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La Cour européenne de justice condamne l'Etat providence |
26/7/03 | Claude Reichman |
Par un arrêt du 26 juin 2003 (affaire C-422/01), la Cour de Justice
des Communautés Européennes (CJCE) a confirmé son arrêt du 3 octobre 2002 (affaire
C-136/00) par lequel elle a jugé qu'une assurance retraite souscrite dans un autre Etat
de l'Union européenne devait bénéficier du même traitement fiscal que s'il l'avait
été dans l'Etat où réside le souscripteur. On prendra connaissance avec le plus grand intérêt des attendus par lesquels la CJCE rejette l'argument selon lequel la délocalisation des retraites serait de nature à " réduire à néant les fondements économiques d'Etats providence comme le royaume de Suède ou le royaume de Danemark " et bien entendu comme la France. Pour la Cour, la concurrence fiscale entre Etats est inhérente " aux fondements mêmes du marché intérieur ". Ces deux arrêts européens annoncent un véritable séisme fiscal et social dans l'Union européenne. Beaucoup de futurs pensionnés vont souscrire des contrats dans les pays à fiscalité douce, et ils y prendront leur retraite, leur apportant une consommation et des ressources fiscales supplémentaires. Il sera ainsi démontré une fois de plus que pour un Etat, une fiscalité modérée est source de richesse. " Sur la nécessité de préserver l'assiette fiscale 46. Selon le gouvernement suédois, l'exigence d'un établissement en Suède est justifiée en raison du risque de disparition de la matière imposable. En effet, le royaume de Suède ne serait pas en mesure d'imposer les paiements de pensions de retraite s'il n'était pas exigé que l'entreprise d'assurances ait un établissement en Suède, et, en l'absence d'un tel établissement, la pension de retraite ne trouverait pas son origine dans cet État membre. 47. Le gouvernement danois soutient, quant à lui que, dans l'arrêt Safir, précité, la Cour a considéré que la préservation de la matière fiscale était une raison d'intérêt public de nature à justifier une réglementation fiscale, même indirectement discriminatoire. 48. Si le droit à déduction des versements à des plans de retraite étrangers ne pouvait être limité, cela permettrait aux contribuables résidant dans des États membres à fiscalité élevée, tels que le royaume de Suède et le royaume de Danemark, de profiter de manière inadmissible des différences entres les systèmes fiscaux des États membres. Les plans de retraites seraient souscrits dans les États membres où la fiscalité sur les versements de retraites est la plus faible et qui opèrent une retenue à la source sur ces versements en application d'une convention fiscale bilatérale conclue avec l'État de résidence du bénéficiaire. 49. La conséquence serait qu'à terme les États membres seraient contraints à un nivellement par le bas de leur fiscalité. Cela pourrait réduire à néant les fondements économiques d'États providence comme le royaume de Suède ou le royaume de Danemark. 50. Ces arguments ne sauraient être accueillis. 51. À cet égard, ainsi qu'elle l'a souligné dans l'arrêt Danner (précité, point 55), la Cour a jugé, au point 34 de l'arrêt Safir, précité, que, dans le cas d'espèce, la nécessité de combler le vide fiscal qui résulterait de la non taxation de l'épargne sous forme d'assurances vie en capital investie dans des compagnies établies dans un Etat membre autre que celui où se trouve la résidence de l'épargnant n'était pas de nature à justifier la mesure nationale en cause qui restreignait la libre prestation des services. 52. La Cour a jugé en outre, en des termes généraux, qu'un éventuel avantage fiscal résultant, dans le chef des prestataires de services, de la fiscalité peu élevée à laquelle ils seraient soumis dans l'État membre dans lequel ils sont établis ne saurait permettre à un autre État membre de justifier un traitement fiscal moins favorable des destinataires des services établis dans ce dernier État. De tels prélèvements fiscaux compensatoires porteraient atteinte aux fondements mêmes du marché intérieur (voir arrêt du 26 octobre 1999, Eurowings Luftverkehrs, C 294/97, Rec. p. 1 7447, points 44 et 45). 53. Enfin, la Cour a jugé que la nécessité de prévenir la réduction des recettes
fiscales ne figure ni parmi les raisons énoncées à l'article 56 du traité CE (devenu,
après modification, article 46 CE) ni parmi les raisons impérieuses d'intérêt
général (voir arrêt Danner, précité, point 56) susceptibles de justifier une
restriction à la libre prestation des services. " |