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Claude Reichman |
Claude Reichman Sarkozy, l’homme qui ne sait pas gouverner « Je propose depuis des années, sans succès, un amendement à la Constitution. Le voici : “Toute personne disposée à faire ce qui est nécessaire pour devenir président des Etats-Unis se voit aussitôt interdire cette fonction.” » Alan Greenspan, « Le temps des turbulences » (JCLattès).
*** Nicolas Sarkozy, cité par Bruno Le Maire, directeur de cabinet du premier ministre, Dominique de Villepin, à la date du 31 juillet 2006, dans « Des hommes d’Etat » (Grasset).
*** Charles Pasqua. Chapitre 1 Le syndrome du dernier poste Ainsi donc, Nicolas Sarkozy est président de la République. Depuis le 6 mai 2007. Elu largement avec 53 % des suffrages contre 47 % à Ségolène Royal, il bénéficie aussitôt d’une cote de confiance élevée dans les sondages. Une dizaine de mois plus tard, au moment où est écrit ce livre, sa cote s’est effondrée. Le phénomène est sans précédent par sa rapidité et sa brutalité. Que s’est-il passé ? Beaucoup incriminent l’agitation et l’ostentation de sa vie privée, marquée par un divorce et un rapide remariage, des vacances coûteuses, un goût prononcé pour le clinquant. D’autres jugent que ce sont ses promesses d’améliorer le pouvoir d’achat des Français qui n’ont pas été tenues et lui valent la défaveur de l’opinion. D’autres encore soulignent qu’il s’est trompé de politique économique en mettant en œuvre une stratégie de la demande au lieu de privilégier l’offre, c’est-à-dire l’allègement des charges qui pèsent sur les entreprises. Certains mettent en cause l’ouverture du gouvernement à des personnalités de gauche, mal reçue par l’électorat qui a porté Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat. Toutes ces explications sont fondées et leur addition a forcément un effet dévastateur sur la cote du président de la République. Mais elles ont le défaut d’avoir les unes et les autres un caractère conjoncturel. Elles laissent supposer que si Nicolas Sarkozy adoptait une politique économique appropriée et un comportement personnel plus mesuré et discret, il retrouverait la confiance des Français et pourrait dès lors envisager l’avenir avec un optimisme retrouvé. Malheureusement pour le chef de l’Etat, cette hypothèse est fausse. Ou plus exactement elle n’a pas la moindre chance de se réaliser. Car le mal dont souffre le président est d’une toute autre nature, et rien, absolument rien, ne peut le guérir. Tout simplement Nicolas Sarkozy a atteint son niveau d’incompétence. A ce stade, il n’a plus le choix qu’entre tenter désespérément de gouverner au plus près de ses promesses électorales – et dans ce cas sa santé et son équilibre nerveux et mental n’y résisteront pas – et oublier ses engagements pour se consacrer à des objectifs mineurs que ses qualités lui permettront d’approcher et peut-être même d’atteindre, mais qui laisseront le pays sur sa faim au risque de provoquer la défaite du président s’il veut se représenter au terme de son mandat, voire sa démission prématurée sur fond d’agitation populaire ou même d’émeutes. Ce qui arrive à Nicolas Sarkozy est un phénomène connu depuis toujours mais qui a été popularisé par un ouvrage paru à la fin des années soixante et intitulé « Le principe de Peter ». Ses auteurs, L. J. Peter et R. Hull, expliquent que dans tout système hiérarchisé – et c’est le cas de l’immense majorité des organisations humaines – « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité », autrement dit que « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence ». Ce niveau atteint, l’intéressé souffre inexorablement du « syndrome du dernier poste », qui se manifeste par des troubles physiques pouvant aller, selon les auteurs, de l’ulcère à la constipation, en passant par la transpiration excessive des mains, des pieds et des aisselles, les spasmes musculaires, la migraine, etc. Le lecteur avisé aura observé que certains de ces maux frappent notoirement Nicolas Sarkozy. « Les malades souffrant du syndrome du dernier poste, écrivent Peter et Hull, aiment à croire que leur incompétence dans le travail est provoquée par leurs affections physiques. » Mais il n’en est rien, puisque l’enchaînement causal est exactement inverse. Le pronostic des auteurs est à cet égard sans appel : « Certains médecins croient leur patient sur parole et s’attaquent au symptôme physique sans chercher la cause. Ils soignent par des médicaments ou bien ont recours à la chirurgie, et peuvent ainsi apporter un certain soulagement, mais qui sera de courte durée. Le patient ne peut devenir compétent à force de médicaments, et il n’existe aucune tumeur d’incompétence qu’un bistouri puisse extirper. » Les conseils de bon sens n’obtiennent évidemment pas plus de résultats : « Reposez-vous, ne travaillez pas tant, apprenez à vous détendre, dit-on fréquemment. De tels conseils sont sans effet. Beaucoup de malades souffrant du syndrome du dernier poste sont anxieux parce qu’ils savent fort bien qu’ils ne font pas un travail utile. Ils ne peuvent guère suivre les conseils leur enjoignant d’en faire encore moins. » Les observateurs politiques ont tous noté l’agressivité dont fait souvent preuve le président de la République à l’égard de ses collaborateurs et des membres du gouvernement. Il est sans exemple dans l’histoire de la Ve République que le président traite publiquement d’ « imbécile » son porte-parole (c’est qui est arrivé à David Martinon lors d’une interview rapidement interrompue par le chef de l’Etat sur une chaîne de télévision américaine), ou, plus grave encore, que le premier ministre qui, selon la Constitution, est à la tête d’un gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la Nation », soit qualifié de simple « collaborateur » par le président, tandis que les ministres se voient collectivement tancés et menacés de n’être pas reconduits dans leurs fonctions lors d’un prochain remaniement. Là encore, il s’agit d’un comportement classique en présence d’un tel syndrome. Le professeur Peter s’est interrogé afin de savoir ce qui se passe dans l’esprit des individus souffrant du syndrome du dernier poste : « Dans la plupart des cas, j’ai découvert peu de connaissance de soi. Cependant, quelques-uns de mes sujets se faisaient psychanalyser et j’ai pu obtenir des rapports de psychiatres démontrant que les patients rendaient les autres responsables de leurs difficultés. Si l’analyse se poursuivait en profondeur, on constatait une plus grande acceptation de son moi. Cependant, je n’ai jamais observé, chez aucun individu, une compréhension du système hiérarchique ni de la promotion en tant que cause directe de l’incompétence. » Si la médecine et la psychanalyse sont impuissantes, le cas de l’individu victime du syndrome du dernier poste est-il désespéré ? Pas forcément. Car, d’après les recherches du professeur Peter « le seul traitement qui puisse donner des résultats serait la thérapeutique de distraction : “ Apprenez à jouer au bridge”, “ Commencez une collection de timbres”, “Essayez le jardinage”, “ Devenez cuisinier de barbecue”, “ Mettez-vous à peindre”. Le médecin sensé comprend que son malade est mal à l’aise à son travail, alors il essaie de distraire son attention de ses problèmes en lui conseillant une activité à son niveau. » Une activité à son niveau ! L’expression sonne comme une condamnation
sans appel pour un haut responsable. Et y-a-t-il plus haut responsable qu’un
chef d’Etat, chargé de veiller sur la sécurité et l’activité de millions, de
dizaines de millions, parfois de centaines de millions de citoyens ?
Pourtant, les peuples, dans leur grande sagesse et dans l’infinie souplesse
de comportement qui est la caractéristique essentielle de l’espèce humaine,
parviennent le plus souvent à s’accommoder de la carence de leur principal
dirigeant. Mais cela passe en général par des phases chaotiques et par des
drames collectifs et individuels que seule l’accession au pouvoir d’un
individu incapable d’assumer sa fonction a provoqués.
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