées à quelques 2 milliards d’euros.

Les spécialistes estiment que les causes des problèmes d’Airbus tiennent pour beaucoup à la dispersion des sites de production dans les pays qui sont partie prenante du projet. La France et l’Allemagne se sont ainsi entendues pour que l’A380 soit construit à la fois dans les deux pays. Il fallait bien montrer qu’il s’agit d’une véritable coopération ! Et puis chaque gouvernement veut montrer qu’il crée des emplois. D’où l’assemblage à Toulouse de morceaux de fuselage fabriqués pour partie à Hambourg et pour partie sur place. D’où aussi l’incompatibilité entre les câblages des morceaux français et allemands constatée bien trop tard et les difficultés rencontrées pour y remédier.

Bien sûr, la logique voudrait que l’ensemble des fuselages soient fabriqués à Toulouse (ou à Hambourg) afin de mieux coordonner leur montage et d’abaisser les coûts de fabrication. C’est ce que voudrait réaliser le nouveau patron d’Airbus, Christian Streiff, appelé en urgence pour redresser la situation. Mais la logique politique l’entend autrement. Les Allemands ont investi 750 millions d’euros pour aménager le site de Hambourg et ne sont pas prêts à le sacrifier. Puis il y a la question de l’emploi. Les économies que devrait obtenir Christian Streiff exigent des suppressions de postes (surtout en Allemagne si le fuselage de l’A380 devait être entièrement fabriqué à Toulouse). Enfin, Airbus devrait faire plus largement appel à la sous-traitance dans les pays à coûts de main d’œuvre faibles, ce qui, on s’en doute, est politiquement tabou. Mais les responsables politiques interdisant les nécessaires réductions de coûts, Christian Streiff pourra-t-il ne pas démissionner ?

Il est peu probable que la logique économique l’emporte sur la logique politique. Ce qui signifie que le champion de Jacques Chirac aura du mal à se relever sur ses deux jambes. Un KO est même à craindre !

En effet, les problèmes d’Airbus tiennent au fond à un mauvais choix stratégique. Dans son discours de Toulouse, Chirac avait insisté sur ce qu’il appelle « l'impérieuse nécessité » pour la France d'investir massivement dans les hautes technologies. Or, le choix de l’A380 plutôt que de l’A350 (un avion à long rayon d’action moins avancé technologiquement que l’A380) comme vecteur du développement commercial de la société Airbus implique précisément un tel choix. On peut penser qu’il a été fortement inspiré, si ce n’est imposé, par l’Elysée.

Malheureusement, ce choix a conduit au fiasco constaté aujourd’hui. Le bon choix est celui du rival Boeing. Son 787 Dreamliner connaît un tel succès commercial qu’il pourrait forcer Airbus à retirer son A350 XWB, un avion de la même famille, du marché. Et le succès commercial de l’A380 étant très incertain, quel pourra bien être l’avenir d’Airbus, ce fleuron de l’industrie européenne ?

Florin Aftalion

 

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