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25/4//10 Thierry Desjardins
      L’Europe en voie d’éclatement !

La Grèce est au bord du gouffre et la Belgique sur le point d’exploser. Les deux affaires n’ont, bien sûr, rien à voir si ce n’est qu’elles remettent tout de même en cause certains principes chers aux plus farouches partisans de l’Europe et, du coup, apportent de l’eau au moulin des « eurosceptiques », voire des « europhobes ».

La Grèce a fait faillite. Les gouvernements successifs d’Athènes ont géré en dépit du bon sens les finances publiques, ne faisant rien (quand ils n’en profitaient pas sans pudeur) pour lutter contre la corruption généralisée qui est devenue, depuis longtemps, l’un des sports les plus pratiqués dans le pays qui vit naître les Jeux Olympiques.

La Grèce a fait partie, avec l’Irlande et le Portugal, des trois pays que l’Europe a sans doute, à une époque, les plus aidés. Or, si on a rapidement pu voir l’Irlande et le Portugal rattraper une grande partie des retards considérables qu’ils avaient par rapport au reste de l’Union, en Grèce, on n’a rien vu. Les fonds européens ont disparu mystérieusement et, fidèle à sa mythologie, la Grèce est devenue pour l’Europe un tonneau des Danaïdes.

Aujourd’hui, on nous dit que, pour l’euro, pour l’Europe, il faut sauver la Grèce. Bruxelles a décidé – malgré l’évidente mauvaise volonté de l’Allemagne - d’accorder un prêt de 30 milliards d’euros sur trois ans à la Grèce (auquel le FMI ajoutera 15 milliards). « Une rustine pour boucher une fissure au milieu de la catastrophe », disent les spécialistes. Tous les experts sont unanimes pour déclarer que la Grèce aurait, en fait, besoin d’au moins 90 milliards pour se rétablir tant bien que mal.

Mais les choses pressent. Athènes dont le déficit est de 13,6% du PIB et qui ne peut plus emprunter aujourd’hui qu’au taux usuraire de 9% doit faire face, le 18 mai, à une échéance de 8,5 milliards d’euros.

La France (Sarkozy) a décidé d’accorder un prêt de 3,9 milliards d’euros, à 5%. Naturellement, comme Paris n’a pas le sou, Paris va emprunter pour pouvoir prêter à la Grèce. Notre « trou » à nous va donc se creuser davantage encore. Mais, à Bercy, on nous explique que nous pouvons emprunter à moins de 2%. C’est tout juste si on ne nous explique pas que nous allons faire là une bonne affaire !

En fait, les malheurs de la Grèce posent une vraie question. Que signifie la « solidarité européenne » ? S’il était parfaitement souhaitable d’aider certains pays européens à la traîne à se mettre, plus ou moins, au niveau moyen de l’ensemble européen, est-il normal de renflouer des pays qui ont fait n’importe quoi, sans tenir aucun compte ni des règles les plus élémentaires ni des avertissements qui lui avaient été donnés ?

On comprend parfaitement la mauvaise volonté de Mme Merkel qui en a assez de voir traiter son pays comme la « vache à lait » de l’Europe. Et certains Français comprennent mal que, dans les difficultés que nous connaissons nous-mêmes en ce moment, on aille aider, à « fonds perdus d’avance » une Grèce corrompue jusqu’à la moelle et qui n’a pas la moindre volonté de faire le moindre effort.

Mme Merkel estime que l’Europe pourrait parfaitement « expulser » tel ou tel pays (elle pense évidemment à la Grèce) qui ne jouerait pas le jeu. Un député UMP, Jacques Myard, vient de reprendre cette idée d’expulsion de la Grèce, si ce n’est de l’Europe du moins de la zone euro, en déclarant : « La monnaie unique est structurellement inadaptée à la Grèce. Lui prêter fait baisser la fièvre, mais la fièvre remontera immédiatement. Les prêts épongent les conséquences, ils seront sans effets sur les causes. Persister dans cette voie c’est s’engager à prêter ad vitam aeternam à Athènes. La Grèce sortira de l’euro tôt ou tard, le plus tôt serait le mieux ».

L’affaire belge pose une tout autre question. Sans doute plus fondamentale encore. Sans qu’on s’en soit toujours bien rendu compte ni surtout que personne ne nous ait jamais demandé notre avis, nous sommes, au fil des années, passés d’une « Europe des Nations », telle que l’avaient rêvée ses créateurs au lendemain de la guerre, à une « Europe fédérale » qui entend décider de tout, où les frontières ont disparu, avec une monnaie unique, un parlement qui impose ses lois, un pseudo gouvernement, des tribunaux qui ont, par définition, le dernier mot et une horde de fonctionnaires qui gèrent, qui dictent leurs volontés, qui imaginent comme ils l’entendent notre avenir.

Cette Europe de la technocratie détruit, chaque jour davantage, la notion même de « nation » à une époque où pourtant la mondialisation, les transferts de population, la disparition des idéologies, la perte de tous les repères poussent tous les peuples à tenter de retrouver leur authenticité, leur originalité, leurs racines. Autant dire leur nation.

On l’a bien vu en Europe de l’Est où la chute du bloc soviétique a provoqué une renaissance de tous les nationalismes. Les Tchèques se sont séparés des Slovaques, tout comme la mort de Tito a provoqué l’éclatement de la Yougoslavie et la renaissance d’une kyrielle de nations et d’Etats indépendants (la Croatie, la Serbie, le Monténégro, etc.).

On peut d’ailleurs remarquer que les rares fois où on a consulté les peuples européens sur cette évolution accélérée vers une Europe fédérale, ils se sont montrés pour le moins réticents, que ce soit à propos du Traité de Maastricht ou de la Constitution européenne. Contrairement à ce que pensent les technocrates bruxellois, les peuples européens sont encore et plus que jamais attachés à leurs nations

La Belgique est un Etat fragile en raison de son histoire récente et surtout de l’antagonisme qui a toujours opposé les Wallons (autrefois riches et dominants) aux Flamands (jadis méprisés et aujourd’hui maîtres de l’économie du pays). Cœur de l’Europe avec, en plus, pour capitale Bruxelles, la capitale européenne, il était évident que l’éclatement programmé des nations européennes allait porter un coup fatal à la fragile « nation belge » en réveillant, par là même, une « nation flamande » revancharde.

L’idée de transformer le royaume en fédération pour tenter de calmer les choses en donnant aux Flamands une certaine autonomie n’a sûrement pas été la bonne. Dans ces cas-là, l’autonomie conduit toujours à revendiquer l’indépendance. Personne ne sait « quand », mais tout le monde a compris maintenant que la Belgique éclatera un jour où l’autre et dans des conditions sans doute difficiles puisqu’il faudra décider du sort de Bruxelles, en « zone » flamande mais à très grande majorité wallonne.

Bref, cette semaine, on en est venu à se demander, à la fois, si une Europe à 27, avec des pays « incontrôlables » et présentant d’innombrables disparités, était viable à long terme et s’il était déjà temps d’oublier que les peuples avaient besoin du cadre des nations.

Une bien mauvaise semaine pour l’Europe !

Thierry Desjardins


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