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23/3/09 | Bernard Martoïa |
Déchets toxiques : autant proposer à un boa d’avaler un porc-épic en lui offrant du sirop d’érable Dans la semaine écoulée, l’indice Dow Jones a gagné 108 points (de 7170 à 7278 points) et ce malgré un pic provisoire de 7624 points atteint dans la séance du 19 mars 2009. En deux semaines, l’indice vedette a rebondi de 11 %. Suite à ce rebond technique entamé le 9 mars, des analystes sont devenus très optimistes quant à une sortie prochaine de la crise. Ils invoquent le jour « 9-1 » qui s’est présenté à trois reprises. Quelle est sa signification ? Il fait référence au volume de toutes les actions cotées sur le NYSE (New York Stock Exchange) progressant un jour donné et comparé au volume global de toutes les actions qui montent ou déclinent ce jour- là. Si un jour donné, le volume des actions qui progressent est égal à celui de celles qui déclinent, ce ratio est de 50 %. Un jour « 9-1 » se produit lorsque ce ratio est égal ou supérieur à 90 %. Il s’est produit à trois reprises depuis l’abysse du 6 mars. Selon Martin Zweig (1) qui a développé cet indicateur, un tel déséquilibre du volume d’actions en hausse est un signal d’une tendance haussière du marché. Un signal encore plus haussier pour le marché se produit lorsque ces jours «9-1» sont rapprochés. C’est l’avis aussi du professeur David Aronson qui enseigne la finance au collège Baruch, dans le même établissement où Martin Zweig a enseigné cette discipline. Le collège Baruch est une annexe de la prestigieuse université de New York. Aronson a fait plancher ses étudiants sur ce phénomène en examinant la période allant de 1942 à nos jours. La profusion des statistiques disponibles en Amérique fait le délice des chercheurs. Dans les deux mois suivant ce jour « 9-1 » la probabilité que le marché soit haussier est de 80 %. Après des mois de défaitisme, n’est-il pas aimable de vous annoncer enfin une bonne nouvelle ? Hélas, cet indicateur passe sous silence un fait têtu. Comme je l’ai écrit la semaine dernière, il s’est ouvert un gap de 126 points, sur l’indice Dow Jones, à l’ouverture de la session du 10 mars et qu’il faudra combler un jour ou l’autre, le plus tôt étant le mieux pour ne pas casser cette fragile stabilisation du marché. Si l’analyse technique reste le meilleur outil disponible pour ébaucher une tendance, elle ne peut expliquer à elle seule les faits qui, de leur côté, restent préoccupants. La haine envers les riches n’a d’égale que sa myopie. Que n’a-t-on pas dit, écrit ou même légiféré à propos des primes versées aux employés de l’assureur A.I.G ? L’affaire des primes a mobilisé la Maison Blanche, et le Congrès a voté, une fois n’est pas coutume, une loi de circonstance… Une inquiétante dérive qui est bien dans le style d’une assemblée révolutionnaire consistant à stigmatiser une classe de gens. Ces primes ne représentent qu’une goutte d’eau par rapport au plan calamiteux de relance d’Obama et un epsilon des sommes faramineuses perdues à cause de la politique de discrimination positive du logement menée en faveur des minorités raciales. Mais on ne s’attache qu’aux détails, comme le regrette David Brooks, l’un des dix éditorialistes du New York Times, qui n’est pas suspect d’antipathie à l’égard du pouvoir en place. Pour paraphraser Carl Menger, les Keynésiens confondent allègrement les causes et les effets. Ce n’est pas fortuit car cela leur évite de se remettre en question. Un autre éditorialiste du New York Times, Roger Cohen, a dit qu’il préfère que l’Amérique n’emprunte pas la voie des jacobins sous le titre provocateur : « One France is enough ! » Dans un passage saillant, il écrit : « J’aimerais croire qu’Obama est plus proche de Talleyrand que de Robespierre. Je pense toujours qu’il est davantage un centriste recherchant le consensus qu’ un révolutionnaire. » Cette phrase traduit le doute qui s’est installé parmi les journalistes de la côte Est des Etats-Unis qui ont grandement facilité son accession à la Maison Blanche. La notion toujours oubliée d’aléa moral L’assureur A.I.G était trop grand pour le laisser choir, déclara Henry Paulson, l’ancien secrétaire du Trésor à qui on reprochait de ne pas avoir sauvé Lehman Brothers. C’est pourquoi l’Etat fédéral est venu trois fois à sa rescousse pour un montant global de 173 milliards de dollars. American International Group n’était plus un assureur proprement dit. Il s’était lancé dans une ingénierie financière à grande échelle, avec le succès que l’on connaît… Il était devenu le numéro un des credit defaut swaps. Ces instruments de hedging (couverture contre tout type de risque) sont devenus en fait la première source de spéculation de la planète. Ce marché dérégulé (over the counter) s’élevait à 45 trillions de dollars en 2007. Cela représentait deux fois le marché américain d’actions. Excusez du peu ! Dans un article prémonitoire du 17 mars 2008 « Credit Defaut Swaps : the next crisis ? », la journaliste Janet Morrissey du magazine Times s’inquiétait de ce que ce marché fou pouvait impacter durablement la crise immobilière qui avait éclaté en août 2007. Les quinze grandes banques internationales (primary dealers auprès de la Fed) en auraient pour un montant de 13 trillions de dollars. Paribas s’est bien gardé d’en divulguer le montant qu’elle détient dans son hors-bilan. Si la transparence n’est pas une vertu française, la Fed fait, de son côté, son boulot. Elle a dénoncé le blanchiment d’argent sale de la Société Générale. C’est un avertissement solennel lancé aux banques françaises qui se complaisent, avec l’approbation du gouvernement, dans la plus grande opacité. La dernière lance des pompiers de la Fed va-t-elle faire pschitt comme les autres? Comme ces immenses déchets toxiques ne trouvent plus preneur, les pompiers de la Fed ont eu l’idée de lancer une nouvelle grande échelle. Cette échelle est le parangon de l’économie mixte : 50 % de capitaux publics et 50 % de capitaux privés. Elle n’est en fait qu’une version allongée de la seconde baptisée Term Securities Landing Facility, qui avait été créée, le 11 mars 2008, après l’incendie de Bear Stearns. Quelle va être la réaction du marché à cette lance capable d’arroser un trillion de dollars ? Qui, parmi les acteurs privés, voudra souscrire à ces déchets toxiques malaxés à de la monnaie fraîchement imprimée par la Fed ? Cette potion nous ramène à un exemple tiré de la nature. C’est comme si vous proposez à un boa d’avaler un porc-épic en lui offrant du sirop d’érable. Croyez-vous vraiment qu’il suivra votre conseil ? Tel est l’angélisme d'Obama qui a ouvert ses bras aux ayatollahs de Téhéran. L’énarchie au faîte de son incompétence économique Si seulement, comme je le répète inlassablement, les erreurs des Américains pouvaient nous servir de leçon ! Hélas, le pouvoir est autiste ! Dans la semaine écoulée, on nous annonce le mariage de trois assureurs : Macif, Matmut et Maif. Ces trois assureurs se portent mal. Ce mariage ne tombe pas du ciel. Quelle est la grande manœuvre qui se prépare derrière cette fusion ? Ma version est la suivante. A l’approche de la fin du monopole de la sécurité sociale (2) qui va ouvrir ce vaste marché au reste de l’Europe, les énarques ont réagi comme d’habitude : créer un champion national pour affronter la concurrence étrangère. La faillite de l’assureur A.I.G coûte une fortune au contribuable américain. Nous nous apprêtons à commettre la même erreur en rendant impossible la faillite de ce géant en herbe. Les énarques n’ont pas leur pareil pour disséminer les germes de l’anticapitalisme. L’adage veut que les profits seraient privatisés et les pertes toujours pour les contribuables. Or cela résulte des actions désastreuses des Keynésiens et non pas des vrais capitalistes. Blâmez les Keynésiens, les socialistes et les énarques, mais pas les libéraux, monsieur Besancenot ! Vous vous trompez toujours de cible. A toujours nier l’aléa moral, on ne l’éradiquera pas pour autant. Il arrivera un jour où l’aléa moral se retournera contre l'Etat français. Il se posera de la façon suivante : « Peut-on laisser tomber la France ? », se demanderont les prêteurs internationaux à propos de son incapacité à rembourser sa dette. « Trop grande pour la laisser tomber », se disent, pour se rassurer, les inspecteurs des finances qui tiennent les cordons de la bourse. La faillite d’autres États devrait les inciter à plus de prudence. N’y a-t-il pas une amorce de réalisme quand les Européens envisagent de doubler la capacité financière du Fonds Monétaire International pour faire face justement à la banqueroute d’un grand État comme la France ou l’Italie ? Bernard Martoïa (1) Martin Zweig : « Winning on Wall Street ». On ne compte plus le nombre de rééditions de cet ouvrage de 1986. (2) Depuis 1994, l’Etat français a transposé les directives européennes portant sur la création d’un marché unique de l’assurance en Europe. Mais pour des raisons idéologiques, l’Etat providence s’est refusé jusqu’à présent à appliquer ces directives qui mettent en péril son existence même. Toutefois l’étau judiciaire s’est resserré sur le pouvoir et ces dispositions vont enfin pouvoir s’appliquer et bénéficier à tous.
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