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Chirac veut un référendum pour donner le pouvoir à la gauche et éliminer Sarkozy |
18/7/04 | Claude Reichman |
L'annonce faite par Jacques Chirac, lors de son entretien télévisé du
14 juillet, d'un référendum au cours de la deuxième partie de l'année 2005 ne doit
rien à l'Europe et tout à la politique intérieure. S'il n'était en perdition, le
président de la République aurait à l'évidence choisi de faire ratifier la
constitution européenne par la voie parlementaire. Il sait en effet fort bien qu'un
référendum est le plus souvent, en France, l'occasion pour les électeurs d'exprimer un
mécontentement qui est sans rapport avec la question posée. On peut d'ailleurs
s'interroger sur cette particularité française et en inférer que le système électoral
fonctionne curieusement dans notre pays, dans la mesure où le peuple ne peut exprimer son
véritable sentiment que lorsqu'il est interrogé directement et non quand on lui demande
d'élire des représentants. Quoi qu'il en soit, il fallait de bien puissantes raisons pour acculer Chirac au référendum. Et ce sont les suivantes. Comme lors de ses précédentes arrivées au pouvoir, Chirac n'a pu tenir plus de deux ans après sa victoire à l'élection présidentielle de 2002. Sa crédibilité est proche de zéro dans l'opinion et surtout la situation économique et sociale est catastrophique. Il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'en étonner. Chirac, depuis qu'il est entré en politique, n'a eu que deux idées en tête : arriver au pouvoir et maintenir le système en place. On pourrait dès lors s'étonner des problèmes qu'il rencontre alors qu'il a atteint ses deux objectifs. C'est que précisément ceux-ci sont incompatibles l'un avec l'autre. Aucun homme politique français ne peut conserver le pouvoir actuellement s'il ne s'attaque pas avec succès à la réforme de l'Etat et du système social. La France a des impôts et des charges beaucoup trop lourdes pour lui permettre d'affronter à armes égales la concurrence internationale. Or celle-ci est devenue la règle. A partir du moment où l'on ne réduit pas le poids de l'Etat et qu'on ne taille pas dans les dépenses sociales, on condamne le pays à la crise économique permanente et donc à la crise de société. De quoi est-il quotidiennement question dans l'actualité en France ? De fermetures d'entreprises, de délocalisations et de licenciements. N'importe quelle personne sensée établit aussitôt un rapport direct entre cette catastrophe sociale permanente et sans cesse aggravée et le montant des charges qui pèsent sur l'économie du pays. Pas les politiques ! Le nouvel Alcibiade En réalité ils le savent aussi bien que n'importe qui, mais ils sont à juste titre convaincus que s'ils touchent à quoi que ce soit du système qui régit la France depuis un demi-siècle, c'est leur pouvoir qui s'effondre. Nous avons bien des fois démontré que le régime politique français est fondé sur l'abaissement du citoyen. Si celui-ci n'est plus accablé de règlements, de charges et d'impôts, il va inévitablement relever la tête, regarder autour de lui et s'apercevoir qu'il est dirigé par des politiciens cupides et sans scrupules, qui n'ont en tête que leur enrichissement personnel et se soucient comme d'une guigne du bonheur du peuple. Dès lors, le sort de ce régime est intimement lié au montant des prélèvements obligatoires. Baisser ces derniers, c'est, pour les politiciens, signer leur arrêt de mort. On comprend pourquoi ils ne le font pas ! La méthode a démontré son efficacité depuis un tiers de siècle. L'année 1974 a connu deux évènements majeurs, qui trouvent leur aboutissement logique dans la crise actuelle : le premier choc pétrolier et l'arrivée au pouvoir, en France, de la technocratie en la personne de M. Giscard d'Estaing. C'est de cette conjonction qu'est venu le drame. Car dans tout accident, il n'y a jamais une seule cause. La technocratie aurait fort bien pu diriger une France fermée sur elle-même. Mais dès lors qu'en même temps s'ouvraient nos frontières et que les pays producteurs de pétrole provoquaient une grave crise économique, il fallait aussitôt prendre des mesures fortes pour faire face à la situation. En France, on a fait le contraire. On a voulu faire croire au peuple que le prélèvement opéré sur ses ressources par la hausse brutale du prix du pétrole serait sans conséquences sur son niveau de vie, et on a répondu à la crise par des mesures administratives qui paralysaient les énergies au lieu de les libérer et de les mettre au service du pays. Chirac est aujourd'hui en place alors que s'achève dans le drame un cycle infernal dont il a été, pendant les dernières trente années, l'acteur majeur et le principal responsable. Il n'est pas fréquent dans l'histoire qu'un dirigeant politique soit confronté aux conséquences finales de ses actes. L'inextinguible soif de pouvoir de Chirac lui joue ce mauvais tour. Incapable de rien changer dans le déroulement des faits qui nous conduisent à la catastrophe terminale, il lui faut à tout prix trouver une porte de sortie. Elle a pris la forme d'un référendum. Chirac sait fort bien qu'il le perdra. Mais, pour lui, ce sera tout bénéfice. Il pourra alors arguer de la situation créée par cet échec pour dissoudre l'Assemblée nationale et donner le pouvoir à la gauche. Ne disposant d'aucune solution, celle-ci perdra en quelques mois toute crédibilité aux yeux des électeurs et Chirac pourra se représenter en 2007 avec une sorte de nouvelle virginité politique. C'est là tout son calcul, auquel on ne négligera pas d'adjoindre le moyen que lui fournira le référendum d'enterrer Sarkozy. Ce dernier ne pourra que militer pour le oui, sera battu avec le président de la République et n'aura pour tout titre à faire valoir que celui d'avoir contribué à la défaite de son camp. Pas de quoi vous faire apparaître en recours ! Un député qui le connaissait bien disait, il y a une vingtaine d'années, de l'actuel président de la République : "Chirac, c'est Alcibiade ". Il voulait dire : un homme qui fait perdre son pays. Bien vu ! Claude Reichman
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