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18/6/11 | Gilbert Collard |
On doit pouvoir juger les juges ! On se demande pourquoi, aujourd'hui encore, le juge n'est pas, comme tout homme, responsable de ses actes. L'article 1382 du Code civil dit clairement que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Il faut s'y faire, l'homme qui répond de ses actes, c'est chacun de nous, homme ordinaire, sauf s'il est juge, homme extraordinaire par destination. Voltaire, déjà, trouvait la situation scandaleuse, mais trois siècles de réflexion n'ont pas dû suffire. Et puis, Voltaire, que pèse-t-il à côté de je ne sais quel syndicat ? Les choses ne changent pas au grand pays des pas sur place parce qu'on est encore par enkystement en monarchie de survivance. L'intouchabilité du juge a un fondement archaïque, une très vieille idée monarchique : « Le roi ne peut mal faire » ! La République qui remplace le roi, sans en avoir la grandeur, ne peut mal faire et son juge qui juge pour elle ne peut mal faire... Voilà un des obstacles à l'ancienne et moderne mise en cause des juges. Aujourd'hui ce principe subsiste, comme quoi on peut faire tomber la tête d'un roi, la couronne roule à terre, mais pas la toque qui la rappelle. Un autre principe vieillot survit qui s'enracine dans un adage : « Res judicata facit jus ». Derrière ce latin liquoreux se cache un monstre : une décision judiciaire définitive, même erronée, génère sa propre vérité et son propre droit ! Cette opinion est aujourd'hui combattue, mais elle a la vie dure malgré son injustice. En un mot, cet adage, vivant de soubresauts odieux, revient à dire que lorsqu'un juge se trompe provisoirement, il suffit qu'un second se trompe définitivement pour que l'erreur devienne vérité ! A fonctionner dans ce système, vous ne voulez pas jouir d'une hypertrophie du moi ? Nos juges d'Outreau ou d'ailleurs peuvent dormir tranquilles, ils sont irresponsables ! Ils peuvent continuer à mal faire en toute impunité, l'État répond et paye pour eux. Jusqu'à quand craindra-t-on d'affaiblir l'honorable fonction en l'exposant à une responsabilité qui n'amoindrit ni le médecin, ni l'architecte, ni le notaire, ni l'avocat, ni l’entrepreneur, ni personne, sauf, semble-t-il, le juge ? Aucune raison ne justifie l'irresponsabilité, surtout pas celle qui veut
éviter d'exposer le juge à la vindicte des justiciables. L'idée qu'il faut
organiser la responsabilité du magistrat qui déraille ne signifie pas qu'il
faut demain faire lyncher les juges sur la place publique des guillotinés de
l'opinion. Toute chose s'organise en tenant compte du respect des hommes en
cause. Du reste, de nombreux magistrats appellent de leurs vœux
l'organisation de cette responsabilité. Ils savent que leur crédibilité est
désormais à ce prix. La démocratie doit, si elle veut tenir le coup,
respecter plus que jamais le principe de l'équilibre des pouvoirs. Elle
risque de ne pas survivre à une tricherie qui maintiendrait une
disproportion entre l'exercice du pouvoir et la responsabilité qui en
découle. Cette tricherie, le citoyen ne l'accepte plus ! N'empêche, et
malgré ces évidences, le système tient bon sur ses béquilles. Gilbert Collard 1. La Bible, Matthieu, chapitre VII
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