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27/9/11 Thierry Desjardins
       La France « profonde » a dit non à Sarkozy !

A l’Elysée, les hommes de Nicolas Sarkozy en sont réduits à imaginer que les amitiés plus ou moins « francs-maçonnes » de Gérard Larcher pourraient lui permettre, samedi prochain, de conserver « le plateau » (la présidence du Sénat) à la droite. C’est dérisoire. D’abord, parce qu’à la Haute Assemblée, on compte autant de francs-maçons à gauche qu’à droite, ensuite et surtout, parce que les Français seraient évidemment scandalisés si de petits arrangements, des tractations plus ou moins secrètes et des magouilles compliquées permettaient à la droite de garder cette présidence du Sénat alors que le vote des grands électeurs a été sans appel dimanche dernier. On ne triche pas avec les résultats des urnes.

Les ténors de l’UMP semblent être de mauvais perdants. Ils devraient pourtant avoir l’habitude de perdre puisque, depuis le triomphe de Sarkozy en 2007, ils ont perdu toutes les élections, les municipales, les cantonales, les régionales. Certes, ces élections qu’on appelle « intermédiaires » sont toujours difficiles pour le pouvoir en place. Elles donnent aux électeurs l’occasion de faire connaître, à peu de frais, leur mécontentement. Et ils sont toujours mécontents. Mais jamais un pouvoir en place n’a perdu avec une telle régularité et dans de telles proportions ces scrutins.

Elu au suffrage indirect et n’ayant, par définition, jamais le dernier mot en face de l’Assemblée nationale, le Sénat est souvent méprisé. Or, il représente, mieux que l’Assemblée, la France « profonde ». Ses électeurs sont moins sensibles au monde médiatique parisien, aux effets de mode, aux vagues roses ou bleues, aux charmes de l’alternance. Elus du terrain - maintenant on dit « des territoires » - et non pas des instituts de sondages ou des journaux télévisés, souvent sans appartenance partisane nettement déclarée, ils ont les pieds enfoncés dans les réalités. Les maires des petites communes et des villes de moyenne importance connaissent mieux les problèmes du chômage, de la paupérisation, des délocalisations, de la désindustrialisation du pays, de la mort programmée de nos provinces que nos brillants énarques et nos fonctionnaires repus qui peuplent les travées du Palais Bourbon.

Ce sont toutes ces particularités qui ont fait que le Sénat a été de droite et plus encore de centre-droit depuis les débuts de la Vème République, la France « profonde » étant viscéralement de centre-droit.

Or, pour la première fois, ces grands électeurs qui, on l’a oublié, n’avaient pas voulu basculer à gauche ni en 1981, ni en 1988, ni en 1997 alors que des vagues roses déferlaient sur l’Assemblée, ont très clairement dit non à la droite telle que la représente l’UMP.

Il est très intéressant de bavarder aujourd’hui avec certains de ces grands électeurs. Tous disent la même chose : « Sarkozy, ce n’est plus possible. Il nous a trahis avec son ouverture à gauche au début du quinquennat, puis, à mi-mandat, avec son coup de barre à droite toute. Il n’a tenu aucune de ses promesses. Il a tout raté, contre le chômage, contre les déficits, contre l’insécurité. Les crises financière et économique ne sont pas des excuses. Un chef de l’Etat est élu pour affronter ce genre de catastrophes. Et puis surtout, les Français ne le supportent plus ».

Le Sénat a basculé à gauche non pas parce que cette France profonde s’est brusquement convertie au socialisme ni même à la social-démocratie mais parce qu’elle a tout simplement et très clairement rejeté Sarkozy en personne.

C’est évidemment une préfiguration de ce qui pourrait bien arriver en avril prochain lors des présidentielles : une France majoritairement de centre et de droite se jetant dans les bras d’un socialiste par rejet du candidat de droite, comme elle l’avait déjà en 1981, par rejet de Giscard, en 1988, par rejet de Chirac, en 1997, par rejet de Juppé.

Sur le papier, cela devrait être une chance inespérée pour les candidats de droite ou du centre qui se sont nettement démarqués de Sarkozy, les Bayrou, Borloo ou Villepin. Depuis qu’il a été pour une seconde fois relaxé dans l’affaire Clearstream, l’ancien Premier ministre a abandonné la présidence de son petit parti « République solidaire » pour se placer au-dessus des partis et tenter de fédérer, avec Borloo et Bayrou, une alternative. L’idée n’est pas mauvaise mais la guerre des égos risque fort de compromettre l’opération. Pour l’instant, il semble bien que ce soit Marine Le Pen qui engrange le mieux les voix de tous ceux qui, à droite si ce n’est au centre, ne veulent plus de Sarkozy.

Un deuxième tour Hollande-Marine Le Pen pousserait sans doute de nombreux électeurs de cette France profonde à rester chez eux le jour du scrutin. Sarkozy resterait alors comme celui qui a discrédité, déconsidéré, disqualifié la droite.

Thierry Desjardins



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