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15/7/23 Claude Reichman
     

 

                    Nous sommes devenus des clodos !

On ne reprise plus les chaussettes. Tout le monde a considéré cela comme un signe d’enrichissement et de progrès. Eh bien il va falloir recommencer. Une loi de 2020 le prévoit. Elle a pour nom loi sur l’économie circulaire. Ce qui, comme toutes les dénominations actuelles, ne veut rien dire. Si vous croyez que cette loi a pour objet de vous faire tourner en rond pour réaliser des économies, vous vous trompez. Une loi à cet effet était strictement inutile, puisque vous faites déjà ce qu’elle ordonne. En réalité l’économie circulaire c’est tout simplement la récupération des déchets.

Au-delà des plaisanteries faciles, cette loi est un signe terrible. Elle dit à tout le monde que nous sommes un pays de fauchés. Quand on en est à faire subventionner par l’Etat la réparation des chaussures ou des vêtements (7 euros pour un talon, 25 euros pour une doublure), la prime à l’épouillage n’est pas loin. Tous clodos, mes amis, voilà notre destin !

Je me souviens d’une époque pas si lointaine où s’habiller dignement le dimanche avec des vêtements neufs était un signe d’intégration à la société. Mais il y avait encore une société. Aujourd’hui elle n’existe plus qu’aux rares occasions d’émotions populaires et se dissout aussitôt l’apaisement revenu. En ce moment par exemple la disparition d’un jeune enfant a jeté la France dans l’inquiétude et l’affliction et dans la solidarité avec les forces de secours qui le recherchaient. La victoire de l’équipe de France de rugby à l’automne prochain sera peut-être une autre occasion pour le peuple de se sentir français. Mais rien de tout cela ne remplace le sentiment permanent d’appartenance.

Ce sentiment d’appartenance a disparu avec le développement irrésistible de l’Etat providence. D’autant que celui-ci s’est rapidement transformé en Etat surveillance. Plus rien, en France, n’échappe à l’Etat. Sauf bien entendu la préparation de notre avenir, puisque l’Etat est incapable de le prévoir et de l’organiser. Et cette croissance de l’Etat a provoqué l’appauvrissement du pays. La raison en est parfois très mal comprise des citoyens. Ils ne voient pas pourquoi l’Etat ne réussit pas à apporter la sécurité et la prospérité aux Français alors qu’il est dirigé par des responsables hautement diplômés et clamant leur dévouement à la nation.

La réponse à cette question est pourtant d’une grande simplicité. L’Etat surveillance ne réussit rien parce qu’il ne fait rien correctement. Et ce défaut rédhibitoire n’est dû qu’à l’absence de toute responsabilité chez ses exécutants. Ce manque est même le signe pathognomonique (en médecine ce terme désigne un symptôme qui suffit à diagnostiquer une maladie) de la croissance cancéreuse de l’Etat.

Il n’est quand même pas difficile de comprendre que quand on n’est pas responsable d’une action quelle qu’elle soit, on n’est pas incité à la mener à bien. Certes il y a de agents de l’Etat dévoués et attentifs à leurs actes, mais quand l’Etat s’est bâti sur le principe fondateur de l’irresponsabilité de ses agents (même si celle-ci n’est pas proclamée, chacun peut constater qu’elle règle leur conduite), il ne faut pas s’attendre à de bons résultats.

L’exemple le plus flagrant est celui de la justice. C’est la raison pour laquelle elle est détestée des Français. Et de façon plus générale, les Français n’aiment pas leurs fonctionnaires. Le résultat de leur action est là pour démontrer que ce sentiment est justifié. L’Etat providence et l’Etat surveillance ont pourri la vie des Français. Et seule la disparition de ces deux Léviathan et leur remplacement par un Etat modeste et efficace pourra sauver notre pays du déclin et du malheur qui le frappent.

La suppression d’un Etat omnipotent est chose difficile. Car il se défend bien. Il n’y a aucun mal, car les soutiens s’empressent autour de lui. Soutiens intéressés évidemment. Partout, dans un pays aux mains de l’Etat, on a faim de nominations, de subventions et de décorations. Et même les penseurs de la liberté ont été rendus inoffensifs, car universitaires ils sont fonctionnaires. Si bien que leurs travaux s’apparentent, bien malgré eux, à la vie d’une secte.

Il ne reste donc qu’à attendre l’effondrement du système. Mais c’est là que se situe le nœud du problème. Le système ne s’effondrera pas si on ne l’y aide pas. Il ne s’agit nullement de fomenter des émeutes. Car elles tournent toujours à l’avantage du pouvoir. La clé de la réussite est la persuasion du peuple. Celui-ci est très attentif à l’action de ceux qui prennent sa défense et lui dessinent un avenir. Son indifférence apparente n’est que légitime prudence face à un Etat prompt à se venger de toute dissidence. Mais le peuple voit tout. On s’en aperçoit quand un régime s’effondre. Le peuple l’avait toujours prévu !

Chaque ligne, chaque mot en faveur de la liberté du peuple est utile. Personne n’avait entendu l’appel du général de Gaulle le 18 juin. Mais tout le monde l’a su. Comment expliquer sinon que dans les pires régimes communistes, quand la panique a gagné le pouvoir, le peuple s’est aussitôt tourné vers les dissidents pour assumer le pouvoir ?

La Ve République a fini par transformer les Français en clodos. Cela ne lui sera pas pardonné. Même pauvre et misérable, le peuple garde sa dignité. On veut l’obliger à repriser ses chaussettes. Il trouvera le moyen de tailler à ses lamentables dirigeants le costume qu’ils méritent.

Claude Reichman


 

 

 

 

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