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17/2/13 | Thierry Desjardins |
Les lasagnes, l’Europe et les margoulins ! Les lasagnes ont remplacé la Syrie, Depardieu, le Mali, le mariage homosexuel, le pape et même les 3% à la « une » de notre actualité. Le public se lasse vite de tout et ne s’appesantit plus sur rien. A moins que ce ne soient les journalistes qui soient toujours à la recherche de nouveaux sujets pour vendre leur papier. Il faut dire que cette affaire de « lasagnes au bœuf » faites avec… du cheval a tout de même de quoi surprendre. Autrefois, tout était simple. On allait chez son boucher, au coin de la rue, qui connaissait un éleveur du Charolais et on mangeait une délicieuse côte de bœuf qui n’était ni du cheval ni du dromadaire. Aujourd’hui - et c’est, parait-il, le progrès - on va dans un supermarché, on achète un plat dit « cuisiné » et on ingurgite n’importe quoi c’est-à-dire, notamment, l’Europe telle que nous l’ont mitonnée nos politicards en tous genres et nos technocrates bruxellois, à la sauce magouilles et compagnie. Autrefois, c’était « du producteur au consommateur ». Aujourd’hui, si l’on a bien compris, la viande des lasagnes partait de Roumanie, passait par un intermédiaire luxembourgeois qui avait une boite postale en Belgique mais dont le siège était à Chypre et les actionnaires aux Iles Vierges, puis se retrouvait dans une entreprise de Castelnaudary, puis à Metz, puis de nouveau au Luxembourg avant de faire un détour par la Scandinavie et d’arriver dans nos assiettes un peu partout à travers l’Europe. Entre temps, bien sûr, la viande qui était du cheval était devenue du bœuf. En fait, ce scandale des lasagnes, car c’en est un, démontre, si besoin en était, que nous marchons sur la tête depuis un bon moment. C’est d’abord un exemple caricatural de cette Europe qui devait nous apporter joie, prospérité et sécurité. On nous parle des avantages du marché européen. Mais ce n’est pas un marché, c’est une foire, pour ne pas dire un « bordel » sans nom. Le fabuleux steeple-chase qu’on a fait faire à travers toute l’Europe à ces malheureuses carcasses de bourrins roumains l’atteste. On se plaint déjà de l’invasion des Roms dans les rues parisiennes mais pourquoi diable une entreprise de Castelnaudary a-t-elle besoin d’acheter de la viande en Roumanie ? Parce qu’il n’y a plus de frontières et que c’est moins cher, nous dit-on. C’est vrai. Oui, mais c’était… du cheval. Tout cela est, bien sûr, contrôlé par nos technocrates de Bruxelles, anonymes, incompétents et grassement payés. Un exemple entre mille : ils viennent d’autoriser à nouveau qu’on nourrisse avec des farines animales les poissons d’élevage (ce qu’ils avaient interdit au lendemain de l’affaire de la « vache folle »). On va donc pouvoir, de nouveau, donner des déchets de porc ou de poulet aux saumons d’élevage. Et ils nous parlent de « traçabilité » ! On voit déjà l’étiquette : « Saumon hollandais nourri au porc polonais et au poulet espagnol, avec du sel italien et empaqueté en Bulgarie ». Le saumon aura un goût de cochon. Il ne faut donc pas s’étonner si les lasagnes sentent le crottin. Car, bien sûr, avec leurs flots de lois, leurs raz-de-marée de règlements, leurs déluges de normes plus absurdes les unes que les autres, les eurocrates bruxellois ont ouvert toutes grandes les portes de toutes les escroqueries à tous les margoulins du vieux continent, passés maîtres dans l’obtention de subventions et le détournement de toutes les législations. Mais le scandale des lasagnes au cheval est aussi celui de notre société de consommation qui fait qu’aujourd’hui les producteurs et les consommateurs n’ont plus aucun rôle à jouer dans l’affaire. Les premiers doivent trimer en grattant leur terre en silence. Les seconds doivent avaler sans broncher toutes les cochonneries qu’on leur a vantées dans des spots télévisés entre un spectacle débile et un peu de propagande pour le pouvoir. Les maîtres du marché sont les intermédiaires, les grossistes, les financiers, les banquiers qui jouent au bonneteau avec tout et n’importe quoi. On peut se demander si les dirigeants de Draap Ltd., l’entreprise à laquelle ceux de Spanghero ont acheté la « viande », qui siègent à Nicosie mais sont domiciliés aux Iles Vierges, ont jamais vu un cheval de leur vie. Cette « financiarisation » de tout et même des produits agricoles a
évidemment tout faussé, tout déréglé, les prix comme la qualité. Les
agriculteurs crèvent de faim, 850.000 Français doivent aller aux Restos du
cœur pour pouvoir manger mais « les maquignons en col blanc » d’aujourd’hui
se gobergent comme jamais.
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