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8/12/12 | Claude Reichman |
A quelle date se
produira le craquement ultime ? Aveuglés par l’affaire Mittal, les commentateurs n’ont prêté aucune attention aux déclarations du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sur RTL le 6 décembre 2012. Interrogé par Jean-Michel Aphatie, le chef du gouvernement a déclaré : « Je vais vous donner un chiffre précis : l’autofinancement des entreprises, les marges de manœuvre avec lesquelles elles peuvent investir, innover, monter en gamme, produire des produits qui vont se vendre et pas perdre des parts de marché très importantes, il est de 120 % en Allemagne l’autofinancement, il est descendu à 60 % en France, c’est un chiffre qui dit tout. Donc il faut redonner de la marge aux entreprises. » Un Premier ministre socialiste qui dit que les entreprises ne gagnent pas assez d’argent, c’est une information vraiment sensationnelle, d’autant qu’aucun homme politique de droite français ne s’est jamais laissé aller à une telle affirmation. M. Ayrault a d’autant plus raison qu’on peut chiffrer son constat. Les profits des entreprises, en France, après versement des dividendes, représentent 6,8 % du produit intérieur brut, contre 11,05 % en Allemagne. Autrement dit, il manque chaque année 85 milliards d’euros dans les caisses de nos entreprises pour qu’elles puissent faire face à la compétition européenne. « Nous avons décidé, en effet, de venir en aide aux entreprises », a ajouté M. Ayrault. Il visait notamment le « pacte de compétitivité » qui va leur apporter un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros sur trois ans, ce qui représente donc en moyenne 6,6 milliards par an, soit 7,76 % du différentiel avec l’Allemagne. A ce rythme, il nous faudra treize ans pour le combler. Treize ans ! « A long terme, nous serons tous morts », disait Keynes, dont les économistes socialistes continuent de se réclamer. Et treize ans, dans le monde actuel, c’est vraiment du long terme ! Faute de mesures plus vigoureuses, le chômage va donc continuer à augmenter en France de façon cataclysmique et affectera 12 millions de personnes dans treize ans. Inutile d’ajouter que la société française aura explosé bien avant, entraînant la classe politique dans sa disparition. Les mouvements browniens qui agitent tous les partis politiques français s’expliquent par leur incapacité à proposer des solutions au désastre économique que connaît notre pays. Faute de pouvoir s’atteler à l’action que les citoyens attendent d’eux, ils se déchirent si bien à l’intérieur d’eux-mêmes qu’ils en oublient de s’opposer les uns aux autres, comme le commande la vie démocratique. D’où cette impression de fin d’un monde qui s’impose actuellement à tous les esprits et ce pessimisme fondamental qui a envahi les Français. Le mal indicible dont souffre la France n’a pourtant rien de mystérieux. Nous dépensons collectivement 200 milliards d’euros de trop chaque année par rapport à l’Allemagne, et c’est ce qui explique qu’il manque 85 milliards dans les caisses des entreprises, qui sont les seules créatrices de richesses d’un pays. La France ne s’en sortira que si elle diminue de 20 % ses dépenses publiques. Et il faut qu’elle le fasse rapidement, car le pays est en train de s’effondrer. C’est la raison pour laquelle M. Ayrault a été soudain frappé de panique et a lâché son formidable aveu. En même temps qu’augmentaient inexorablement nos dépenses publiques, notre croissance économique diminuait tout aussi inexorablement au fil des décennies. On peut ainsi en décliner le taux depuis les années quatre-vingt : trois, deux, un, zéro. Et voici la suite du programme : moins un, moins deux, etc. La seule question qui se pose est dès lors la suivante : à quelle date se produira le craquement ultime, celui qui marquera l’effondrement de l’édifice ? Tout indique qu’elle est proche. Claude Reichman
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