Attendez-vous à davantage de panique des
marchés financiers !
Il y a beaucoup de torts chez tout le monde, mais le principal coupable
est la Fed.
Dans mon éditorial du 16 avril 2007, j’avais averti que les Etats-Unis
avaient été pris dans le piège d'une dangereuse phase d'emballement et de
crise qui avait commencé par du crédit bon marché et se terminerait par
l'effondrement des prix de l'immobilier et des actions. Lorsque la crise est
survenue, elle a été pire que je ne l'avais imaginé. Maintenant, il faut
savoir quoi faire. Pour trouver dans cette tempête une "zone de sûreté", il
faut rejeter la panique des médias et comprendre à quoi nous devons de nous
retrouver dans ces eaux tumultueuses.
Il y a beaucoup de torts chez tout le monde, mais le principal coupable est
la Réserve fédérale. À la fin de 2002, c'est Ben S. Bernanke, alors
gouverneur de la Fed et désormais son président, qui a fait croire à Alan
Greenspan, alors son président, que les États-Unis étaient en proie à la
déflation. En conséquence, la Fed a pressé le champignon de l'accélérateur
monétaire. A partir de juillet 2003, le taux des Fed Funds avait été abaissé
à 1 %, où il est demeuré pendant un an. Et ce taux d'intérêt fixé
artificiellement bas a déclenché, comme dirait Saddam, la mère de toutes les
fluctuations monétaires.
Le laxisme de la Fed a lancé l'économie, entraînant les ventes aux
utilisateurs finaux à un taux de croissance intenable de 7 % par an en
termes nominaux (les ventes aux utilisateurs finaux, définies comme le
produit intérieur brut moins les importations nettes et l'accroissement des
stocks, sont un indicateur des produits et services achetés aux Etats-Unis).
En même temps, la politique monétaire laxiste a encouragé les
investisseurs à prendre des risques excessifs à la recherche de rendements
élevés. Pour tirer le parti maximum de rendements minuscules, l'endettement
était devenu au goût du jour. Le carry trade - l'emprunt dans des
monnaies à faible rendement pour investir dans des monnaies à rendement
élevé - est aussi devenu populaire.Emprunter, emprunter, emprunter. J'ai
observé cette construction perverse se bâtir avec un mélange d'étonnement et
de terreur. Il fallait qu'elle se casse la figure. Et c'est ce qu'elle a
fait.
L'erreur de politique monétaire de la Fed a aussi affaibli le dollar et donc
relancé la hausse des prix des matières premières. Lorsque le dollar baisse
par rapport aux autres monnaies, les prix du blé, du maïs, du riz et de
l'huile remontent en termes de dollars. La monnaie a commencé sa descente au
début de 2002, en grande partie à cause de la politique de la Fed, et le
dollar a atteint le fond à la mi-juillet 2008, après avoir diminué de 44 %
par rapport à l'euro au cours de la période. En même temps, le prix du baril
de pétrole a été multiplié par sept, jusqu'à 146 $ en partant de 20 $. Près
de la moitié de cette hausse était due à une hausse de la demande (par
exemple de l'Inde et de la Chine), le reste peut être mis au compte du
dollar faible. La même chose s'est produite avec d'autres produits de base
sur les marchés internationaux comme le riz et le soja.
Le Congrès n'y en a pas moins a joué son rôle. En 2003 et 2004, Fannie Mae
et Freddie Mac, acheteurs de prêts hypothécaires "soutenus" par l'Etat,
avaient été pris dans les scandales sur la manière dont ils tenaient leurs
comptes. Pour neutraliser le Congrès, ils ont multiplié les prêts
immobiliers aux familles à faible revenu. Et le truc a marché comme un
charme. Barney Frank, aujourd'hui président de la Commission des Affaires
Financières, a fermé les yeux sur leurs magouilles comptables et porté aux
nues la nouvelle croisade. C'était là un exemple caractéristique. Au cours
de la période 2004-2007, Fannie et Freddie sont devenu les plus gros
acheteurs de prêts hypothécaires dits subprime et borderline
avec un engagement total d'un billion de dollars, contribuant ainsi
puissamment à la bulle immobilière, de même qu'à son effondrement final.
Pendant que la Fed et le Congrès s'affairaient à provoquer un emballement et
une crise catastrophiques, le gouvernement Bush ne restait pas inactif. Il
aggravait les choses en dépensant sans compter et en accumulant de
l'endettement. Quelques semaines seulement avant que la loi de renflouage
géant ait été promulguée, le Congressional Budget Office avait publié
un rapport indiquant que les dépenses de l'Etat "avaient placé l'économie
sur une trajectoire impossible à maintenir". Celui-ci prévoyait qu'au cours
de la décennie à venir, la dette publique détenue par le public passerait de
5.4 billions de dollars à 7,9 billions de dollars d'aujourd'hui, 46 %
d'augmentation. Et cela n'incluait pas les engagements non financés de la
retraite par répartition et de Medicare, d'un montant total de 100 billions
de dollars en valeur actuelle.
Pour ce qui est des 700 milliards de dollars de renflouage, le gouvernement
et le Congrès ont dû, pour faire passer leur projet de loi, effrayer à mort
le public et promettre la sécurité à une population affolée après toutes ces
défaillances de l'Etat qui avaient créé la crise. Les rumeurs alarmistes, au
moins, ont bien joué leur rôle. Le renflouage, en revanche, aura-t-il les
effets annoncés ? Le plan A prévoyait que l'Etat achète auprès des banques
des créances hypothécaires douteuses. Henry Paulson a fini par se rendre
compte qu'il ne pouvait payer aucun prix qui lui permette de soutenir les
banques sans compromettre le Trésor.
Au moment où cet article partait chez l'imprimeur, l'Etat avait pris une
tout autre direction - se servir de l'argent des contribuables pour
accumuler des actions privilégiées des banques. Attendez-vous à encore
davantage de conduite irresponsable de la part des politiques et à davantage
de panique de la part des marchés. Nous allons assister à court terme à une
déflation entraînée par le désendettement, et à long terme à un surcroît
d'inflation. Conservez les couvertures fondées sur l'or que j'ai déjà
recommandées (dernièrement dans mon éditorial du 11 août) et conservez un
plein volume de titres du Trésor américain indexés contre l'inflation.
Steve Hanke
NDLR : Cet article de Steve Hanke, professeur d’économie et Senior Fellow
du Cato Institute (USA,) a paru dans la revue Forbes le 10 novembre
2008. Il n’a rien perdu de son actualité
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