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Claude Reichman

Sarkozy, l'homme qui ne sait pas gouverner


 

Epilogue

                                          

A l’heure où sont écrites ces lignes, Nicolas Sarkozy achève la troisième année de son mandat. Il lui en reste donc deux. Autrement dit son bilan est d’ores et déjà établi. Car les deux années à venir seront consacrées exclusivement à son éventuelle candidature à un second mandat. Telle est la règle de tout quinquennat renouvelable.

Son bilan sera vite fait : une agitation permanente, aucune réalisation concrète. Les prétendues réformes dont il se targue n’ont strictement rien changé aux problèmes fondamentaux de la France. En revanche il a parlé chaque jour et à toute occasion, et ces discours ont été filmés par les télévisions et dûment diffusés au peuple reconnaissant. Ce mode de gouvernement par la parole est celui qu’ont adopté Fidel Castro et Hugo Chavez, deux éminents démocrates, comme chacun le sait.

A sa décharge, Sarkozy pourrait évoquer le fait que le président des Etats-Unis tient un point de presse quotidien et s’exprime régulièrement devant les micros et les caméras. Mais ce mode de communication est quasi institutionnel aux Etats-Unis, participe du droit du citoyen d’être informé des actes de l’exécutif, se pratique avec simplicité et sobriété et n’est l’objet d’aucune critique de forme de l’opposition. Autrement dit, il s’agit d’un exercice démocratique et accueilli comme tel par le pays. Rien à voir avec la pratique de Sarkozy qui est de la pure propagande et de l’autocélébration obsessionnelle.

Au point qu’on se demande si ce garçon sait qu’il a été élu président de la République en 2007 ! En effet ses allocutions sont toutes des discours de campagne électorale, et celui qui les prononce ne se rend pas compte du choc qu’ils produisent dans l’opinion au regard de la dégradation continue de la situation en France. Tout homme politique sachant un peu gouverner s’abstiendrait de cette logorrhée, se ferait discret pour donner au moins l’illusion qu’il travaille à ses dossiers, et ne s’exprimerait que pour annoncer des mesures concrètes ou pour faire le point de ses réalisations. Sarkozy vit dans l’illusion que tant qu’il parle, il vit politiquement. En réalité, il se suicide, et c’est sans doute le but recherché tant il se sait au fond de lui-même incapable de gouverner.

Sarkozy n’est évidemment pas responsable de la crise mondiale. Mais celle-ci n’a fait qu’aggraver les difficultés de la France. Elle ne les a pas créées. Les trente années qui l’ont précédée sont précisément celles que Sarkozy a exclusivement consacrées à la politique. Il a donc vu se créer et s’amplifier les problèmes du pays. Il y a pris sa juste part, aux postes relativement secondaires qu’il a occupés pendant cette période, sauf à partir de 2002 où devenu ministre de l’Intérieur, il a voulu faire de la lutte contre l’insécurité sa marque de fabrique. Sa politique de la poudre aux yeux n’a évidemment donné aucun résultat positif, sauf pour lui qui a réussi, grâce à elle, à se faire élire président de la République.

Mais au moment où la partie utile de son quinquennat s’achève, force est pour tout observateur lucide de constater que Sarkozy n’a eu aucune action positive sur les principaux problèmes de la France. Notre pays continue d’accumuler les déficits et la dette, au point d’être « en faillite » comme l’a reconnu le Premier ministre, François Fillon, il ne parvient toujours pas à intégrer les immigrés qui se pressent en grand nombre et à un rythme plus soutenu que jamais dans ses frontières, tandis que la pauvreté, la misère et l’insécurité ne cessent de s’étendre.

Ce bilan désastreux, Sarkozy le partage en grande partie avec l’ensemble de la classe politique. Pas un seul d’entre ses membres, qu’il soit dans la majorité ou l’opposition, n’échappe à cette critique accablante. C’est d’un naufrage collectif qu’il s’agit, même si Sarkozy se trouve être à la tête de l’Etat au moment où l’heure de vérité est imminente. La faute, la grande faute de tous ces hommes et ces femmes qui ont voulu ou veulent encore diriger le pays est de n’avoir pas compris sa véritable situation. La France s’est ouverte à la concurrence européenne et mondiale pendant le dernier demi-siècle et ses gouvernants successifs ont cru qu’ils pouvaient maintenir un mode d’organisation conçu et organisé à une époque où le coq gaulois chantait sur son tas de fumier à l’intérieur de frontières étanches !

Ce à quoi l’on assiste donc en ce moment, c’est à l’effondrement de ces structures pourries jusqu’aux moelles. Un Etat dont les dépenses publiques atteignent 55 % du produit intérieur brut du pays n’est pas viable dans le contexte mondial actuel. Les pays qui réussissent ne dépassent pas 36 % et même un pays comme l’Allemagne, auquel nous devrions adapter rigoureusement notre démarche, parce qu’il est notre principal partenaire économique et qu’il est avec nous le pilier de la zone euro, dépense 9 points de PIB de moins que nous. Autrement dit, nous devrions dépenser 180 milliards d’euros de moins pour être compétitifs avec l’Allemagne. Rappelons que le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne nous permet d’économiser que quelques centaines de millions !

L’Etat français va donc s’effondrer comme toute structure vermoulue, comme toute espèce inadaptée au changement de son environnement. Et Sarkozy risque fort d’être encore président de la République au moment où cet accident inouï se produira. Il en endossera donc la responsabilité et l’image aux yeux de l’histoire. Drôle de destin pour ce petit homme qui rêvait de devenir grand et qui aura si bien réussi à duper ses compatriotes qu’ils lui ont permis de soigner son ego au prix de leurs souffrances. Il ne sera certes pas seul, dans le récit des siècles, à devoir assumer un tel rôle aux yeux de l’humanité. Mais en ces temps difficiles, ce n’est certes pas un tel homme que la France aurait dû choisir pour la gouverner, si elle avait été elle-même consciente des enjeux de l’époque. Un tel aveuglement collectif ne peut être le fait que d’un peuple gravement perturbé par son système de gouvernement.

La France finira par guérir, mais au prix de combien d’années de souffrance ? C’est désormais la seule incertitude qu plane sur notre destin. Elle ne doit pas nous empêcher de nous battre quotidiennement contre le mauvais sort. C’est la grandeur de l’homme que d’effacer de sa vue et de ses pensées les responsables de ses malheurs. A cette aune, le nom de Nicolas Sarkozy n’aura pas même la taille de celui qui le porte.

FIN


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