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13/5/10 Thierry Desjardins
        Sans l’austérité, c’est la mort. Avec, aussi !

On se demande ce que les Français peuvent bien comprendre à la situation actuelle.
Pendant des semaines, on leur a expliqué sur tous les tons que l’Europe, victime d’une crise sans précédent, était sur le point de sombrer corps et biens parce que les gouvernements respectifs, tous autant qu’ils étaient, avaient, depuis des années, géré leurs finances en dépit du bon sens et en s’endettant au-delà du supportable. Là, tout le monde comprenait.

Et on nous répétait du soir au matin que seule « une politique de rigueur » impitoyable permettrait – peut-être - à l’Europe de sortir la tête de l’eau et d’éviter la noyade. Il fallait que tous les pays taillent à la serpe dans leurs dépenses et augmentent les impôts. C’était « l’austérité ou la mort ». Là encore, on comprenait.

Après avoir imposé un régime draconien à la Grèce, qui était l’exemple le plus caricatural des faillites européennes, chaque capitale a donc annoncé ses propres bonnes intentions, c’est-à-dire, en général, comme chez nous, le gel des dépenses. Logique !

Curieusement d’ailleurs, parmi les premières mesures d’économies annoncées, les gouvernements décidaient des supprimer les dispositions qu’ils avaient prises en catastrophe l’année dernière, pour faire face à la crise de 2008. Comme si cette crise mondiale de 2008 était à jamais surmontée et que la crise européenne de 2010 n’avait rien à voir avec elle. C’était absurde, mais passons.

Bref, tout le monde avait compris, lundi dernier, après l’accord de Bruxelles qui prévoyait 750 milliards de réserves pour les pays les plus en difficulté (500 milliards de la zone euro, 250 milliards du FMI), que les années à venir n’allaient pas être euphoriques, mais chacun admettait que nous n’avions pas le choix. Cela faisait trop longtemps d’ailleurs qu’il était évident (et que nous répétions) que nous ne pouvions pas laisser à nos enfants de telles dettes qui s’accumulaient au fil des années.

Les « marchés » avaient sonné cruellement la fin de la récréation et de nos dérives inconsidérées. Les 750 milliards (virtuels) les avaient –pendant vingt quatre heures- rassurés. Tout cela se tenait à peu près.

En même temps, mais nous faisions semblant de ne pas les entendre, les experts nous affirmaient que la Grèce ne pourrait jamais respecter ses engagements, sauf à provoquer une insurrection générale à travers le pays, et que les bonnes intentions annoncées dans la plupart des capitales étaient totalement insuffisantes pour faire face au désastre évident. Du coup, dès mardi, les marchés modéraient leur enthousiasme.

Mais voilà qu’aujourd’hui –et c’est là que tout devient plus difficile à suivre pour le grand public- ces mêmes experts nous affirment, tout aussi péremptoirement, que cette rigueur qu’ils exigeaient hier et qu’ils auraient souhaitée plus vigoureuse encore… risque fort de compromettre toute sortie de crise.

En clair, la rigueur est indispensable pour éviter la mort, mais la rigueur conduit droit à la mort. Là, en effet, plus personne ne comprend.

Et pourtant, c’est très clair. Il est évident que l’endettement des pays européens est devenu insupportable et que, pour revenir à un semblant d’équilibre indispensable, il faut réduire considérablement les dépenses et augmenter tout autant les impôts. Mais il est tout aussi évident qu’en baissant les salaires et qu’en augmentant les prélèvements obligatoires on interdit toute croissance, ne serait-ce que parce que l’austérité réduit la consommation. C’est la quadrature d’un cercle particulièrement vicieux.

L’INSEE vient de publier ses chiffres. La « croissance » du PIB de la France a été, en 2009, de -2,5% (contre +0,1% en 2008). C’est ce qui s’appelle la « récession », même si c’est encore là un mot proscrit par l’Elysée. Sarkozy, Christine Lagarde et Eric Woerth tablaient sur une croissance de 1,4% pour 2010. Or, selon l’INSEE, la croissance du premier trimestre n’a été que de +0,1%. On est donc bien loin de l’espoir un peu fou d’atteindre 1,4% pour l’année.

Les mesures d’austérité annoncées vont évidemment obliger les ménages à restreindre encore davantage leur consommation et interdire aux entreprises tout projet d’investissement (elles n’investissent plus depuis huit mois). Comment peut-on, avec une croissance nulle, envisager une politique d’austérité, relancer l’économie, réduire nos déficits et commencer à rembourser notre dette ? Sans même parler du problème de l’emploi. On sait qu’il faudrait une croissance d’au moins 3% pour commencer à faire baisser les chiffres du chômage.

Christine Lagarde va nous dire qu’on peut toujours emprunter. C’est ce que l’Europe va faire pour ces 500 milliards. Mais, à force d’emprunter pour rembourser nos dettes, il y aura un moment - et avant longtemps - où nous serons tous comme la Grèce et où nos créanciers deviendront des usuriers avec des taux prohibitifs.

Thierry Desjardins


 

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