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    16/5/10 | 
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	Allo, maman, bobo ! Le cri d’angoisse d’une magistrate ! « On a voulu me faire craquer ! », s’écrie Isabelle Prévost-Desprez, présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre chargée des affaires économiques et financières, dans une interview au Parisien du 16 mai 2010, publiée à l’occasion de la publication de son livre, « Une juge à abattre » (Fayard). La magistrate fait évidemment allusion au conflit ouvert qui l’oppose au procureur de Nanterre, Philippe Courroye. Celui-ci l’accuse notamment de proférer « des réflexions incongrues et orientées à l’audience publique à l’encontre des décisions d’action publique du parquet ». « Le procureur a fait un rapport sur moi, se plaint Mme Prévost-Desprez, ce qui a déclenché une enquête interne. » Philippe Courroye et Isabelle Prévost-Desprez ont pourtant été collègues 
	avant de devenir ennemis. Juges d’instruction au pôle financier du tribunal 
	de Paris, ils ont notamment enquêté sur l’affaire dite du Sentier. Au cours 
	de cette enquête, Mme Prévost-Desprez a mis en examen, en avril 2000, le 
	directeur général de la BRED, François Xavier de Fournas, pour « blanchiment 
	aggravé ». Certain , comme il l’écrit dans son ouvrage « Le banquier, la 
	juge et le truand » (JCLattès), de « n’avoir commis aucune faute », 
	M. de Fournas soupçonne la juge d’instruction de l’avoir « d’une certaine 
	façon choisi » parce qu’il « devait correspondre à la croisade 
	qu’elle projetait ».  François Xavier de Fournas a bénéficié d’un non-lieu en juillet 2006. Il n’est cependant pas près d’oublier le comportement de la juge d’instruction tel qu’il le décrit dans son livre, dont nous publions ci-après un extrait. ***      « Mais, 
	Monsieur, l'argent est toujours sale ! » Dans le fond de la pièce, sur un strapontin, se tient un homme 
	impassible, raide comme la Justice, qui ne dit mot de toute la scène, même 
	quand la juge se tourne vers lui comme pour quêter son approbation. J'ai 
	alors l'impression qu'il est là pour la surveiller et apprendrai plus tard 
	qu'il est lui-même juge d'instruction, plus connu que « la juge », et dont 
	je tairai le nom par respect pour sa famille. Mme la juge m'évite, salue 
	ostensiblement mes avocats et retourne à son bureau où elle plonge sur ses 
	papiers. Elle paraît dans un état de grande excitation. Rien ne distingue 
	particulièrement cette bourgeoise, ni jeune, ni laide, taileur crème et 
	foulard rosé, si ce n'est le regard, mobile et perçant, coléreux. La bouche 
	est pincée, la voix sèche, cassante, elle interrompt constamment, s'agite 
	sur son siège, se lève pour vérifier le travail de la greffîère, lance une 
	pique, se rassied, s'agite à nouveau. En aucun moment, je n'aurai 
	l'impression de me trouver devant une représentante de la magistrature. Par 
	mon métier, je suis accoutumé à jauger mes interlocuteurs ; je ne découvre 
	en face de moi qu'une jeune femme nerveuse, psychologiquement instable, 
	incapable de sérénité, toute à sa démonstration rêvée 
	contre les banquiers. Elle tient sa grande affaire. Depuis un an les 
	journaux parlent d'elle, et lui construisent une image d'héroïne face à la 
	Grande Délinquance Financière. Ce n'est pas un juge 
	mais un adversaire. Elle n'instruit pas, elle accuse. Elle ne prouve pas, 
	elle invective. Je m'attends à ce qu'elle me signifie une « détention provisoire » ou, à 
	tout le moins, une interdiction d'exercer, comme elle l'a fait pour les 
	coïnculpés de décembre. Elle me demande d'abord si je veux faire une 
	déclaration. Je m'exécute même si, je le sais bien, il ne s'agit que d'un 
	exercice de style. Tout est écrit depuis belle lurette. La «justice 
	astucieuse » a ceci de remarquable que, fondée sur de simples raisonnements, 
	hors des faits et des personnes, elle n'a pas besoin d'entendre des témoins 
	et d'écouter la défense.  C'est là une pétition de principe que véhiculent les juges d'instruction 
	médiatisés, à savoir qu'ils n'entretiennent jamais de relations avec les 
	journalistes. Il est vrai que bien souvent ce sont les policiers, ou le 
	parquet, qui s'en chargent à leur place. On peut s'étonner que l'AFP dispose 
	d'une antenne permanente au beau milieu des magistrats et en plein cœur du 
	palais de justice. On peut se scandaliser que les mises en examen 
	s'annoncent toujours plus par voie de presse. La juge est nerveuse sur le 
	sujet. Mon avocat insiste : il lui fait remarquer qu'outre l'article 
	prémonitoire de L'Expansion, elle a bénéficié dans divers médias de 
	pages aussi abondantes que complaisantes décrivant ses dossiers, et à tout 
	le moins révélatrices d'une certaine familiarité avec la presse. Elle 
	m'interrompt à nouveau lorsque j'évoque l'engagement de la Bred dans la 
	lutte contre l'argent sale : « Mais, Monsieur, l'argent est toujours sale 
	! » François Xavier de Fournas 
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