La cavalerie européenne au triple galop !
De Gaulle disait : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille
». Les temps ont bien changé. Aujourd’hui, non seulement la politique de la
France se fait à Bruxelles mais, en plus, ce sont les agences de notation,
les traders et les boursicoteurs de tout poil qui dictent leurs volontés.
Les chefs d’Etat européens ont passé le week-end à se réunir en catastrophe,
à imaginer les plans les plus farfelus et à multiplier les déclarations pour
tenter de rassurer et même de séduire « les marchés » avec une seule
angoisse : que les bourses continuent leur dégringolade.
Même Barak Obama qui n’a jamais caché le mépris total dans lequel il tenait
l’Europe a appelé Angela Merkel et Nicolas Sarkozy pour leur demander de
sauver l’euro. Il est vrai qu’un euro trop faible et qu’une Europe en
faillite seraient une double catastrophe pour l’économie américaine.
Finalement, les chefs d’Etat européens ont décidé de « mettre sur la table »
500 milliards (auxquels le FMI ajoute 250 milliards). Tous ces pays étant
endettés jusqu’au cou, on ne sait pas où ils vont trouver ces 500 milliards,
« virtuels » il est vrai, mais qu’importe.
Les bourses ont bien réagi lundi matin, ont fait mine de croire aux
bonnes résolutions affichées par les politiques et ont repris (un peu) ce
qu’elles avaient perdu tout au cours de la semaine dernière.
Peut-on s’étonner que désormais les financiers, les patrons des grandes
banques soient les maîtres du monde ? Sûrement pas. Les responsables
politiques ont, depuis trop longtemps, fait la preuve de leur incompétence
et de leur impuissance. D’abord, en gérant en dépit
du bon sens leur propre budget. Ensuite, en voulant s’occuper de tout et en
mettant la main sur l’économie. La finance n’étant que le reflet de
l’économie, il était évident que dès l’instant où le pouvoir politique
briderait, brimerait l’économie, les finances iraient à la catastrophe.
Pour s’en tenir à la France, cela fait plus de 35 ans que nos dirigeants
politiques, de droite comme de gauche, ont tout fait pour tuer notre
industrie et notre agriculture en capitulant non seulement devant des
syndicats (qui ne représentent plus rien) mais aussi et surtout devant une «
pensée unique » qui répétait inlassablement que l’industrie ne pouvait que
se délocaliser et que nos agriculteurs ne pouvaient plus être que « des
gardiens de paysages ». Tout le monde avait fini par croire que l’avenir de
la vieille Europe ne pouvait plus être que dans les services.
Nous avons donc fermé nos mines, éteint nos hauts fourneaux, supprimé des
pans entiers de notre industrie, expédié nos ouvriers au chômage, mis nos
terres en jachère, subventionné nos derniers agriculteurs. Et on s’étonne
aujourd’hui des résultats, alors que nous n’avons fait aucun effort pour la
recherche et l’innovation, seules armes qui nous auraient permis de faire
face à la concurrence de la mondialisation.
L’Europe ne pourra pas indéfiniment s’endetter pour payer ses dettes comme
elle le fait en ce moment et d’ailleurs depuis bien longtemps. Cette
cavalerie européenne au triple galop va nous jeter tous dans l’abîme. Il
faudra bien qu’un jour le vieux continent se remette à « créer des richesses
». On a beau nous raconter n’importe quoi, pour être « riche » et s’offrir «
le train de vie » qui est le nôtre depuis des décennies, il faut bien «
fabriquer de la richesse ». Les Chinois et les pays émergents de la
mondialisation finiront par se lasser de jouer les créanciers de la planète.
D’autant plus qu’eux-mêmes connaîtront, à la longue, des difficultés
puisque, si nous sommes ruinés, nous ne pourrons plus leur acheter leurs
produits.
Les bourses remontent, mais personne n’y croit vraiment, car aucun pays ne
pourra respecter les plans de rigueur et d’austérité qu’il s’engage
aujourd’hui à mettre en oeuvre.
Nicolas Sarkozy interdit qu’on parle de « rigueur ». Il préfère se dire «
raisonnable » plutôt que « rigoureux ». Laissons-le jouer sur les mots.
Raisonnable ou rigoureuse, l’addition sera en tous les cas « salée » et
pourtant totalement insuffisante.
Les malheureux hasards du calendrier ont voulu que, quelques heures après
le sommet de Bruxelles qui décidait que l’Europe entière allait faire des
économies drastiques pour tenter de s’en sortir, le même Sarkozy se
retrouvait présidant un autre sommet, cette fois social, devant des
partenaires qui n’ont jamais voulu entendre parler ni de rigueur ni de
raison. Mais Sarkozy est passé maître dans l’art du double langage…
A l’Elysée, on est persuadé que la crise européenne va permettre à
Sarkozy de regagner quelques points dans les sondages et de sortir un peu la
tête de l’eau. Un premier sondage lui fait d’ailleurs déjà gagner 4 points
inespérés. Mais cette double attitude de pompier-pyromane à Bruxelles et de
funambule à Paris risque de lui coûter cher avant longtemps.
En moins d’une semaine, Gordon Brown a perdu les législatives en
Grande-Bretagne et Angela Merkel la majorité à la Chambre Haute à Berlin.
Thierry Desjardins
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