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Chirac veut nous hisser tout seul jusqu'à la misère |
2/4/04 | Claude Reichman |
On sait enfin à quelle tendance de gauche appartient Jacques Chirac. Il
est marxiste, tendance Groucho. C'est par une extraordinaire coïncidence qu'on a
découvert son secret. En même temps que les Français infligeaient au président de la
République et à ses partisans une monumentale dégelée, la télévision diffusait
"Monnaie de singe", un film classique des Marx Brothers. Et l'on pouvait
y entendre Groucho proférer fièrement cette inoubliable formule : " Je me suis
hissé seul jusqu'à la misère ! " C'est alors que tout le monde a compris. Oui,
l'ambition de Chirac, c'est bien de nous hisser tout seul jusqu'à la misère. Et il est
en train de réussir ! Voilà plus de trente ans que Chirac est entré en politique. Les pires trente années que la France ait connues depuis longtemps, si l'on excepte les guerres. Et de tous ces malheurs, Chirac est l'instrument principal. Son ambition dévorante, jointe à une totale absence de convictions, de scrupules et de sens moral, en ont fait l'adversaire de tout autre pouvoir que le sien et, une fois élu à la charge suprême, le fossoyeur des espérances de la France. Tel est l'homme que nous retrouvons aujourd'hui à l'Elysée détenteur d'encore trois ans de mandat et privé de toute autorité, sinon de pure forme, et de toute prise sur les évènements. Ayant nommé, après sa réélection en 2002, un gouvernement dirigé officiellement par Jean-Pierre Raffarin et en fait très directement par lui-même, Jacques Chirac a cueilli aux élections régionales le fruit de ses exploits. Rarement sanction populaire aura été aussi massive et sévère. Pas gêné, Chirac a remis en selle une équipe gouvernementale à peine modifiée et s'est aposté aux étranges lucarnes pour dire tout le mal qu'il pense de la façon de gouverner de l'ancienne, fixant à la nouvelle un cap inouï consistant à obtenir des économies en dépensant davantage. Et comme il ne veut plus d'une réforme de l'assurance maladie par la méthode des ordonnances, il en renvoie le moment à une date indéterminée, ne laissant plus d'autre issue à son gouvernement que d'augmenter la CSG. Le tout dans un contexte marqué par l'abrogation du monopole de la sécurité sociale, par l'illégalité de la CSG au regard des dispositions communautaires et par la possibilité d'y échapper en s'assurant en toute légalité auprès d'une société européenne. Difficile d'avancer en terrain plus miné. Ultime répétition de la cérémonie d'enterrement Qu'importe : Chirac fonce droit dans le mur. En klaxonnant. Ah ! la presse française ! Figée, incapable de la moindre question gênante, indigne des exigences d'une démocratie moderne. Il faut avoir vu les journalistes américains interroger le président des Etats-Unis pour savoir ce qu'est une véritable information du public. Les deux momies du 1er avril face au pharaon lui-même momifié et flétri depuis une éternité, cela vous avait un furieux air de péplum égyptien, musique d'ambiance en moins. Voilà, c'était en France, c'était notre belle démocratie, c'était une des ultimes répétitions de la cérémonie d'enterrement qu'on s'apprête à célébrer pour porter en terre un régime qui ne connaît plus le sens du mot gouverner. Et tout cela, c'est le grand uvre de Chirac. Chapeau l'artiste. Le seul qui soit incapable dans le petit monde du cirque de faire une roulade sans se casser la figure. Si, il y a les clowns. Mais eux ils font exprès. Bref, cela va mal. Et de plus en plus mal. " Mon Dieu, qu'allons-nous devenir ? ", marmonnent déjà les pleureuses. Tandis que de plus mâles accents lancent d'un air entendu : " Ca va péter ! " Et pourtant tout le monde sait bien ce qui manque au pays. Un chef, un vrai, pas un mannequin orné d'un menton mais un homme issu du peuple, qui le comprenne et sache parfois le secouer pour son bien et celui du pays. Et qui lui inspire le respect. C'est bien de cela que manquent le plus Chirac et les politiciens qui se partagent le pouvoir en cercle fermé depuis trois décennies. La Ve République étouffe les crises politiques comme l'euro étouffe les crises monétaires. Mais sans en faire disparaître les causes, qui cheminent sourdement jusqu'à l'explosion finale. Et l'impuissance caractérise le régime français actuel, comme elle avait conduit le précédent à sa perte. Que faut-il donc pour gouverner la France ? De l'intelligence certes, et du courage, mais surtout de la vertu, comme dans tout système démocratique digne de ce nom. On en est loin. Il n'y a partout que traîtrise, forfaiture et prévarication. Les scandales judiciaires éclosent à chaque détour des procédures comme des pustules sur un corps infecté. Les malversations financières semblent être devenues le mode de gestion ordinaire d'une économie rendue folle par les tourments que lui infligent la politique et l'administration. Tout va mal, tout va mal, tout va mal. Jusques à quand Catilina ? Jusques à quand Chirac ? Non, décidément, l'émule de Groucho ne nous fait plus rire ! Claude Reichman
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