La fin d’une injustice : les robots auront droit 
		                            
		eux aussi à la Sécu !
		
		Alors qu'approchait la fête de Noël et que chacun se consacrait au 
		bonheur de sa famille, voici qu'un candidat à la primaire de gauche y 
		est allé lui aussi de son petit refrain du bonheur. 
		
		Monsieur Benoît Hamon, puisque c'est de son idée dont nous allons 
		parler, n'a jamais mis les pieds dans une entreprise de toute sa vie, 
		n'a à fortiori jamais créé la moindre richesse par son travail, 
		puisqu'il fut, à peine obtenue sa licence d'histoire, engagé comme 
		assistant parlementaire avant de créer divers cercles et partis où se 
		développent entre rêveurs professionnels les utopies socialistes.
		
		A part le déplacement de dossiers à la dextre ou la sénestre d'un 
		bureau, il ne possède, au vu de son curriculum vitae, aucune expérience 
		de l'économie et de l'entreprenariat. Il ne sait pas ce qu'est l'acte de 
		recruter et embaucher une personne, il ignore encore plus ce qu'est une 
		procédure de licenciement, il n'a aucune idée du courage que réclame en 
		France l'action d'investir et quel est le risque sous-tendu. Bref il est 
		comme un prétendu plombier qui viendrait vous présenter son devis tout 
		en vous avouant qu'il n'a jamais fait une soudure.
		
		Mais comme il perçoit chaque mois un revenu, il est persuadé qu'il 
		travaille.
		
		
La solution miracle
		
		Bref cet homme politique, imprégné de justice sociale et certain, 
		puisqu'il est de gauche, de posséder la solution-miracle à tous les 
		problèmes du pays, vient de s'apercevoir, avec effroi, que tout ce 
		qu'avait tenté la gauche dans notre pays, comme dans les autres pays 
		d'ailleurs, n'a jamais produit autre chose que la misère, le chômage, la 
		ruine et la fuite des meilleurs. Mais bonnes gens, sachez-le, si rien 
		n'a marché, c'est simplement parce qu'on n'a pas mis en place une vraie 
		politique de gauche... Si on avait encore augmenté les impôts, 
		redistribué les richesses et accablé les artisans de charges 
		obligatoires, si on avait rajouté une centaine de pages au code du 
		travail pour mieux protéger les pauvres salariés, si on avait taxé à 
		200% les loyers et les revenus du capital, il est évident que du monde 
		entier seraient accourus les investisseurs et les jeunes talents pour 
		profiter de notre modèle social et marcher vers un avenir radieux ! 
		Puisqu'on vous le dit.
		
		Monsieur Benoît Hamon, qui a largement le temps de penser, vient donc 
		juste de découvrir la cause de tous nos malheurs sociaux, la raison de 
		nos six millions de chômeurs, toutes catégories confondues, l'origine du 
		trou monstrueux de la Sécurité sociale, et nous livre derechef sa 
		solution, celle à laquelle personne n'avait jamais pensé : pour faire 
		cesser l'injustice sociale, mettre les patrons à la raison et faire 
		affluer plein de sous dans nos caisses de maladie et de retraite 
		faméliques, il suffit de faire payer des charges sociales aux robots !
		
		Crédiou, qu'elle est grande cette idée-là ! Mais comment le monde a-t-il 
		pu tourner si longtemps si mal sans que personne n'explore cette piste ? 
		Heureusement qu'il est des gens de gauche pour avoir des éclairs de 
		génie aussi lumineux !
		
Faisons cracher la visseuse
		
		Il nous est apparu cependant que l'idée, quoique révolutionnaire, 
		méritait qu'on précise certains détails, afin que les chefs d'entreprise 
		comprennent bien l'enjeu de la chose et acceptent à l'avance, le 
		chéquier à la main, de contribuer avec enthousiasme à la justice sociale 
		sans laquelle il n'est point de société solidaire.
		
		Redéfinissons d'abord le terme de " charges sociales " : comme chaque 
		salarié peut le voir sur son bulletin de paie, il s'agit de cotisations 
		obligatoires à différentes assurances que les gouvernements successifs, 
		depuis 1945, ont estimées nécessaires à l'irrépressible besoin de 
		protection des Français. Assurance-maladie, assurance-retraite, 
		assurance-chômage, assurance-veuvage, assurance-formation, 
		assurance-mutuelle, assurance-accident de travail, etc. Une bonne 
		vingtaine d'assurances obligatoires dont nos grands pères se passaient 
		fort bien mais dont leurs petit-fils auraient, semble-t-il, l'absolu 
		besoin pour ne pas mourir d'angoisse.
		
		Maintenant définissons ce qu'est un robot : une machine qui fait mieux 
		et plus vite le travail qu'un homme fait à la main. Le robot va-t-il 
		obligatoirement entraîner le licenciement de plusieurs employés ? A 
		l'évidence non, vous répondront les chefs d'entreprise. Par contre on 
		embauchera moins de monde. On va par exemple acheter un robot de soudure 
		pour assembler des pièces en grande série à un coût acceptable plutôt 
		que monter un atelier avec dix soudeurs rivés à leur poste de travail. 
		Mais il faudra toujours un homme pour alimenter la machine et un autre 
		pour programmer le robot. Sans compter le nombre d'employés embauchés 
		dans l'usine qui fabrique les robots. Sans compter la richesse créée par 
		la vente des articles soudés par le robot et exportés.
		A ce titre, me direz-vous, la notion de robot demeure floue. A quel 
		moment un outil devient-il un robot qui remplace les hommes et les 
		affame ? Prenons quelques exemples. 
		Un seul homme avec une visseuse remplace trois hommes avec un 
		tournevis cruciforme. Faisons cracher la visseuse.
		
		Une femme de ménage avec un aspirateur remplace trois personnes avec un 
		balai. Faisons cracher l'aspirateur.
		
		Une charrette à cheval remplace vingt hommes avec une brouette. Faisons 
		cracher le cheval.
		
		Une route permet d'aller plus vite qu'un sentier muletier. Faisons 
		cracher l'asphalte.
		
		Un paquebot de croisière remplace 5.000 canoës. Faisons cracher le 
		bateau.
		
		Une caissière avec sa machine électronique remplace 10 caissières avec 
		boulier. Faisons cracher la machine.
		
		Une caissière avec boulier remplace cinq caissières avec crayon de bois, 
		faisons cracher le boulier.
		
		Un cuisinier bat la mayonnaise au fouet électrique alors que trois 
		cuisiniers auraient fait le même travail à la fourchette. Faisons 
		cracher le fouet.
		
		Et dans la foulée, faisons cotiser chaque kilowatt qui indéniablement 
		retire au muscle de l'homme son labeur.
		
		Supposons maintenant qu'une majorité de députés aient envie de faire 
		rire le monde entier et votent une loi prévoyant que chaque machine 
		remplaçant un homme soit soumise aux mêmes assurances sociales. Puis 
		imaginons les décrets d'application pris dans une obscure alcôve du 
		ministère des affaire sociales par un jeune fonctionnaire tout frais 
		émoulu de l'Ecole nationale de la sécurité sociale (eh oui, on a un truc 
		comme ça chez nous).
		
		Des robots assurés sociaux
		
		Si un robot paie des charges sociales, il y a automatiquement ouverture 
		de droits sociaux.
		Si un robot paie une assurance-maladie, il a droit à tomber malade, ce 
		qui sur une machine signifie une panne plus ou moins grave. Le coût de 
		la réparation, en toute justice, sera pris en charge par 
		l'assurance-maladie. On trouvera donc des réparateurs secteur 1, à 23 
		euros la consultation, des spécialistes avec dépassement d'honoraires 
		pour les cas graves, et bien entendu une palanquée de mutuelles pour 
		rembourser tous ces pistons en goguette et ces pompes en rideau. 
		Si un robot paie une assurance-retraite, il a droit au repos quand sa 
		vie mécanique est terminée. Le recyclage peut être une forme de 
		retraite. L'usure anormale pourrait donner droit à une préretraite.
		
		Si un robot paie une assurance-chômage, il a droit à être entretenu dans 
		une période d'absence de travail, et régulièrement alimenté en huile et 
		énergie.
		
		Pour les théoriciens de cette taxation, l'affaire est juteuse puisqu'un 
		robot, contrairement à leurs principes, ne sera pas soumis au droit du 
		travail et pourra bosser 24/24. Mathématiquement, il paiera donc trois 
		fois plus de cotisations qu'un homme. Encore faudra-t-il installer un 
		compteur enregistrant le temps de travail, surveillé par des contrôleurs 
		assermentés, afin de vérifier l'assiette des cotisations. Manquerait 
		plus que certains robots travaillent au black.
		
		Il restera à déterminer de nombreux points. Quelle sera la date à partir 
		de laquelle s'appliquera la nouvelle loi. Les robots utilisés sur les 
		chaînes de fabrication automobile depuis plusieurs années seront-ils 
		soumis à cotisation, ou bien ne seront concernés que les nouveaux robots 
		? Quelle commission évaluera le nombre d'hommes que remplace un robot ? 
		Ce taux de remplacement sera-t-il modifié si le robot est amélioré ? Si 
		le robot travaille habituellement huit heures et reste allumé une heure 
		de plus pour terminer une série, cette heure sera-t-elle cotisée comme 
		heure supplémentaire ? Si l'entreprise est en grève, pourra-t-on tolérer 
		le travail des robots ?
		
		Le couteau à berniques
		
		On voit à l'étude de ces questions que cette nouvelle idée, comme toutes 
		les autres usines à gaz du même acabit, engendrera pour son application 
		la création d'une bureaucratie tatillonne et envahissante. Et comme on 
		est sur une problématique de sécurité sociale, il sera impossible de 
		réformer quoi que ce soit. Les robots paieront donc leurs cotisations, 
		des années durant, jusqu'à ce que la dernière usine ait quitté la 
		France. Alors le successeur de Benoît Hamon inventera une taxe sur les 
		entreprises qui délocalisent pour utiliser des robots ailleurs, puis le 
		fils spirituel du successeur aura l'idée d'une taxe sur les robots 
		utilisés dans les cinquante dernières années par des patrons félons. 
		Tant que des gens qui n'ont jamais pris un risque de toute leur vie 
		pourront se retrouver décisionnaires du destin de notre économie, il y 
		aura toujours parmi eux de fumeux rêveurs capables de ruiner le pays 
		pour essayer d'avoir raison contre le bon sens.
		
		Monsieur Benoît Hamon, vous qui êtes breton, soyez gentils de nous 
		lâcher un peu les bragou-braz et retournez bien vite en Finistère vous 
		reposer les neurones. Et pour éviter de nous sortir d'autres idées aussi 
		niaiseuses, allez vous promener sur les rochers de la côte et ramassez 
		donc quelques berniques. Mais attention, détachez-les du rocher à la 
		main, éventuellement avec les dents, surtout pas avec un couteau ! En 
		effet, en utilisant un couteau, vous allez pêcher beaucoup plus vite que 
		les autres, ce qui non seulement induirait une concurrence déloyale, 
		voire un danger de disparition de l'espèce, mais surtout risquerait de 
		vous faire comprendre ce qu'est un outil. 
		Ou alors, allez au bout de votre raisonnement et, dès le retour de la 
		pêche, précipitez-vous au bureau de l'Urssaf (pas sûr que leurs heures 
		d'ouverture correspondent à celles des marées) afin de régler les 
		cotisations sociales de votre couteau calculées sur la différence entre 
		ce que vous avez réellement pêché et ce que vous auriez pêché sans 
		couteau (un décret en Conseil d'Etat fournira certainement la table 
		d'équivalence couteau-bernique).
		
		Et ce faisant, imaginez les résultats de votre brillante idée si elle 
		était appliquée dans tous les ateliers de la pauvre France... 
		Jacques Clouteau