L’Hermione a failli ne pas partir ! 
	 
	Regardez cette magnifique image de l'Hermione revenant de sa tournée 
	américaine. Quelle beauté, quelle fierté, quel honneur d'avoir construit un 
	si beau vaisseau, exacte réplique de la première Hermione du jeune Lafayette 
	parti aider les Etats-Unis à gagner leur indépendance. La France possède 
	encore des hommes et des femmes, des artisans capables d'une telle prouesse.
	Puis fermez les yeux et imaginez un inspecteur du travail montant à bord 
	avec son gros code rouge sous le bras, saisissant son stylo à bille et 
	notant sur son bloc-notes la liste des manquements scandaleux à la sécurité.
	 
	Je cite, au hasard... : 
	 
	- la coque : en bois, un encouragement honteux à la déforestation de la 
	planète. 
	- les échelles de corde : pas aux normes, elles doivent être en aluminium et 
	révisées chaque année par la commission de sécurité. 
	- les poulies : pas aux normes, elles sont encore en bois au lieu d'être en 
	acier. 
	- les vergues : pas aux normes, envoyer des marins là-dessus est une insulte 
	au code du travail, installer de toute urgence des moteurs électriques sur 
	chaque filin ou un ascenseur sur chaque mât. 
	- les voiles : pas aux normes, peuvent se déchirer et blesser un marin en 
	cas de coup de vent, monter un vrai moteur sur ce bateau. 
	- les ponts : pas aux normes, dangereux en cas de pluie, poser un revêtement 
	plastique antidérapant. 
	- le bastingage : pas aux normes, on peut être éjecté en cas de tempête, 
	boulonner un grillage protecteur d'au moins 2 m au-dessus. 
	- la passerelle d'accès : pas aux normes, puisque la pente dépend de la 
	marée, rendant l'accès impossible aux personnes handicapées. 
	- les quarts de nuit : en plein vent, par tous les temps, doivent être 
	effectués dans un local protégé. 
	- les ordres à la voix : peuvent conduire à de graves laryngites, installer 
	micros et haut-parleurs à chaque poste de travail.  
	Refermez de nouveau les yeux et imaginez un inspecteur de l'Urssaf 
	arrivant à bord avec son très gros très code très rouge sous le bras, 
	saisissant son stylo à bille et notant sur son bloc-notes la liste 
	scandaleuse des délits commis par le capitaine :  
	- les horaires de travail : dépassent largement les 35 heures, puisque 
	les marins ne peuvent revenir à leur domicile après leur quart. Etant alors 
	à la disposition de leur employeur 24/24, ils doivent être payés ce même 
	temps, même s'ils dorment. 
	- l'incidence cachée du changement de fuseau horaire lors d'une traversée 
	atlantique peut engendrer une perte de salaire, puisque le vaisseau, quand 
	il s'éloigne vers l'ouest, gagne subrepticement du temps sur la course du 
	soleil, temps qui n'est pas compté en heures supplémentaires. 
	- certains marins profitent de leur repos pour pêcher du poisson, engendrant 
	donc un avantage en nature sur lequel ils ne paient aucune cotisation 
	sociale. 
	- on a vu certains voyageurs donner un coup de main à hisser les voiles, il 
	y a donc là un cas avéré de travail dissimulé. 
	- quant au vent qui fait le gros du boulot, engendrant du chômage parmi les 
	rameurs, il conviendrait de forfaitiser une cotisation sociale selon la 
	force exercée sur les voiles, à la charge bien sûr de l'armateur. 
	 
	Conclusion du procès-verbal : le vaisseau Hermione doit être immobilisé à 
	quai jusqu'à ce que les modifications exigées par la sécurité et les lois 
	sur le travail soient réalisées. Sinon les héritiers Lafayette et consorts, 
	ainsi que la ville de Rochefort et le département de la Charente-Maritime 
	seront condamnés à de lourdes amendes, et à l'indemnisation du préjudice que 
	les équipages ont subi ou auraient pu subir. 
	 
	Et notre conclusion à nous : on va les garrocher à la baille....  
	 
	Jacques Clouteau  
	
	
	 
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