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17/5/12 Thierry Desjardins
     Aubry éliminée, on se retrouve presque avec
                                Guy Mollet !

Ce premier gouvernement du quinquennat de François Hollande est à la fois rassurant, incohérent et habile.

D’abord rassurant. On nous avait annoncé Martine Aubry. Elle n’est pas là. Certains nous disent que la haine personnelle qui oppose, depuis des années, la fille de Jacques Delors et Hollande, l’un des fils spirituels du même Delors, laissait prévoir cette élimination de la Première secrétaire du PS. Mais, en fait, cela dépasse de beaucoup ces querelles familiales.

En préférant le « gentil » Jean-Marc Ayrault à la « redoutable » Dame des 35 heures, Hollande entend bien affirmer qu’il n’a pas l’intention de faire la révolution. Du coup, Martine Aubry a estimé que, dans cette « configuration » (c’est son mot), elle n’avait plus sa place et elle a refusé tous les lots de consolation qu’on lui offrait au gouvernement. Elle ne se présentera même pas lors des législatives pour ne pas avoir à mener campagne en faveur d’un gouvernement - et d’une politique - qu’elle désapprouve et qui visiblement lui soulève le cœur. Elle va aller bouder dans sa mairie de Lille. Mais on peut lui faire confiance pour devenir une farouche « ennemie de l’intérieur » qui ne ménagera pas la dérive centriste dont elle accuse déjà Hollande.

Ne pensant actuellement qu’à gagner les législatives pour avoir une large majorité à l’Assemblée, Hollande a, bien sûr, eu raison d’écarter son « aile dure ». Il préfère séduire les amis de Bayrou plutôt que ceux de Mélenchon.
Mais ce nouveau gouvernement apparaît aussi, à bien des égards, comme incohérent.

Aux Affaires étrangères, Laurent Fabius, un des ténors du « non » lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne. A l’Economie et aux Finances, Pierre Moscovici, un spécialiste… des affaires européennes. Au Travail, Michel Sapin, un… économiste. A l’Industrie, rebaptisée en « Redressement productif », Arnaud Montebourg, l’homme de… la « déglobalisation ». A l’Ecologie, Nicole Bricq, une virtuose des… finances publiques, alors que l’écologiste de service, Cécile Duflot, se retrouve à… l’Egalité des territoires, nouveau ministère dont on se demande à quoi il va bien pouvoir servir si ce n’est à caser ainsi « la verte ».

Cela dit, la nomination la plus surprenante c’est, bien sûr, celle de Christiane Taubira à la Justice. On dira que la Guyanaise, ancienne candidate à l’Elysée qui, avec 600.000 voix, avait (avec Chevènement) fait éliminer Jospin en 2002, incarne à la fois la parité et la diversité, deux « qualités » désormais bien utiles pour assumer les plus hautes fonctions de la République. Mais Christiane Taubira n’est pas seulement une femme de couleur, c’est une redoutable pétroleuse, adepte de la repentance dès qu’il s’agit de l’Histoire de France qu’elle limite généralement au drame de l’esclavage et qui flirte bien souvent avec un racisme anti-blanc. Les magistrats n’ont décidément pas de chance. Nicolas Sarkozy avait déjà, en 2007, nommé place Vendôme, une femme issue de l’immigration, Rachida Dati. Cela n’avait pas été un succès. On attend avec impatience les premières maladresses de ce nouveau et surprenant Garde des Sceaux.

Incohérent ce nouveau gouvernement, mais finalement bien habile. François Hollande est sans doute « normal », mais il est surtout roublard.

En mettant Fabius, l’homme du « non » de 2005, au Quai d’Orsay, il fait comprendre à l’Europe que la France n’a pas l’intention de dire « oui » à tous les diktats de Bruxelles et surtout de Berlin. En mettant un spécialiste des Affaires européennes, Moscovici, à l’Economie, il rappelle que désormais notre économie et nos finances dépendent de l’Europe. En mettant Sapin, l’économiste, au Travail, il fait savoir aux syndicats que tout dépendra des équilibres budgétaires. En mettant Montebourg, le chantre de la démondialisation, au Redressement productif, il annonce clairement que la France pourrait bien plus ou moins fermer ses frontières. En ne donnant pas l’Ecologie à Duflot et en la reléguant dans un ministère bidon, il remet à leur place les écologistes qui s’imaginaient que les 2,31% obtenus par Eva Joly allaient leur permettre de s’imposer.

Pour le reste, on veut croire que Peillon, à l’Education, Marisol Touraine, aux Affaires sociales, Valls, à l’Intérieur, Le Drian, à la Défense, et même la bien jeune Aurélie Filippetti, à la Culture, ont eu assez de temps, pendant leurs longues années d’opposition, pour étudier leurs dossiers et pourront se mettre vite au travail.

Tous semblent avoir mis beaucoup d’eau dans leur vin rouge. 2012 n’a rien à voir avec 1981. Tout cela a même un petit côté SFIO d’antan. Martine Aubry éliminée, on se retrouve presque avec Guy Mollet ! C’est à la fois rassurant et bien inquiétant…

Thierry Desjardins


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