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27/4//10 Thierry Desjardins
           La casserole de Balladur !

Depuis des années, quinze ans en fait, certains se demandent comment Edouard Balladur a bien pu financer sa campagne des présidentielles de 1995. Certes, les comptes ont été étudiés et approuvés par le Conseil constitutionnel mais personne n’a jamais été tout à fait convaincu par les déclarations de l’ancien premier ministre et de son trésorier de l’époque, Galy-Dejean, au sujet de la provenance exacte des fonds.

Il y a dix millions de francs en espèces - et notamment en coupures de cinq cents 500 francs - qui posent problème. Officiellement et d’après les affirmations de Balladur et de Galy-Dejean, toute la campagne a été financée « par des emprunts, par des contributions de certains partis politiques et par le concours financier des militants ». Or ni les emprunts ni les contributions des partis politiques ne se font en espèces. Reste le concours financier des militants.

Traditionnellement, lors des campagnes électorales, les candidats lancent des appels à leurs sympathisants et des « quêtes » sont organisées au cours de tous les meetings, qui permettent à ceux qui souhaitent soutenir le candidat de verser leur obole. Oui… mais, très rares sont les militants qui vont jusqu’à déposer des billets de cinq cents francs dans le panier de la « quête » en question. Et il faudrait imaginer vingt mille (très) généreux bienfaiteurs pour arriver aux dix millions de francs mystérieux. Cela ne tient donc pas.

Certains ont alors monté un scénario digne des meilleurs romans d’espionnage. En 1994 (Balladur étant premier ministre et Sarkozy ministre du Budget), la France a vendu des sous-marins au Pakistan. Des annexes (secrètes, bien sûr) du contrat entre Paris et Islamabad prévoyaient des commissions pour certains officiels pakistanais et, sans doute, des « rétrocommissions » pour certains Français. Ce sont des choses qui se font, paraît-il, pour toutes les ventes d’armes.

En 1996, Chirac étant président de la République, la France a annulé purement et simplement, au nom de la morale et de la transparence, les commissions prévues dans le contrat. Cette annulation officielle prouvait d’ailleurs à posteriori que des commissions étaient bel et bien prévues dans le contrat. Mais certaines de ces commissions et, sans doute, de ces rétrocommissions avaient, bien sûr, déjà été versées.

A l’époque, des rumeurs avaient circulé dans Paris selon lesquelles cette annulation décidée par Chirac (et qui déplaisait, bien sûr, à Islamabad) visait, en fait et surtout, certains proches de Balladur qui auraient été bénéficiaires des rétrocommissions. On était, à l’époque, en pleine guéguerre entre chiraquiens triomphants et rancuniers et balladuriens à terre.

On en serait resté là, entre flou et rumeurs, si, en 2002, un attentat à Karachi n’avait pas tué onze fonctionnaires français de la Direction des Constructions Navales, la DCN, qui avait précisément vendu les sous-marins huit ans plus tôt.

Aussitôt, certains affirmèrent que cet attentat que rien d’autre n’expliquait était une vengeance d’officiels pakistanais contre la France qu’ils accusaient d’avoir trahi les clauses secrètes du contrat des sous-marins. Cette hypothèse n’avait rien d’invraisemblable pour qui connaissait un peu les mœurs de la région.

C’est l’enquête sur la mort de ces onze français qui a relancé toutes les spéculations sur les commissions et les rétrocommissions. On ne saura bien sûr jamais quels sont les ministres et les généraux pakistanais qui ont touché les commissions. Mais il sera plus facile de trouver à Paris ceux qui ont perçu les rétrocommissions et de remonter ainsi, peut-être, grâce à eux jusqu’à ceux qui ont fomenté à Karachi l’attentat contre les Français de la DCN.

Balladur qui n’a, en effet, pas l’air d’un marchand de canons, jure ses grands dieux qu’il n’a joué aucun rôle dans la vente des sous-marins (les négociations avaient commencé avant qu’il n’entre à Matignon) et qu’il ignore donc totalement tout de ces histoires de commissions et de rétrocommissions.

Mais alors d’où viennent les dix millions en grosses coupures ? « Demandez à mon trésorier », dit en substance Balladur, mais Galy-Dejean, lui, ne se souvient plus de rien, tout en reconnaissant que dix millions en coupures de cinq cents francs, çà aurait dû le frapper. En effet.

Le plus étonnant dans tout cela c’est que les derniers amis fidèles de Balladur avancent désormais un argument qui leur permet, à leurs yeux, de laver tous les soupçons qui pourraient peser sur leur ancien grand homme. « Jamais, disent-ils, Balladur n’auraient touché de rétrocommissions douteuses venant de l’étranger. En tant que premier ministre, il avait à sa disposition les fonds secrets dans lesquels il pouvait taper autant qu’il le voulait ».

L’argument est, en effet, presque convaincant. Il n’innocente cependant pas totalement Balladur. En clair, ses amis nous disent froidement : « Le premier ministre n’avait pas besoin de dessous de table pakistanais, il pouvait directement piquer dans la caisse ».

Balladur n’a pas fini de traîner cette casserole. Triste fin.

Mais ceux qui ressortent aujourd’hui l’affaire pensent sans doute davantage à celui qui était alors son ministre du Budget et qui est aujourd’hui… à l’Elysée. Une contre-attaque dans l’affaire Clearstream ? On ne veut pas le croire.

Thierry Desjardins

 

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